Les clients reviennent peu à peu sur les marchés, confirme Michel C. Trudeau, président et chef de la direction de Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL).
«Tranquillement, peu à peu, une journée à la fois. Mais avec une faible tolérance au risque», précise-t-il.
Deux secteurs suscitent l’intérêt des clients des firmes de courtage de plein exercice : les titres à revenu fixe à rendement élevé – ce qui inclut la dette souveraine, les obligations des marchés émergents et les obligations à haut rendement – ainsi que les actions de qualité qui versent des dividendes.
Conseillers sous pression
«Chez nous, on ne cogne pas aux portes pour acheter davantage d’actions. En fait, les clients font actuellement beaucoup pression sur les conseillers afin de trouver de nouvelles solutions en revenu fixe. Ils cherchent à alimenter leurs besoins de liquidités», affirme Paul Balthazard, vice-président et administrateur, directeur régional, Québec et Provinces de l’Atlantique, chez RBC Dominion valeurs mobilières.
Là, comme ailleurs, la clientèle vieillit et les premiers boomers commencent à prendre leur retraite. Toute une génération se prépare à franchir le gué… alors que les plaies des deux crises boursières et financières de la dernière décennie ne sont pas encore cicatrisées.
Par conséquent, la clientèle est devenue d’une grande sensibilité – et parfois même, carrément allergique – à la volatilité boursière. En effet, bien des épargnants ne peuvent plus se permettre d’encaisser des pertes et de reculer dans leur planification financière pour la retraite.
Parallèlement, les boomers pré-retraités savent bien qu’ils doivent continuer à étoffer leur bas de laine, alors même que les obligations sont moins attrayantes que jamais en raison des faibles taux d’intérêt.
«Nous sommes entre l’arbre et l’écorce. Nos clients veulent protéger leur capital. Et en même temps, ils veulent augmenter leurs revenus. C’est pourquoi la tentation du revenu fixe à rendement élevé est si forte. Or, cette option comporte des risques. Et c’est là où, selon nous, se situe le danger», ajoute Gérard Taillon, premier vice-président et directeur général pour le Québec de BMO Nesbitt Burns.
Gérard Taillon souligne que les oracles de PIMCO et de Black-Rock ont dernièrement mis les investisseurs en garde vis-à-vis des risques que comporteraient la dette souveraine et les obligations à haut rendement.
«Quand un Bill Gross lance de telles mises en garde, il faut l’écouter ! Les signaux d’alarme sont d’autant plus inquiétants qu’on ne peut pas complètement segmenter le high yield», martèle Gérard Taillon.
Paul Balthazard lève également un drapeau jaune. «On s’approche de la fin d’un boom en revenu fixe. Et n’oublions pas que plus les rendements sont élevés, plus le risque est présent», dit-il.
Cela dit, le monde des obligations d’entreprises recèle encore de bonnes affaires.
«Le bilan des entreprises s’est assaini. Et depuis la crise, le niveau d’endettement des entreprises cotées BBB (faible) a globalement diminué», signale Michel C. Trudeau.
Il faut cependant s’assurer que les obligations d’entreprises conviennent aux profils de risque des clients, ajoutent Vincent Hogue et Paul Balthazard.
Chat échaudé…
Premier vice-président et directeur national, Financière Banque Nationale – Gestion de patrimoine, Denis Gauthier croit que l’investisseur moyen est devenu plus prudent depuis la crise, au point de prendre une pause face aux risques des obligations à haut rendement.
«Chat échaudé craint l’eau froide ! La plupart des épargnants se satisfont de rendements obligataires à 3 %. Ils savent aussi qu’ils peuvent toucher des rendements globaux de 6 ou 7 % par an, parce que les portefeuilles sont mieux construits qu’avant la crise, notamment grâce à une plus grande utilisation des fonds négociés en Bourse», explique Denis Gauthier.
Les titres à revenu fixe à rendement élevé ne sont pas les seuls à avoir suscité davantage d’intérêt auprès de la clientèle des sociétés de courtage. La demande s’est également portée sur les titres boursiers de qualité qui versent des dividendes.
«Il y a une ruée pour des titres de grande qualité qui versent des dividendes. Cela vient en bonne partie des clients qui prennent de l’âge», précise Denis Gauthier.
En conséquence, les spécialistes de la sélection de titres boursiers reprennent toute leur importance.
«On a signé trop vite l’arrêt de mort des stock pickers. Notre époque demande des spécialistes capables non seulement de trouver les titres boursiers qui versent des dividendes, mais aussi ceux qui pourront s’apprécier avec le temps», dit Gérard Taillon