Ses trois fonds canadien, américain et mondial gérés selon la stratégie momentum n’étaient auparavant offerts qu’aux investisseurs accrédités.
En 2011, on a donc ouvert la porte aux autres investisseurs, qui doivent cependant avoir connu des périodes boursières creuses pour qu’on leur propose les fonds, la méthode Landry Morin étant riche en volatilité.
Le Fonds d’actions américaines, par exemple, propose un écart-type sur le rendement de 23,7, pour un rendement total moyen de 15,9 %. L’indice S&P 500 a un écart-type sur le rendement de 15,9, pour un rendement total moyen de 4,5 %.
Le «momentum de prix», c’est la théorie selon laquelle les titres qui prennent de la valeur depuis un an surpasseront encore leur indice pendant les 6 à 12 mois subséquents.
L’inverse est aussi vrai, les titres baissiers le restent pendant quelques trimestres encore.
La théorie repose notamment sur l’hypothèse que les «entreprises changent plus vite que les opinions des gestionnaires», explique Jean-Luc Landry, selon qui les investisseurs tardent toujours à se départir des titres perdants.
À l’opposé, les investisseurs achèteront les titres haussiers, voulant eux aussi profiter de la manne.
Meilleur du monde
La stratégie est payante : en 2006, BarclayHedge, une plateforme d’investissements alternatifs, proclame que son fonds momentum neutre au marché (long/short) est «le meilleur du monde» dans sa catégorie sur trois ans.
En 2012, Morningstar consacrait le Fonds momentum américain «meilleur au Canada»… parmi les 777 fonds offerts sur le marché.
C’est le momentum que Jean-Luc Landry tente de capter dans ses portefeuilles.
«Il se moque du prix, de la firme, du titre», ajoute Benoit Brillon, entré chez Landry voici près d’un an.
L’ancien vice-président, actions canadiennes, chez Natcan, qui a ensuite cofondé le gestionnaire indépendant Sélexia en 2007, après avoir passé 16 ans à la Banque Nationale, s’est joint à Landry l’an dernier.
En conjuguant les deux approches, momentum et valeur, on obtient deux styles négativement corrélés et qui permettent de réduire la volatilité des portefeuilles.
«Les deux styles les plus puissants en matière de valeur ajoutée, ce sont le momentum et la valeur», affirme Benoit Brillon.
Bien qu’il ait accepté une importante baisse d’actifs – Landry détient quelque 130 M$, alors que chez Sélexia, il gérait 2,5 G$ -, Benoit Brillon estime qu’avec Jean-Luc Landry, l’avenir est prometteur.
La valeur
De son propre aveu, Benoit Brillon est un gestionnaire «fondamentaliste pur» du style valeur, qui ne jure que par l’analyse fondamentale pour sélectionner les titres.
Au départ, la gestion momentum le prend donc un peu au dépourvu, mais il s’y fait, au point de s’associer à Landry Morin l’an dernier.
La gestion momentum exige beaucoup de négociation, alors que la rotation complète de tous les titres en portefeuille s’effectue au moins trois fois par an, pour un taux de roulement annuel de 300 %.
On ne conserve un titre que trois ou quatre mois en moyenne, la plupart du temps lors de l’ascension abrupte du cours. Le taux de roulement d’un portefeuille valeur peut être de 10 ou 20 %.
Spécialiste de la sélection selon les paramètres fondamentaux comme les ratios cours/bénéfices, les cours/valeur comptable et autres bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements (EBITDA), il souhaite cependant ajouter les méthodes quantitatives de gestion pour parfaire son style.
La modélisation quantitative serait «un système d’application de votre style qui réduit les risques de trop agir selon vos émotions», remarque encore Benoit Brillon.
«J’allais visiter les firmes et je sélectionnais les titres après de longues analyses. Mais ce genre de style, qui permet de dégager de bons rendements sur le long terme, fait en sorte que sur 10 ans, vous pouvez connaître trois bonnes années, trois années ordinaires et trois années médiocres», explique Benoit Brillon.
Alors que les investisseurs deviennent de plus en plus impatients et que la concurrence des produits indiciels se fait de plus en plus féroce, «tous les gestionnaires ont dû se remettre en question dans la foulée de la crise financière de 2008», ajoute Jean-Luc Landry.
Les grands gestionnaires traditionnels peinent à générer des rendements, notamment dans les fonds communs de placement, tandis que les gestionnaires, qui proposent des solutions riches en rebondissements comme le très volatil momentum ou l’analyse quantitative, ont subi «la mauvaise presse des modèles trop agressifs», comme ceux qui sont en vigueur aux États-Unis.
