Selon Matthew Strauss, vice-président et gestionnaire de portefeuille à Signature Gestion mondiale d’actifs, il est bien plus difficile d’investir dans les marchés émergents à l’heure actuelle que durant la période entre 2002 et 2011.
« Ce furent neuf années glorieuses, où toutes les conditions idéales étaient réunies », dit Matthew Strauss, spécialiste de l’évaluation des économies des pays en émergence, ainsi que de l’analyse des tendances affectant les devises étrangères. « Pendant cette période, la Chine se développait rapidement et d’autres grandes économies émergentes comme le Brésil et l’Inde se comportaient bien aussi. »
Cet état de grâce, dit-il, s’est reflété dans l’essor de l’Indice MSCI marchés émergents. De 2002 à 2011, il a surclassé haut la main l’Indice MSCI monde, point de repère des économies développées.
Plus récemment, l’indice des marchés émergents s’est substantiellement sous-classé par rapport à ses homologues des marchés développés, souligne Matthew Strauss. « L’écart entre l’évaluation de l’indice des marchés émergents et celui des marchés développés s’est élargi, et l’évaluation relative des actions des marchés émergents est plutôt convaincante. »
Matthew Strauss pense que la performance des marchés émergents s’améliorera dans la seconde moitié de 2013, à condition que l’économie américaine reste sur sa trajectoire et qu’aucun bouleversement ne survienne dans la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine.
Quant à la Chine, Matthew Strauss dit que sa croissance a ralenti « en partie par décision gouvernementale » pour atteindre des taux jugés plus durables. On s’attend à ce que son PIB augmente de 7 % à 8 % par an pour les années à venir, dit-il.
Pékin se concentre à présent sur la consommation intérieure, le secteur des services et la fabrication de produits d’exportation à valeur ajoutée, dit-il. Elle a arrangé une augmentation des salaires pour les travailleurs aux échelons les plus bas de l’économie. « Cela rejoint l’importance qu’elle accorde à la fabrication de produits à plus grande valeur ajoutée. »
La prochaine étape pour la Chine, selon Matthew Strauss, est l’instauration d’une autre vague de réformes économiques. Il aimerait voir Pékin exiger des gouvernements locaux qu’ils fournissent une gamme complète d’avantages sociaux aux ouvriers ayant migré des régions rurales aux grandes villes.
Pour ce qui est des marchandises, Matthew Strauss dit que les données fondamentales ne sont pas aussi robustes qu’elles ne l’étaient entre 2002 et 2011. Il y a eu le ralentissement de l’économie chinoise, combiné à une croissance anémique dans la plupart des économies développées, et dans certains cas, une augmentation de l’offre, dit-il. « Le cycle des marchandises a énormément ralenti, et une relance fulgurante semble peu probable. » Cela a des ramifications négatives pour les principaux producteurs de marchandises issus des marchés émergents, comme le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Indonésie, dit-il.
Signature Gestion mondiale d’actifs, qui est une équipe de gestion de portefeuille distincte sous la coupe de Placements CI, gère 40 milliards $ dans toutes les catégories d’actifs. Chez Signature, les responsabilités de M. Strauss comptent notamment le Fonds marchés nouveaux Signature CI , produit dont il partage la gestion avec Eric Bushell, directeur du placement pour Signature.
Né et élevé en Namibie, Matthew Strauss a une maîtrise en économie de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud. Les 17 ans qu’il a passés dans l’industrie du placement comptent notamment un poste de stratège principal pour l’une des grandes banques au détail sud-africaines, et plus récemment, un poste de stratège principal du revenu fixe et des devises pour l’une des principales banques à charte canadiennes.
Le Fonds marchés nouveaux Signature CI, dont le point de repère est l’Indice MSCI marchés émergents, détient actuellement 115 noms. « La fourchette comprend entre 100 et 120 noms », dit Matthew Strauss. M. Bushell et lui-même utilisent une combinaison d’analyses macroéconomique et spécifiques aux titres. Pour ce dernier type d’analyse, « nous dépendons de données provenant d’autres gestionnaires de portefeuille et spécialistes sectoriels de Signature. »
Au niveau géographique, ce fonds surpondère la Grande Chine, mais sous-pondère les autres pays dits du « BRIC », soit le Brésil, la Russie et l’Inde.
