Cet aveu est fait en vertu du Code pénal, le coupable bénéficie donc des protections de la Charte contre l’auto-incrimination. En outre, cet aveu est le résultat d’un règlement à l’amiable avec l’AMF, et non d’un jugement du tribunal.

Malgré cela la Chambre de la sécurité financière (CSF) se penche sur le cas, et lance le processus disciplinaire en prenant l’aveu comme preuve.

Résultat, la saga juridique continue, avec tous les frais qui s’ensuivent.

Le monsieur est, encore ici, accusé d’avoir nui au travail des enquêteurs et d’avoir manqué d’intégrité dans son rôle de conseiller. Ce qui, cette fois-ci, constitue une infraction déontologique.

Août 2012. Le comité de discipline de la CSF blanchit Monsieur de ne pas avoir «agi avec intégrité, compétence et professionnalisme», mais le reconnaît coupable d’avoir entravé une enquête de l’AMF. C’est la deuxième condamnation pour la même infraction.

Mars 2013. La syndique de la CSF, Caroline Champagne, interjette appel du jugement du comité de discipline. Le comité aurait «erré en droit» en rejetant les chefs d’accusation portant sur l’intégrité. Un comité qui est pourtant composé d’avocats et de praticiens d’expérience.

Ce serait l’équivalent d’une troisième condamnation. Quel gaspillage de temps et d’argent ! C’est le délire !

Vous l’aurez deviné, je fais référence à la saga de Michel Marcoux, président du cabinet Avantages Services Financiers, dans l’affaire Dominion Investments. Michel Marcoux est un collaborateur de longue date de Finance et Investissement.

Je vous rappelle qu’il a été un des premiers à avoir sonné l’alarme dans le scandale Norbourg. La poursuite est d’autant plus injuste que son modèle d’entreprise fait école dans le marché. Pas de commissions à la vente, indépendance du conseil et un grand souci d’éducation financière.

Il est vrai cependant que Monsieur ne se gêne pas pour dire ce qu’il pense et qu’il a eu des opinions tranchantes à l’endroit de nos régulateurs.

Pour ceux qui l’auraient oublié, Dominion Investments est la firme située aux Bahamas et dirigée par Martin Tremblay, qui a plaidé coupable devant la justice américaine dans une affaire de blanchiment d’argent en 2006.

Une vingtaine de Québécois investissaient avec Dominion Investments par l’intermédiaire de comptes détenus auprès de Jitney, Avantages Services Financiers, Research Capital et TD Trust, au Québec et en Ontario. Martin Tremblay avait aussi des comptes chez RBC.

La syndique arrive à la conclusion que le fait d’accepter d’ouvrir un compte sous un pseudonyme est louche et probablement fait dans un but de fraude.

Je suggère alors qu’on amende le Code civil, car tant le pseudonyme que le prête-nom y sont présentés comme parfaitement légaux (évidemment, je plaisante quand je parle d’amendement).

Autres questions, que faisons-nous des actifs détenus par les grandes institutions financières canadiennes dans les comptes des paradis fiscaux ? Les autres firmes qui détenaient des comptes anonymes pour leurs clients dans l’affaire Dominion Investments ont-elles été inquiétées par les régulateurs ?

Deux poids, deux mesures

Dans l’article «Les régulateurs vous répondent» de Jean-François Parent, en page 32, on peut lire que dans l’application de la réglementation, «la taille du cabinet n’a aucune influence sur notre approche et qu’il n’y a aucune partialité». Les derniers mots sont entre guillemets, car ils ne sont pas les miens, mais sont ceux de Mario Albert, le président-directeur général de l’AMF.

Je suis tout à fait d’accord avec Mario Albert quand il dit, «les grandes institutions ont les moyens d’acheter la paix avec leurs clients, pas les petits cabinets. D’où l’impression que les petits acteurs sont défavorisés».

Cependant, j’ajouterais qu’elles ont aussi, outre l’argent à profusion, un autre grand avantage : les régulateurs peuvent avoir une approche beaucoup plus raisonnée et prudente quand il s’agit d’acteurs importants.

Pas sûr que la CSF s’obstinerait comme elle le fait sur le cas de Michel Marcoux s’il s’agissait de la Royale, de la CIBC ou de Desjardins.

Pourquoi cet acharnement ? D’autant plus que le jugement de l’AMF est clair. Les clients n’ont pas perdu d’argent. Il n’y a eu ni fraude ni stratagèmes d’évitement fiscal, ni blanchiment d’argent, concluait le régulateur en 2008, après deux ans d’enquête.

La syndique de la Chambre soutient quant à elle que Michel Marcoux savait, ou qu’il aurait dû savoir, que le fait d’ouvrir un compte à l’étranger sous un pseudonyme pouvait être l’indice d’un acte illégal. Les conseillers devraient-ils se transformer en enquêteurs au service de la CSF ? Décidément, quelque chose ne tourne pas rond dans ce dossier.