Or, les réflexions sur le sujet ont évolué… au début. Depuis un certain temps, on a cependant atteint un plateau. Non pas parce que la réflexion est terminée, mais parce qu’on n’a pas de réponse à certaines questions.Évidemment, pour les personnes qui ont suffisamment de ressources pour combler les deux instruments, il n’y a aucun problème. On remplit les deux. La notion d’optimisation intervient lorsque le contribuable doit faire un choix entre le REER et le CELI.
Voici la règle acceptée qu’on tente d’appliquer depuis quelques années :
Si le taux d’imposition en période d’accumulation est supérieur au taux d’imposition à la retraite, on favorisera l’épargne dans un REER. Sinon, c’est le CELI qui sera priorisé.
Cette règle est bien belle, mais elle ne donne pas de plan de match très précis pour certaines raisons.
Taux d’imposition à utiliser
Premièrement, de quel taux d’imposition parle-t-on ? Il va de soi que les TEMI (taux effectifs marginaux d’imposition) doivent être pris en compte dans les calculs. Ces taux représentent l’impôt implicite d’un client, c’est-à-dire le taux marginal qui tient compte de l’ensemble de l’impôt et des mesures socio-fiscales qui sont pertinentes pour ce client.
Les simples paliers d’imposition progressive peuvent être loin de la réalité. Il ne s’agit donc pas ici d’un problème réel à moins de ne pas vouloir aller voir le modèle de revenu disponible du ministère des Finances du Québec ou encore les «courbes de Laferrière» publiées par le CQFF qui peuvent donner une bonne idée de la situation.
Nombre de TEMI
Deuxièmement, un vrai problème… le nombre de TEMI. Par exemple, pour une famille de deux enfants en garderie subventionnée, une cotisation au REER de l’un des parents par tranche de 1 000 $ peut contenir plus de 30 paliers différents. À la retraite, en tenant compte du Supplément de revenu garanti (SRG), une simulation par tranche de 1 000 $ de revenu de pension gagné à 50 % par chacun des conjoints contient 62 paliers ! Une optimisation REER-CELI doit tenir compte de tous ces paliers, car ils sont très variables.
Un travail de moine consisterait donc à tester, pour chaque niveau de cotisation REER, disons par tranche de 1 000 $, son équivalent en revenu de retraite et à trouver le point où les TEMI sont à peu près égaux. Ce point serait un «point de bascule», c’est-à-dire le niveau de cotisation REER ou CELI au-delà duquel on inverserait l’épargne. Voyez-vous le travail ?
Si au moins, c’était la bonne façon d’optimiser, mais il nous reste le plus grand défi à surmonter.
Nombre d’années
Troisièmement, chacune des années doit être considérée. On ne peut effectuer les calculs avec une seule année de dépôt et une seule année de retrait. Il faudrait faire ce calcul pour chaque année de cotisation, mais le problème est que chacun de ces dépôts «se fondra» avec les autres et ne fera pas l’objet d’un retrait à une année spécifique. Donc, on ne connaît pas les TEMI à utiliser à la retraite parce qu’on ne peut attribuer une année de décaissement en particulier à une cotisation donnée.
On n’a donc d’autre choix que de se rabattre sur le taux d’imposition moyen au moment de la déduction et au moment de la retraite. Ces taux moyens feront pencher la balance en faveur du REER ou du CELI. Sauf que la situation ne sera toujours pas optimisée. En effet, que signifie «faire pencher la balance» en faveur du REER ou du CELI ? Jusqu’à quel niveau investir dans le REER ou le CELI avant d’inverser ?
Par exemple, il est possible que seuls les premiers 6 000 $ d’une cotisation REER vaillent vraiment la peine d’être investis en REER et que le reste doive être investi dans un CELI. Avec une épargne possible de 10 000 $, une famille devrait ainsi cotiser 4 000 $ au CELI.
Du concret
Vu ce qui précède, il est évident que la solution n’est pas mathématique. On doit donc procéder à des essais/erreurs à moins d’avoir accès à un outil d’optimisation, ce qui est heureusement mon cas, sinon, je ne serais pas là à écrire mais à calculer jour et nuit !
Ce n’est pas évident de donner des lignes directrices quand vient le moment de parler d’optimisation, peu importe de quel type, car il s’agit toujours de cas par cas. Ce que je tenterai de faire à l’occasion, pour vous orienter, c’est de partager certaines observations simples qui se dégagent au fil des simulations. Et comme je ne prétends pas détenir la vérité, il n’est pas exclus, pour différentes raisons, que ce que je croyais être une tendance, n’en soit pas réellement une mais soit simplement le résultat d’un cas isolé.
En passant, on comprend qu’une optimisation REER-CELI n’est utile que dans un contexte où les personnes doivent faire un choix entre les deux. Quelqu’un qui n’a pas cette contrainte optimise sa situation en cotisant au maximum dans les deux intruments.
Au fil du temps, je numéroterai les observations afin de pouvoir suivre leur évolution et y revenir au besoin. Je commencerai aujourd’hui avec trois observations.
1. Une optimisation REER-CELI ne fait pas de miracles. Étant donné les limites fiscales applicables à ces deux intruments, le report ou non de certains montants ne change pas le portrait du tout au tout. La plupart des optimisations se limitant au REER et au CELI enrichissent les héritiers de tout au plus quelques dizaines de milliers de dollars. Dans certains cas, le fait de prioriser le REER à 100 % ou le CELI à 100 % génère des résultats quasi optimaux.
2. Dans la grande majorité des cas, on a besoin des deux intruments. Dans le cas des personnes à plus faible revenu, sans surprise, un scénario sans REER peut être optimal. Je dis «peut» car, dans certaines situations, une petite cotisation au REER peut être faite avant la retraite et retirée avant la retraite aussi. Cependant, l’écart avec un scénario composé uniquement de CELI est très faible.
Dans le cas des personnes à revenu plus élevé, une priorisation du REER à 100 % n’est pas optimale. Ces personnes ont également besoin d’un CELI. Dans plusieurs cas, ce sont les dernières années avant la retraite qui font l’objet de plus grandes cotisations au CELI. Les années où le budget est plus serré (remboursement d’un prêt hypothécaire, présence des enfants… avec des TEMI plus élevés), le surplus est investi dans le REER, alors que lorsque ces années sont passées, l’espace REER disponible n’a pas à être comblé totalement avant d’investir dans le CELI.
3. Le SRG peut être favorable, même pour des personnes à revenu moyen. Lorsque je simule le Supplément de revenu garanti (SRG), des personnes ou des familles ayant accumulé jusqu’à 400 000 $ dans leur REER pourraient être avantagées par le SRG. Bien que je ne conseille pas de procéder de la sorte, une optimisation liquide le FERR sur une dizaine d’années après la retraite. Les surplus ainsi générés sont investis dans le CELI, ce qui déclenche des prestations du SRG.
Je ne recommande pas cette façon de faire, simplement à cause des risques fiscaux. Je ne peux croire que les autorités continueront longtemps à ne pas faire de test d’actif, particulièrement du CELI, pour l’admissibilité au SRG. Comme les projections se font souvent sur une très longue période, un changement de politique fiscale pourrait être néfaste pour un client qui adopte cette stratégie.
Cependant, avec un montant de 100 000 $ de REER ou moins, il n’est pas rare qu’une optimisation liquide le FERR dès la première année de retraite (et même avant) afin de ne conserver que du CELI pendant la retraite. Et le risque est moins grand.
Voilà pour l’instant. Comme il existe un nombre de situations possibles assez impressionnant, je bonifierai ces observations avec le temps. À suivre…