À en juger par les questions posées, il semble qu’une interdiction pure et simple des commissions de suivi et autres formes de rémunération des courtiers intégrées aux fonds demeurent à l’ordre du jour des autorités. Toutefois, les responsables de l’industrie ont plaidé de leur mieux pour laisser le choix au consommateur et pour un accès élargi aux conseils, et la décision finale des autorités est loin d’être chose certaine.
Cet événement de quatre heures, qui s’est tenu dans une salle de conférence au siège de la CVMO à Toronto, a rassemblé des participants qui avaient des positions irréconciliables sur la question de l’opportunité de laisser les sociétés de fonds communs payer les courtiers et négociants pour distribuer leurs produits.
Les 12 panélistes, qui représentaient des groupements professionnels, des sociétés de fonds, des conseillers financiers et des défenseurs du consommateur, étaient là pour traiter des questions soulevées par la publication en décembre dernier d’un document de discussion des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sur les rémunérations intégrées.
Dans son discours d’ouverture, la vice-présidente de la CVMO Mary Condon a indiqué que la discussion traiterait de trois thèmes récurrents qui ont émergé depuis la publication du document de discussion et dans les soumissions qui ont suivi. Il s’agit du rôle des commissions intégrées dans l’accès des petits investisseurs aux services de conseils, des services reçus en échange de ces commissions de suivi, et de l’opportunité à ce stade de prendre des initiatives d’application de réglementations autres qu’une meilleure transparence.
Joanne de Laurentiis, présidente de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (dont les sociétés membres comprennent à la fois les gestionnaires de fonds et les distributeurs de fonds) a fait valoir que le coût entier de la possession d’un fonds sera tout à fait transparent au fur et à mesure que les nouvelles exigences de divulgation pour les fonds communs de placement commenceront à prendre effet cette année. Elle se référait aux nouvelles dispositions de la CVMO qui entreront en vigueur le 15 juillet et seront mises en place progressivement au cours des trois prochaines années, qui demanderont que les courtiers et négociants dévoilent tous les ans aux investisseurs le montant total versé en commissions de suivi.
Mme de Laurentiis et d’autres représentants de l’industrie ont exprimé l’avis selon lequel le coût des conseils prodigués aux petits investisseurs ne baisserait pas suite à l’abolition des rémunérations intégrées, et qu’en fait ces coûts pourraient augmenter parce que les individus n’ont pas les capacités nécessaires pour négocier leurs frais adéquatement.
Greg Pollock d’Advocis, l’Association canadienne de planificateurs financiers, a prévenu qu’une interdiction rendrait les conseils financiers inabordables et inaccessibles pour ceux qui en auraient le plus besoin.
Mme Condon de la CVMO a demandé si les investisseurs de petits comptes obtenaient le même service pour leurs frais que les clients nantis. Elle s’est interrogée : les petits investisseurs reçoivent-ils tous les conseils nécessaires par des frais intégrés qu’ils ne savent même pas qu’ils payent? M. Pollock a répondu que oui, et que les petits comptes en reçoivent bien plus pour leur argent. Avec le temps, à mesure que la taille d’un compte s’accroît, le conseiller peut recevoir une rémunération raisonnable pour les services rendus.
La divulgation ne résout pas le conflit d’intérêts inhérents aux rémunérations intégrées, ont dit les défenseurs du consommateur lors de la séance de table ronde. Ken Kivenko, qui représentait l’Association pour la protection des petits investisseurs, a indiqué que les primes incitatives versées par les sociétés de fonds étaient ce qui motivait les ventes de fonds par les conseillers mandatés. Les commissions de suivi, a dit M. Kivenko, sont incompatibles avec la norme consistant à servir les clients selon leurs meilleurs intérêts.
Marian Passmore, directrice associée de la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (également appelée FAIR Canada) a noté que la plupart des fonds communs ne fournissaient pas aux investisseurs d’options sans commissions intégrées. Pour les investisseurs autonomes qui traitent avec les courtiers à escompte, a-t-elle noté, cela veut dire que les investisseurs paient pour des services qu’ils ne reçoivent pas.
La représentante de FAIR Canada a indiqué qu’une interdiction des rémunérations intégrées favoriserait de fait la concurrence dans l’industrie des fonds. Un autre panéliste, le courtier sur honoraires John de Goey, a dit qu’avec une plateforme sur honoraires, les conseillers pouvaient substituer des produits à bas prix qui réduisaient le coût encouru par leurs clients pour les détenir, sans voir leur rémunération réduite.
Sans recommander une interdiction des commissions de suivi, le président de Vanguard Investments Canada Atul Tiwari a dit que la tendance semblait favoriser les placements sur honoraires et les choix à moindres frais comme les fonds négociés en bourse. Avec des produits aux coûts inférieurs, les conseillers peuvent gagner tout autant d’argent et les investisseurs paient moins, dit-il.
Le président d’Invesco Canada Peter Intraligi a blâmé les courtiers à escompte pour leur refus de distribuer les fonds à bas prix. Il a dit que sa firme était disposée à vendre ses fonds de série F, qui ne versent pas de rémunération intégrée, par l’entremise des courtiers à escompte, mais les courtiers ont refusé de les distribuer.
Doug Coulter de RBC Gestion mondiale d’actifs a noté que RBC Placements en direct avait pris la décision commerciale de ne pas distribuer de fonds tiers qui ne versent pas de commission de suivi, mais a ajouté que cette société de courtage à escompte voulait bien proposer des fonds à commission de suivi réduite.
Le commissaire de la CVMO Sinan Akdenis s’est interrogé sur la différence qu’il y aurait pour un conseiller d’être payé directement par les investisseurs plutôt que par des commissions de suivi reçues par les sociétés de fonds. Le problème avec les commissions de suivi, a-t-il dit, c’est le conflit d’intérêts.
Robert Frances, directeur général du Groupe financier PEAK, a dit que sa firme offrait le choix entre une rémunération sur commission ou sur honoraires, mais jouté que ce dont la plupart des clients se souciaient n’était pas vraiment ce qu’ils payaient pour recevoir des conseils, mais le bénéfice net qu’ils en tiraient. La commissaire de la CVMO Deborah Leckman a exprimé son scepticisme quant à l’indifférence des investisseurs pour les coûts, notant que pour les produits de consommation en général les investisseurs étaient très attentifs à ce qu’on leur faisait payer.
Mme De Laurentiis de l’IFIC et Mme Sian Burgess, vice-présidente et conseillère juridique auprès de Fidelity Investments Canada, ont dit que la transparence des frais devrait être appliquée de façon égale dans tous les produits de placement, et pas seulement les fonds communs. Autrement, disent-ils, l’argent dépensé en placements sera réorienté vers d’autres produits moins transparents, comme les produits d’assurance.
Paul Bates, ex-cadre de l’industrie du courtage et représentant le comité consultatif des investisseurs de la CVMO, a émis une objection à cet argument. Interdire la rémunération intégrée, a dit M. Bates, donnerait aux investisseurs plus d’occasions de négocier les frais et de les payer d’une manière fiscalement efficiente. Il s’est déclaré convaincu que si un vide provisoire commençait à se dessiner dans l’industrie des conseils financiers, les entrepreneurs novateurs le combleraient.