«Les fruits les plus faciles à cueillir l’ont été. […] Les profits sont probablement tombés à 1,25 G$ US en 2012 par rapport à leur sommet de 5 G$ US en 2009.»

L’acquisition en cours aux États-Unis de Knight Capital Group par Getco, deux grands acteurs de la NHV, nous a donné un aperçu de l’état de la situation, selon un récent article du Financial Times (19 février 2013). Getco a vu ses profits tomber de 82 % au cours des neuf premiers mois de 2012, à la suite d’une baisse continue de ses revenus depuis le sommet qu’ils avaient atteint en 2008.

De plus, la technologie que requiert la NHV gruge les profits, sans compter que la concurrence a vite accouru.

«Tout d’un coup, toutes les firmes de Wall Street avaient une équipe qui promettait des revenus sans risques, et elles pratiquaient toutes les mêmes stratégies ; ça ne peut tout simplement pas marcher, commente, dans le communiqué de Rosenblatt, Patrick Boyle, partenaire fondateur de Palomar Fund Management. En même temps, ces firmes jetaient de l’argent dans la technologie. Elles avaient peut-être une grosse équipe qui faisait 20 M$ US par an, mais qui ne tenait pas compte du fait qu’elles dépensaient 15 M$ US en technologie.»

Cependant, les signes indiquent que la NHV se déplace vers d’autres marchés, tout particulièrement celui des obligations et des dérivés.

«N’importe quel titre qui s’échange électroniquement peut l’être et le sera en mode de NHV», affirme Andreas Park, professeur agrégé au Département d’économie de l’Université de Toronto, qui étudie la NHV.

On voit de plus en plus d’acteurs se positionner pour profiter de nouveaux actifs.

«Knight Capital avait une grosse plateforme de trading d’obligations, appelée bond point ; c’est peut-être ce qui explique son achat par Getco», soutient Jean-François Sabourin, président du conseil de Jitney Trade, à Montréal.

Autre exemple : Virtu Financial, une firme de négociation électronique en croissance de Wall Street, «veut faire de la NHV la norme dans les nouvelles catégories d’actifs des obligations, des devises et des dérivés», indique l’article du Financial Times déjà cité.

Phénomène récent que la NHV. C’est à la fin des années 1990 qu’on a commencé aux États-Unis à automatiser des stratégies sur des produits indiciels, rapporte Étienne Dubuc, directeur principal et chef, produits dérivés, à la Banque Nationale (BN).

À la BN, qui est teneur de marché (market maker) pour environ 200 fonds négociés en Bourse (FNB) et qui échange aussi sur les options à la Bourse de Montréal, la pratique de NHV remonte à 2005 dans les options, à 2007 dans les FNB.

Il aura fallu à peine dix ans pour que la NHV en vienne à représenter «environ 60 % de tout le volume sur les Bourses aux États-Unis et environ 30 % au Canada, rapporte Étienne Dubuc. […] Nous faisons plusieurs dizaines de milliers de transactions par jour. Aux États-Unis, les plus importants en font plus d’un million.»

Le monde de la NHV a recours à de multiples stratégies déjà bien connues de tous les investisseurs – et à quelques-unes qui lui sont exclusives.

Certains pratiquent le momentum. Ils tentent de repérer des directions dans le prix de certains actifs et tâchent de chevaucher la tendance.

D’autres se présentent comme des chasseurs de petits bonis, que les échanges réservent à ceux qui contribuent à tenir un marché pour certains titres.

Enfin, certains arbitragent les écarts de dérive qui peuvent surgir entre le cours d’un FNB et le cours de ses titres sous-jacents.

La grande question est de savoir si la NHV nuit aux marchés. Car il est certain que plusieurs grands investisseurs institutionnels s’en sont plaint.

«Pour les négociateurs traditionnels, la NHV est un irritant», dit Victoria Pinnington, vice-présidente, transactions et analyse, à l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

Ils annoncent un prix d’achat et, «dès qu’il est affiché, quelqu’un se précipite pour leur couper l’herbe sous le pied», explique Andreas Park.

Or, plusieurs études réalisées jusqu’ici montrent des effets positifs de la NHV. Tout d’abord, la liquidité est améliorée. «L’écart bid & ask dans les grosses transactions sur le TSX a été réduit de moitié [depuis l’avènement de la NHV]», souligne le professeur.

De plus, une étude pratique qu’il a menée sur les réactions du marché à la suite d’un changement de politique de l’OCRCVM montre que l’activité de NHV contribue à réduire les coûts de transaction, quoique de façon très modeste, de l’ordre d’un point de base.

Quant à la volatilité des marchés, «la NHV y participe, mais il est difficile de lui en attribuer la responsabilité», soutient Andreas Park, faisant référence à quelques études traitant de la question.

De son côté, Étienne Dubuc affirme «qu’à peu près toutes les études théoriques arrivent à la conclusion que la NHV fait baisser la volatilité et augmente la liquidité».

Dans une étude intitulée «Findings Regarding the Market Events of May 6, 2010» que la Securities & Exchange Commission et la Commodity Futures Trading Commission américaines ont réalisée à la suite du fameux «krach éclair» de 2010, durant lequel les grands indices ont chuté de 6 % en moins de 15 minutes, on peut lire : «Une leçon clé, c’est que dans des conditions de marché sous stress, l’exécution automatisée d’un gros ordre de vente peut déclencher des mouvements de prix extrêmes, surtout si l’algorithme d’exécution ne tient pas compte des prix. De plus, l’interaction entre des programmes d’exécution automatique et des stratégies de trading algorithmique peut rapidement miner la liquidité et mener à des marchés désordonnés.»