Différence infime et, compte tenu de la taille des industries dans chaque pays, il est étonnant qu’elle ne soit pas considérablement plus grande.
C’est ce que constate une récente étude intitulée Les tendances relatives au coût de détention et aux ratios de frais des fonds communs de placement commandée par l’Institut des fonds d’Investissement du Canada (IFIC) auprès de Strategic Insight, de New York, pour la perspective américaine, et auprès d’Investor Economics, de Toronto, pour la perspective canadienne.
«C’était presque devenu une vérité établie, à la suite d’un rapport fautif de 2006, qu’au Canada, les frais étaient plus élevés qu’aux États-Unis de 40 %, remarque Joanne De Laurentiis, présidente et chef de la direction de l’IFIC. Vu le manque de réceptivité face à nos objections, nous avons conclu que nous devions faire appel à des firmes de recherche indépendantes.»
Coût de détention
Pour parvenir à un portrait exact de la situation, Strategic Insight et Investor Economics ont retenu la notion de coût de détention plutôt que celle, plus courante, de frais de gestion.
L’autre composante majeure est celle des frais de conseil qui, au Canada, sont intégrés aux frais de gestion dans une très grande majorité des cas, alors qu’ils sont facturés séparément aux États-Unis auprès d’au moins 70 à 80 % des investisseurs.
Ainsi, une très grande majorité d’investisseurs aux États-Unis se voient facturer des frais de conseil distincts des frais de gestion (de 0,70 à 0,90 %) imposés par le gestionnaire de fonds communs. Cette distinction a commencé il y a plusieurs années aux États-Unis.
Ces frais de conseil séparés représentent entre 1 % pour les gros portefeuilles (plus de 1 M$) et 1,5 % pour les petits portefeuilles de clients américains (moins de 100 000 $).
Quand on ajoute ces deux composantes, on arrive à un coût de détention équivalent d’environ 2 % dans les deux pays – avant taxes !
Au Canada, les taxes provinciale et fédérale haussent le coût à 2,21 %, une ponction fiscale que l’investisseur américain évite.
Notons que ce coût de détention de 2,21 %, après taxes, représente un plancher historique, souligne Johanne De Laurentiis.
Si on s’attarde uniquement aux «frais de gestion» que le gestionnaire de fonds communs prélève, on peut comprendre que la notion d’une différence d’environ 40 % entre les deux pays ait perduré. Car aux États-Unis, la ponction du gestionnaire représente en moyenne 60 points de base dans le coût de détention de 2 %, alors qu’elle représente 100 points de base au Canada.
Cette différence tient également à l’immense différence d’échelle entre les industries de fonds communs des deux pays.
Aux États-Unis, selon les données de l’Investment Company Institute (ICI), le total des actifs sous gestion s’élève à 11,6 billions ($ CA), et selon l’IFIC, à 763 G$ au Canada, à la fin de décembre 2011. C’est dire que l’industrie américaine est 15 fois plus grande.
Cette différence est accentuée par le fait que les fonds communs occupent une part de 39 % dans la richesse individuelle aux États-Unis, par rapport à 26 % au Canada.
Dans le marché américain, parmi les 700 firmes actives, trois firmes, individuellement, concentrent plus d’actifs que toute l’industrie canadienne.
On trouve également 21 firmes qui gèrent des actifs de plus de 100 G$.
Au Canada, sur 115 firmes, une seule gère un actif supérieur à 100 G$.
Aux États-Unis, la firme moyenne gère 18 G$ (7 G$ au Canada) et le fonds moyen est de 1,45 G$ (314 M$ au Canada).
«L’écart de près de 11 billions de dollars entre les actifs totaux des deux industries, peut-on lire dans l’étude, fait ressortir la capacité des manufacturiers et des distributeurs de fonds communs américains de tirer profit d’économies d’échelle en actifs, en nombre de clients, en revenu et en accès à du capital pour faire des innovations et des initiatives de prix à une vitesse et à une échelle plus difficiles à atteindre pour un plus petit marché comme celui du Canada.»
Conseil : beau, bon, pas cher
C’est sur les frais de conseil que l’investisseur canadien se rattrape.
«La rémunération des conseils financiers a évolué différemment dans les deux marchés, ce qui a largement faussé la perception que l’on a de l’écart entre les coûts assumés par les Canadiens et ceux assumés par les Américains», note Goshka Folda, directrice générale principale chez Investor Economics.
Ici, pas d’économie d’échelle qui tienne. «Un portefeuille de 100 000 $, c’est la même chose, qu’on soit aux Canada ou aux États-Unis», fait ressortir Avi Nachmany, directeur de la recherche chez Strategic Insight.
Sauf qu’au Canada, les frais que réclame le conseiller représentent seulement 50 % du coût de détention alors qu’aux États-Unis, il en représente 70 %.
Étant donné cette surprenante égalité de coûts entre les deux pays, faut-il s’attendre à ce que le coût de détention monte au Canada ?
L’étude de l’IFIC ne le prévoit pas. «Actuellement, rien n’indique des hausses futures du coût de détention», peut-on y lire.