Assurance responsabilité : la Cour suprême déboute Lloyd's

Dans l’affaire Lloyd’s contre Alimentation Guillemette, les clients du courtier déchu iForum tentaient d’obtenir l’indemnisation de leurs pertes financières causées par leur ancien conseiller, Yves Tardif.

Rattaché au défunt cabinet, le planificateur financier déchu avait proposé des placements en valeurs mobilières à ses clients alors qu’il n’était pas certifié pour le faire.

Ces placements illégaux ont causé des pertes aux clients.

En réponse à la demande d’indemnisation de ces derniers, la Lloyd’s faisait valoir que le placement illégal avait été effectué en dehors des activités professionnelles du planificateur et que l’assurance responsabilité ne couvrait pas les fautes commises par le représentant.

Ce que la Cour d’appel invalidait en août dernier, dans un jugement ordonnant l’indemnisation des clients du conseiller fautif.

La Cour d’appel se prononçait en outre sur les exclusions pour faute lourde contenues dans les contrats d’assurance responsabilité.

C’est un deuxième aspect du jugement que Lloyd’s a tenté de faire invalider. La Cour suprême n’a pas tranché la question. Elle a simplement refusé d’entendre l’appel, lit-on sur le site web de la Cour.

Ce qui apparaît certain de cet imbroglio juridique, c’est « que l’exclusion pour faute lourde d’un cabinet est inopposable à la victime même dans le cas ou le représentant commet une faute lourde », analyse pour sa part Serge Létourneau, de Létourneau, Gagné, à Québec, l’avocat des cllents.

« Ça donne une meilleure protection aux investisseurs face aux représentants », qui agissent fautivement à l’égard de leurs clients, poursuit Me Létourneau.

Appel

Le jugement de la Cour d’appel « force les assureurs et les titulaires de polices à revoir les exclusions » contenues dans les polices d’assurance responsabilité, analysait dans nos pages Dina Raphaël, du cabinet Lavery de Montréal.

Dans sa décision, la Cour estime en outre que les services professionnels qui ont provoqué la faute – des placements illégaux, notamment – sont couverts par la police. Et ce, même si les gestes posés l’ont été en dehors du cadre permis par le certificat du représentant.

Pour la juge Bich, de la Cour d’appel, « la faute génératrice du préjudice souffert par les investisseurs découle de l’activité professionnelle [du conseiller Yves] Tardif prise dans son ensemble. Les gestes non autorisés et illégaux posés par Tardif n’étaient que l’exécution de la planification financière fautive. La faute découlait donc d’un service visé par la [Loi sur la distribution des produits et services financiers] ou ses règlements et respectait la définition d’activités professionnelles couvertes par l’assureur ».

En clair, les cabinets de services financiers doivent s’assurer que leurs conseillers ne font pas d’activités illégales dans le cadre de leurs activités de représentants, puisqu’ils s’exposent à en être responsables et que leur assurance devra indemniser les clients.

La faute lourde

La faute lourde est décrite dans le Code civil du Québec comme «dénotant une insouciance, une imprudence ou une négligence grossières».
Elle n’est jamais couverte par les polices d’assurance responsabilité, puisqu’elle dénature le contrat d’assurance, qui repose sur le caractère aléatoire du risque assuré.

Après que la Cour d’appel du Québec eût torpillé, un autre jugement allait dans le sens contraire. 

Quelques semaines plus tard, en septembre, un autre banc de trois juges de la Cour d’appel, présidé par Pierre Dalphond, renverse la décision de la juge Bich. Le juge Dalphond rejette l’interprétation selon laquelle la faute lourde ne peut être exclue de l’assurance responsabilité.

Comme la Cour suprême n’a pas voulu invalider le jugement Bich, il y a donc toujours deux interprétations légales concernant les exclusions pour faute lourde dans les contrats d’assurance responsabilité des conseillers et des cabinets.

Les exclusions et le FISF

« La problématique de l’exclusion des fautes lourdes a été soulevée par l’AMF lors des consultations sur le fonds d’indemnisation », relatait pour sa part Jannick Desforges, directrice des Affaires institutionnelles et de la conformité des pratiques de la Chambre de l’assurance de dommages (ChaD).

L’AMF estime que les assureurs ont tendance à resserrer les contrats en excluant la faute lourde, alors que le Fonds d’indemnisation des services financiers ne couvre que la fraude. Avec pour résultat que la faute lourde n’est couverte par personne. Le consommateur se trouve ainsi exclu des deux régimes de protection, l’assurance et l’indemnisation.

«La Cour d’appel vient dire que dans le contexte de la distribution des produits et services financiers, attention, les assureurs ne peuvent pas exclure la faute lourde, puisque la loi et les règlements vous obligent à maintenir une police d’assurance qui couvre les fautes, sans préciser et sans exclure la faute lourde», constatait Jannick Desforges, selon qui c’est là une protection supplémentaire qui pourrait bénéficier aux consommateurs de services financiers.

Photo: Stock Xchng