Vérifier que la tolérance au risque du client est élevée. Le client devrait aussi être à l’aise avec les risques de ce genre de stratégie, c’est-à-dire, dans le pire des scénarios, de devoir rembourser un prêt pour un actif qui a perdu toute sa valeur. « Cette opération convient davantage au client dont l’horizon de placements est à long terme (5 à 10 ans) », lit-on dans l’Avis de l’Autorité des marchés financiers concernant les prêts à effet de levier lors de l’achat de titres d’organismes de placement collectif et de fonds distincts.
« Si les pertes potentielles sur ce prêt ont comme conséquence de retarder la retraite d’un client, ce n’est fort probablement pas pour lui. Souvent les gens capables d’assumer le risque, ce sont souvent ceux qui ont le moins besoin d’utiliser l’effet de levier », indique Denis Preston, planificateur financier, formateur et consultant en gestion des risques, qui donnera d’ailleurs un atelier sur la question lors du congrès de l’Institut québécois de planification financière, la semaine prochaine.
Constater une situation financière saine. Le client devrait être capable de rembourser l’emprunt et ses intérêts. Pour s’en assurer, le représentant devrait avoir en main un bilan de ses actifs et de ses passifs, ainsi que ses principales dépenses.
« Généralement, un prêt pour l’achat d’un placement ne devrait pas dépasser 30 % de la valeur nette du client et 50 % de la valeur nette liquide du client. Par exemple, un client ayant une valeur nette liquide de 200 000 $ ne devrait pas contracter un prêt de plus de 100 000 $. De plus, l’endettement total du client ne devrait pas excéder 35 % de ses revenus totaux (excluant les revenus provenant de son placement) », lit-on dans l’avis de l’AMF.
« Fait intéressant, on ne peut pas compter sur le revenu du placement qu’on va faire pour payer les intérêts. Il faut que le client puisse payer les intérêts à même son budget », indique Denis Preston.
Informer son client des risques. Le client doit vraiment comprendre les risques liés à la stratégie, c’est-à-dire que la valeur des placements soit inférieure à celle du prêt. « Il ne faut pas seulement que le client confirme qu’il a compris. Un truc est de demander au client s’il peut nous expliquer le risque. S’il n’est pas capable de nous l’expliquer, il n’a pas compris », ajoute Denis Preston.
Vérifier que son taux d’imposition est suffisamment élevé. Le prêt à l’investissement convient davantage à un client dont le taux d’imposition est élevé. En effet, si le client emprunte pour souscrire à un fonds commun dans un compte non enregistré, les intérêts à payer sur l’emprunt sont généralement déductibles d’impôt.
« Toutefois, un emprunt n’est pas nécessairement une bonne stratégie simplement à cause de la déduction fiscale. Le représentant ne devrait donc pas considérer ce seul critère pour permettre à son client d’utiliser l’effet de levier », lit-on dans l’avis de l’AMF.
« Attention! Il faut connaître non seulement le revenu imposable du client, mais aussi toutes les autres déductions auxquelles il a droit qui modifient son taux d’imposition global », apprend-on dans un extrait du site Info-déonto de la Chambre de la sécurité financière portant sur l’effet de levier.
Donner priorité à l’intérêt du client. Afin de respecter le Code de déonthologie de la CSF, le représentant doit s’assurer que le recours à l’effet de levier est dans l’intérêt du client. « Le représentant doit subordonner son intérêt personnel à celui de son client », lit-on dans un extrait du site Info-déonto.
Bien documenter le dossier. Lorsque le représentant recommande un prêt levier, le document de prêt devrait être versé au dossier et la demande, approuvée par le chef de la conformité de son cabinet. « Le fait que l’institution prêteuse approuve le prêt ne veut pas dire que la stratégie convient au client », souligne en caractère gras l’AMF dans son avis.
« Une institution financière c’est comme une compagnie pharmaceutique. Elle propose des produits. C’est au médecin de voir si le médicament convient au patient, comme c’est au représentant de s’assurer que le tout convienne au client», illustre Denis Preston.
« Le personnel de l’Organisme canadien de règlementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a également noté plusieurs situations où les clients n’avaient pas reçu de l’information suffisante pour leur permettre de bien comprendre les risques liés à de telles stratégies », lit-on dans un document de consultation sur le sujet de l’OCRCVM.
S’assurer que l’emprunt convient toujours. Le prêt levier doit bien convenir au client durant toute la durée de vie de l’emprunt. « Cette vérification permet au représentant de confirmer que le prêt de son client n’est pas en défaut, que les conditions d’emprunt sont toujours favorables au client et d’apporter les correctifs nécessaires s’il y a lieu, lit-on dans l’avis de l’AMF. Il est important de s’assurer que le client ne traverse pas une période difficile qui lui donne des tensions financières et émotionnelles à cause de l’emprunt. Si c’est le cas, un correctif s’impose. »
L’OCRCVM souligne que les règles entourant les prêts à l’investissement touchent également les prêts sur marge consentis par le courtier tout comme ceux réalisés au moyen de prêts avancés par des tiers, comme un conjoint.
Dans le cas des prêts sur marge consentis par le courtier, une baisse de la valeur du titre peut entraîner des appels de marge, lesquels doivent être réglés immédiatement. Si le client n’en est pas capable, le courtier peut vendre les titres du compte pour garantir l’emprunt sans la permission du client et celui-ci subira une perte.
Photo Bloomberg