Pour mieux comparer les différences entre le Québec et les autres provinces, il faut premièrement distinguer les différentes formes de droit : soit le droit public, qui comprend le droit fiscal et le droit social, et le droit privé. Le droit public, qui touche les questions fiscales, mais aussi les droits aux régimes de retraite en cas de décès, est assez standard d’une province à l’autre.
Quant au droit privé, plus précisément en matière d’obligations alimentaires entre conjoints et au patrimoine familial, les choses sont tout autres, explique Me Alain Roy, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
« Au Manitoba et en Saskatchewan, les conjoints de fait ont les mêmes obligations alimentaires que les conjoints mariés et on étend aussi aux conjoints de fait le mécanisme de partage de biens. Dans les autres provinces, exception faite de ces deux dernières et du Québec, les conjoints de fait n’ont que des obligations alimentaires les uns envers les autres. »
Plus précisément, au Manitoba et en Saskatchewan, en plus de l’obligation alimentaire, les conjoints de fait doivent aussi partager leurs biens à caractère familial lors d’une séparation, et ce, aux mêmes conditions que celles qui s’appliquent aux époux. Les couples manitobains sont considérés comme conjoints de fait après deux ans de vie commune, un enfant ou une inscription au régime d’enregistrement civil des unions de fait. Pour les couples de la Saskatchewan, trois ans de vie commune sont nécessaires.
Dans les sept autres provinces, pour être considérés comme des conjoints de fait, les couples doivent cohabiter entre deux et trois ans ou avoir un enfant ensemble dans certains cas.
Après une rupture, ils peuvent faire une demande pour recevoir une pension alimentaire de la part de leur ex-conjoint.
Particularités
En Alberta, les conjoints de fait sont connus sous le nom de «partenaires interdépendants adultes » ( adult interdependent partner). Il y a trois d’y parenir, soit de cohabiter pendant trois ans, de cohabiter et d’avoir un enfant ou d’entrer dans une «relation adulte d’interdépendance » à travers la signature d’un accord écrit. Les conjoints de fait albertains peuvent, une fois qu’ils se qualifient, demander une pension alimentaire aux tribunaux après une séparation.
Selon le ministère de la Justice de l’Alberta, le titre de «partenaire interdépendant adulte » couvre «un large éventail de relations qui s’étendent au-delà du mariage en incluant les relations platoniques où deux personnes sont d’accord pour partager des responsabilités émotives et économiques ».
En Nouvelle-Écosse, le gouvernement a décidé de créer un régime d’enregistrement civil des unions de fait en ajoutant une partie intitulée «Domestic Partners» à sa Loi sur les statistiques de l’état civil (Vital Statistics Act).
Les conjoints qui se prévalent des dispositions se voient automatiquement et sans autre condition attribuer les droits et les obligations reconnus aux couples mariés aux termes de plusieurs législations, tant durant l’union qu’au moment de sa dissolution.
Le pourquoi du comment
La différence la plus importante entre le raisonnement des législateurs des neuf provinces et celui du Québec est que les premiers se basent sur une logique fonctionnelle, selon Alain Roy: «C’est la logique de la similitude fonctionnelle. Ils regardent le mariage et l’union de fait et constatent que ce sont deux relations d’interdépendance économique. Les neuf provinces se disent donc qu’elles doivent être traitées de façon généralement équivalente. »
Au Québec, on valorise plutôt ce qu’on appelle le «libre choix » en refusant d’imposer aux conjoints de fait un cadre juridique qu’ils n’ont pas choisi puisqu’ils ne se sont pas mariés: «Toutefois, il y aura peut-être de plus en plus de gens qui voudraient se marier, mais sans se soumettre au cadre juridique. Pensez à un couple de 60 ans dans lequel les deux conjoints sont indépendants de fortune et veulent convoler en deuxième noce. Ils ne seront peut-être pas intéressés à se soumettre au cadre juridique du mariage. »
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