Les pondérations sectorielles reflètent en partie deux principales thématiques de placement : l’aisance grandissante des ménages dans les pays en développement et le besoin d’investissements dans les infrastructures. « L’augmentation de la richesse des ménages est en train de dynamiser la demande dans les services financiers, les biens de consommation de base, les produits de consommation discrétionnaires et les soins de la santé dans ces pays », dit Matthew Strauss.
Comme mise sur la demande des marchés émergents en infrastructures, ce fonds détient des positions dans les fabricants de ciment PT Semen Indonesia (Persero) et Siam Cement Public de Thaïlande, qui font toutes deux partie des 10 avoirs principaux.
Ce fonds affiche une sous-pondération marquée aux matériaux, mais sous-pondère toutefois moins les producteurs énergétiques pour rester en adéquation avec l’analyse macroéconomique de Signature. « Le surplus de l’offre est moins important dans le domaine du pétrole que pour plusieurs métaux industriels de base. »
Le Fonds marchés nouveaux Signature CI a des avoirs importants dans certains géants mondiaux des pays émergents, dans des domaines comme la technologie. Il détient également des avoirs dans certains acteurs mondiaux domiciliés dans des pays développés, « où les économies émergentes représentent un pourcentage grandissant de leurs revenus et de leurs bénéfices », dit Matthew Strauss.
Ici, par exemple, on trouve le poids lourd de l’électronique Samsung Electronics, qui est basé en Corée du Sud, et Taiwan Semiconductor Manufacturing, qui possède un certificat américain d’actions étrangères TSM et se négocie à New York.
Basée aux États-Unis et dotée d’une envergure mondiale, Citigroup C fait partie des 10 avoirs principaux. Cette banque, dit M. Strauss, dégage environ la moitié de ses revenus des services aux particuliers dans les pays en développement. Au moment de son achat, cette action proposait une meilleure valeur relative que les banques des économies émergentes, qui sont « généralement onéreuses », dit-il. « L’action de Citigroup s’est raffermie depuis que nous l’avons achetée, mais nous l’apprécions toujours. »
Les banques des marchés émergents en portefeuille que l’équipe Signature continue à privilégier comptent entre autres Kasikorn Bank Public et Bangkok Bank Public de Thaïlande. « Nous surpondérons beaucoup la Thaïlande. Sa situation macroéconomique et celle de ses actions ont convergé. » M. Strauss indique que ces deux actions bancaires ont été acquises à une époque où le doute planait sur les banques thaïlandaises. « Elles se sont bien comportées et sont à présent vendues à leur valeur juste. »
Un des 10 principaux avoirs en portefeuille est OAO Sberbank. « C’est la plus grande banque de prêts de Russie, avec une position dominante sur le marché de ce pays », dit M. Strauss. L’évaluation de Sberbank est très convaincante, dit-il. « Son action se négocie au rabais par rapport à ses homologues des marchés émergents, tandis que la croissance de ses prêts reste forte. »
Dans les soins de la santé, l’un des fers de lance brésiliens en matière de diagnostic, et qui est une mise sur la demande croissante des services de santé dans « l’une des économies émergentes clés », est Fleury S.A., dit M. Strauss. « Cette société fournit des services de haute qualité et a pignon sur rue dans le segment à revenu élevé du marché dans ce pays. » Dernièrement, dit-il, elle s’est mise à élargir son marché pour profiter de l’aisance croissante des ménages.
L’équipe de Signature a liquidé sa position dans la grande entreprise brésilienne de construction MRV Engenharia. « Cette compagnie vise le marché à revenu faible. » Le chômage est en hausse au Brésil, et MRV est en train de connaître un débordement de ses coûts, dit M. Strauss. « Cela resserre ses marges bénéficiaires. »