«Plus du tout leading edge, les fonds communs ont aujourd’hui un air un peu suranné,» estime Pierre Saint-Laurent, maître d’enseignement à HEC Montréal et président de l’Association of Chartered Alternative Investment Analysts. Les jours de gloire des fonds communs, comme de tout le secteur boursier, ont duré jusqu’au tournant du millénaire. Pour le grand public investisseur, il n’y avait pas vraiment d’outils «alternatifs».

Issu des fonds institutionnels

La grande catégorie alternative dont on entendait parler à ce moment-là était celle des fonds de couverture.

On y trouvait de tout : les actions, bien sûr, mais aussi les options, les contrats à terme, les swaps, etc. Par contre, c’était une catégorie réservée aux investisseurs institutionnels et à l’élite des investisseurs individuels qualifiés.

Le vent a tourné avec l’éclatement de la bulle technologique, entraînant un désenchantement que les investisseurs institutionnels ont ressenti le plus durement. Tout à coup, les déficits actuariels des caisses de retraite surgissaient.

De plus, rappelle Pierre Saint-Laurent, «on sortait d’une période où les choses allaient tellement bien qu’on avait même donné des congés de cotisation» aux participants de certaines caisses.

Tout le monde s’est mis à chercher des outils capables de donner du rendement, les grands gestionnaires d’actif au premier chef, mais le public investisseur aussi.

L’impulsion est d’abord venue de l’institutionnel où on avait déjà exploré des catégories d’investissement dites «alternatives» : fonds de couverture, immobilier, infrastructures, placement privé, etc.

En 1995, déjà, 5% des portefeuilles des grandes caisses de retraite dans le monde étaient investis dans ces catégories, une proportion qui est passée depuis à 23%, selon Towers Watson, et qui pourrait sans doute atteindre 30 % dans les années à venir (voir l’article «À la recherche de « l’alternatif »», en page 29).

Toutefois, ces catégories ne sont pas à la portée du premier investisseur venu. Il fallait, pour les rendre compatibles, leur donner un tour particulier.

«C’est l’adaptation des catégories alternatives au marché du détail qui a donné naissance au secteur des billets liés», signale Pierre Saint-Laurent.

Ce fut l’explosion. Des firmes comme Horizons, Tricycle Asset Management, One Financial ont multiplié les produits, dont la structure était inspirée des CPG liés au marché, que les banques avaient commencé à offrir durant la décennie 1990, «sans succès débordant», note Dan Hallett.

Mais les nouveaux billets n’étaient pas seulement liés aux marchés d’actions ; ils se rattachaient aussi aux marchés de l’immobilier, des produits de base et même à des fonds de couverture. La plupart offraient la garantie de capital et, une nouveauté, un effet de levier qui doublait la part du billet producteur de rendement.

Ces billets liés ont foisonné jusqu’au moment de la crise de 2008. Puis, nouvelle déception. On avait beau détenir en portefeuille les structures les plus inventives, rien ne pouvait protéger l’investisseur d’une chute des cours de 30 et 40 %.

«Une énorme quantité de billets liés s’est écrasée à ce moment-là, car le plus grand nombre d’entre eux étaient rattachés aux actions», se souvient Jaime Purvis, vice-président exécutif de Les Fonds négociés en Bourse Horizons, dont une partie importante des activités était concentrée à ce moment-là dans les billets liés.

Depuis, ce secteur connaît ce que Jaime Purvis appelle «une grève d’acheteurs». En fait, les billets liés poursuivent leur chemin, mais désormais sous une forme non protégée.

Virage FNB

Horizons concentre en elle-même toute l’histoire des dix dernières années de l’évolution des «alternatifs». D’abord une firme de fonds de couverture au tournant du millénaire, elle s’est déplacée vers les fonds communs innovateurs – offrant les premiers fonds communs à effet de levier – pour ensuite se consacrer aux billets liés protégés.

Puis, toute son activité, à la suite du traumatisme infligé aux investisseurs par la crise, s’est déplacée vers les FNB.

Cependant, très rapidement, les FNB ont changé. Le principe fondateur des FNB était de suivre un indice pour obtenir la plus grande exposition de marché possible au plus bas prix possible. «Si vous vous basiez sur ce principe, vous n’achèteriez probablement pas 97 % des FNB offerts aujourd’hui,» soutient Dan Hallett.

Car les FNB évoluent dans plusieurs directions de telle sorte qu’ils sont en train d’absorber toutes les catégories qui les ont précédés : fonds communs, billets liés, structures à levier, fonds de couverture, gestion active.

Dans un nombre croissant de cas, «l’investisseur ne relie pas son placement à un indice, mais à un modèle quantitatif synthétique», fait remarquer Dan Hallett.

«Les gens se sont rendu compte que les FNB sont un outil très efficace», affirme Jaime Purvis. Ils sont devenus en quelque sorte les fonds communs de notre temps.