Changer de cap
D’où les débats à l’interne chez Landry Morin pour tenter de se repositionner dans le marché.
C’est finalement Jean-Luc Landry qui l’emporte sur son ancien associé Richard Morin.
Un as de l’administration et de la gestion d’entreprise, Richard Morin aurait refusé d’endosser les nouveaux habits.
En octobre 2012, le départ de Richard Morin se solde donc par un changement de nom et de vocation pour la firme, désormais Gestion de portefeuille Landry.
Les différends auraient porté notamment sur la nécessité de créer des fonds communs de détail et de revoir certains aspects de la gestion de portefeuille, ainsi que sur l’ambition de percer le marché institutionnel, relate Jean-Luc Landry.
Réduire la volatilité des portefeuilles, donc, explique Benoit Brillon.
«Ajouter du style valeur aux portefeuilles de Landry permet de les stabiliser», dit-il, preuves à l’appui.
La stratégie américaine reformulée, qui mise sur l’union des deux styles de gestion, par exemple, a permis de réduire l’écart-type des rendements à 18, en ne retranchant qu’un peu plus de 100 points de base au rendement total moyen, qui s’établit à 14,4 %
C’est donc un style plus stable, moins volatil, «qui rend les clients plus à l’aise», ajoute Benoit Brillon, selon qui, d’un point de vue commercial, les investisseurs institutionnels et les particuliers ont de la difficulté à tolérer la volatilité du style momentum.
Nouveaux marchés
Sortant de la niche des investisseurs sophistiqués, Landry entend ainsi proposer ses services au marché institutionnel et aux fortunes privées, le tout s’ajoutant à l’élargissement de la gamme de fonds communs, prévu pour les prochains trimestres.
Au moment de l’entrevue, Landry venait d’ailleurs d’embaucher un spécialiste du placement privé pour faire du démarchage auprès des clientèles fortunées, Kit Dalaroy.
De plus, l’ancien gestionnaire de MacDougall, MacDougall & MacTier et de la Financière Banque Nationale Frederic Pye élaborait un nouveau fonds commun de placement lors de notre passage.
Cela dit, s’attaquer à de nouveaux marchés à Montréal est loin d’être une sinécure (lire l’article «L’inaccessible 1 %», à la une de l’édition du mois de mars).
La grande difficulté réside ainsi dans l’absence de référencement dans les bases de données des intermédiaires, qui conseillent les investisseurs institutionnels en leur recommandant des gestionnaires.
Conjuguée au fait que les petits gestionnaires ont tout le mal du monde à obtenir d’importants mandats, la pente est abrupte.
«Nous nous étions donné cinq ans pour percer le marché», relate Jean-Luc Landry. La crise financière a évidemment mis en veilleuse ces ambitions, mais après une décennie, il est devenu évident pour l’ex-chef de la direction de Montrusco Bolton, qu’il fallait donner un coup de barre.
Benoit Brillon renchérit : «Ce n’est pas normal qu’un homme de la trempe de Jean-Luc ne perce pas autant qu’il le devrait à Montréal».
Selon Jean-Luc Landry, Montréal est un terreau très peu fertile pour la gestion alternative, et moins encore pour les petits gestionnaires. «À New York, il y a longtemps que JP Morgan nous aurait confié 50 M$ pour voir comment nous nous débrouillons.»
Le faible nombre de gestionnaires qui ont peu d’actif témoigne du peu d’intérêt de la finance montréalaise pour le développement de sa relève.
Outre le fait qu’on semble souvent privilégier les gestionnaires venus d’ailleurs, le problème des gestionnaires est double : «Minimalement, il faut au moins 15 ans pour savoir si un gestionnaire est bon. On ne peut pas établir la compétence, au sens mathématique du terme, à court terme. Personne ne vous confiera d’argent pour voir si vous êtes un bon gestionnaire».
Ceci expliquant cela, il faudrait donc pouvoir compter sur une structure de soutien, ou une sorte de fonds conjoint, ou encore un incitatif – par exemple, la possibilité pour un investisseur institutionnel de confier des mandats à des boutiques sans nuire au devoir fiduciaire.
Pourtant, les recherches le démontrent, les petits fonds performent beaucoup mieux, en moyenne, que les grands.
«La raison est bien simple : quand vous démarrez, vous prenez plus de risques. Un gestionnaire important veut garder son client, un petit gestionnaire, en recruter. Normalement, en misant sur une stratégie de petits gestionnaires diversifiés, vous devriez obtenir de meilleurs rendements.»