Claude Paquin, président pour le Québec du Groupe Investors, évoque les raisons ayant motivé cette décision, et les impacts que cela pourrait entraîner auprès des conseillers.
Finance et Investissement (FI) : Pourquoi le Groupe Investors a-t-il décidé de ne plus offrir l’option d’achat avec frais d’acquisition reportés de ses fonds ?
Claude Paquin (CP) : Cette décision représente l’aboutissement d’une réflexion. Notre industrie, comme c’est le cas dans plusieurs autres, a été confrontée à plusieurs changements dans les dernières années et notre analyse de la situation nous a permis de constater que les consommateurs avaient aussi beaucoup évolué. C’est donc dans ce contexte que nous avons décidé d’abolir les fonds avec des frais d’acquisitions reportées.
(FI) : Comment l’annonce de cette décision a-t-elle été reçue ?
(CP) : Une des prémisses de base, c’est que nous avons une très grande confiance en l’avenir. Nous croyons que l’industrie, nonobstant toutes les discussions réglementaires et le volet concurrentiel – car nous savons que notre industrie n’est pas moins concurrentielle qu’elle l’était, bien au contraire – devrait enregistrer une croissance assez importante. Ne serait-ce qu’en raison du phénomène de transfert des entreprises, ou encore du transfert intergénérationnel, dont on ne peut même plus dire qu’il se prépare, mais qui est en fait déjà entamé. De même, les Québécois réalisent de plus en plus que la responsabilité de financer leur retraite va leur incomber. Pour toutes ces raisons, nous estimons que le besoin en matière de planificateurs financiers va s’accentuer et que cela va entraîner une croissance importante de notre chiffre d’affaires. En clair, nous nous appuyons sur un sentiment de confiance assez important concernant notre perspective de croissance.
Maintenant, comment est-ce que cela s’est vécu de la part de nos conseillers ? Ça a été exceptionnellement bien reçu. Nous venons tout juste de tenir notre congrès annuel à Winnipeg et c’est là que nous en avons fait l’annonce. Nous savions que cette annonce allait être accueillie de façon positive, mais jamais à ce point-là. Il y avait au-delà de 1500 conseillers dans la salle et il y a eu une réaction instantanée fort positive.
(FI) : Cette décision aura nécessairement un impact sur la rémunération de vos conseillers ?
(CP) : Il va de soi que lorsque l’on abolit une série de fonds avec des frais d’acquisition reportée, ça change la dynamique d’une entreprise ou d’un modèle d’affaires. Il fallait donc effectivement nous assurer de mettre en place des mesures transitoires afin de nous assurer que les revenus des conseillers demeurent relativement stables au cours de cette période. C’est pourquoi nous avons annoncé la mise en place de mesures transitoires pour les 15 prochains mois.
Nous tablons également sur le fait que pour les consommateurs, il va être plus facile de faire affaire avec nous. Conséquemment, nous prévoyons que le volume d’affaires va réagir positivement en enregistrant une croissance et ça, les conseillers l’ont très bien saisi.
Nous sommes donc en train de nous positionner dans le marché. Cela, je pense, a été très bien expliqué aux conseillers et a été très bien accueilli de leur part. Nous n’avons pas constaté de réactions d’inquiétude de la part de nos conseillers, au contraire. Notre décision a vraiment généré un enthousiasme assez intéressant dans la salle, qui s’est même propagé à ceux et celles qui n’étaient pas présents parce que nous ne pouvions simplement pas avoir nos 5000 conseillers sur place, à Winnipeg, avec nous.
(FI) : Vous avez évoqué la mise en place de mesures transitoires. Pouvez-vous nous fournir un exemple ?
(CP) : Lorsque l’on parle de rémunération, ça demeure malheureusement une information qui est privilégiée. Je peux toutefois vous dire que nous voulons nous assurer que pendant la période de transition, il y ait quand même une stabilité au niveau des revenus. C’est dans ce contexte que l’on a voulu agir.
