De façon générale, les êtres humains ont une aversion naturelle aux pertes.

Selon Dan Ariely, professeur de psychologie et de finance comportementale à la Duke University, aux États-Unis, les gens ont une réaction émotive deux fois plus forte devant une perte que face à un gain comparable.

«Trouver 100 $ nous fait nous sentir plutôt bien, alors que perdre 100 $ nous rend complètement malheureux.»

Dans le cadre de leur étude, les trois auteurs ont poussé leur exploration des notions de risque et de perte un peu plus loin.

Ils ont fait remplir à 316 étudiants de l’Université Laval un questionnaire sur leur degré d’aversion au risque et aux pertes, ainsi que sur leur façon de considérer et de traiter l’argent.

Dans ce questionnaire, on retrouvait la proposition suivante : un billet de loterie donne 50 % de chances de ne rien gagner et 50 % de chances d’avoir à payer 100 $. Les répondants devaient déterminer combien ils étaient prêts à payer pour éviter cette perte potentielle de 100 $.

«Celui qui a une aversion au risque devrait être prêt à payer plus que 50 $, dit Philippe Grégoire, professeur au Département de finance, assurance et immobilier de l’Université Laval. Notre recherche a montré qu’en matière de pertes, les femmes aiment plus le risque que les hommes.»

Devant une proposition contraire, la situation est inversée.

En effet, lorsqu’on demande aux répondants à quel prix ils accepteraient de vendre un billet de loterie qui leur donne 50 % de chances de gagner 100 $ et 50 % de chances de ne rien gagner, les hommes sont plus susceptibles que les femmes de demander un montant élevé.

«Plus l’individu a d’aversion au risque, plus sa réponse se rapprochera de zéro, souligne Philippe Grégoire. Celui qui aime le risque aime son billet et demandera donc un prix plus élevé, soit 60 ou 70 $. Lorsque le prix de vente se situe au-dessus du rendement espéré de 50 $, on peut qualifier le répondant d’amant du risque, et au-dessous de ce prix, il ressent plutôt de l’aversion au risque.»

Philippe Grégoire hésite à étendre les résultats de ce sondage à l’ensemble de la population, puisqu’il a été réalisé auprès d’un échantillon composé uniquement d’étudiants.

Sous toutes réserves, il se permet tout de même quelques extrapolations : «Cela veut-il dire que les femmes prennent de mauvaises décisions en temps de crise ? Non, en fait, ce serait l’opposé. L’individu qui aime le risque et qui voit la valeur de son portefeuille passer de 10 000 à 6 000 $ préférera garder ses titres et attendre que les marchés remontent.»

En revanche, l’individu qui tolère moins le risque pourrait, en cas de perte boursière, décider de chambouler sa stratégie et de vendre ses placements qui ont de moins bons rendements, ajoute Philippe Grégoire.

«On pourrait en déduire que les hommes auront plus souvent tendance à réagir [en situation de perte] que les femmes.»

Autre fait intéressant, les hommes comme les femmes ont tendance à vendre leurs placements trop rapidement lorsque ces derniers sont en hausse, alors qu’ils attendent beaucoup trop longtemps avant de s’en départir lorsqu’ils dégringolent.

«Si j’achète le titre d’une entreprise à 20 $ et que son prix monte, j’aurai hâte d’empocher mes gains, indique Philippe Grégoire. Au contraire, si le prix du titre baisse, je le garderai plus longtemps dans l’espoir qu’il remonte à 20 $. Les gens ont plus tendance à s’exposer au risque à la suite d’une perte qu’après un gain.»

Enfin, les hommes associent davantage l’argent à la réussite que les femmes : «Les femmes disent plus souvent que l’argent devrait être attribué selon les besoins, alors que les hommes croient qu’il devrait être distribué au mérite. Or, on pourrait en déduire que cette tendance est liée au fait que les femmes sont souvent soutien de famille.»

Utile pour le conseiller

Les conseillers devraient s’inspirer de la finance comportementale pour mieux comprendre leurs clients, notamment en abordant différemment la notion de tolérance au risque.

Si le facteur de tolérance au risque est très important dans l’établissement du profil d’investisseur d’un client, le rapport de ce dernier à l’argent devrait aussi être examiné avec beaucoup de sérieux, selon Philippe Grégoire.