(FI) : La relève aussi est concernée par cette décision, puisque cela pourrait influencer sa capacité à s’établir. Comment compter vous traiter cet enjeu ?
(CP) : La relève est un sujet extrêmement important dans chacune de nos planifications stratégiques, et qui revient continuellement dans nos réflexions. Il faut dire que dans notre réseau, et c’est probablement le cas dans l’ensemble des réseaux au Québec, notre population de conseillers vieillie et l’importance de la relève s’accentue constamment. Jusqu’ici, le modèle d’affaires de Groupe Investors, et c’est particulièrement vrai au Québec, a permis d’enregistrer une croissance assez importante du nombre de conseillers. Nos statistiques des dernières années montrent que nous sommes passés d’environ 800 conseillers à au-delà de 1 100 conseillers aujourd’hui. Il s’agit d’une croissance qui a principalement été générée par l’arrivée de conseillers dont la moyenne d’âge est relativement basse.
De fait, la relève est une histoire à succès assez importante chez nous. Au fil des ans, nous avons réussi à créer une proximité avec les futurs acteurs du domaine financier. Cela nous a très bien servi, car nous arrivons à attirer la crème de la crème issue des universités à l’échelle provinciale. Toute cette stratégie nous a amenés à mettre en place au cours des cinq à sept dernières années, un programme de financement destiné aux nouveaux conseillers, dont le but consiste à les amener à être complètement autonome après cinq ans.
Alors, en relation avec nos nouvelles orientations relatives à l’abandon des options d’achat avec frais d’acquisition reportés sur les fonds communs de placement, notre engagement n’a pas diminué auprès de la relève. Au contraire, je dirais que pour la relève, ce changement représente davantage une opportunité qu’une problématique. Quant au programme que nous avions mis en place au cours des dernières années à l’intention de la relève, il prend aujourd’hui tout son sens, surtout dans une période comme celle que l’on est en train de vivre.
(FI) : L’association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) a récemment questionné le recours aux fonds communs de placement avec frais d’acquisition reportés, se demandant notamment s’ils convenaient aux besoins des personnes âgées et aux personnes dont l’horizon temporel est faible. Est-ce que les questions soulevées par ce débat ont influencé votre choix d’aller de l’avant avec l’abandon de cette forme de rémunération ?
(CP) : Nous sommes tout à fait d’accord avec la direction des régulateurs. Un des grands principes qui régit nos façons de faire avec le client consiste à toujours mettre le client en avant. Le client doit donc toujours être gagnant dans le processus. Nous avons d’ailleurs mis en place une série de procédures il y a plusieurs années concernant les personnes plus âgées, pour nous assurer que les fonds phares soient vraiment utilisés à bon escient, par les bons clients et pour les bonnes raisons. Ainsi, les fonds phares doivent être recommandés, souhaités et appropriés dans des horizons de temps à plus long terme, c’est-à-dire de 7 à 10 ans.
(FI) : Le 1er janvier 2017, en plus de mettre un terme à l’option d’achat avec frais d’acquisition reportés pour vos fonds communs de placement, vous allez réduire les frais annualisés de vos fonds sans frais d’acquisition.
(CP) : C’est exact et notre niveau de confiance et d’enthousiasme est très élevé quant à notre entrée dans cette nouvelle ère. Nous sommes convaincus que cela va améliorer notre compétitivité, va attirer l’attention des consommateurs sur les connaissances et les compétences qui démarquent nos conseillers en matière de planification financière et fiscale et qu’au final, cela va nous ouvrir d’autres parts de marché. Notre structure de formation et de soutien aux conseillers nous a permis dans les dernières années de faire des pas de géant pour nous démarquer en matière de planification financière et fiscale. Nous voyons maintenant l’occasion de mettre en valeur ce qui fait la qualité des gens de notre réseau et pour nous, c’est excessivement motivant.