Selon une source proche du dossier qui souhaite conserver l’anonymat, le montant du règlement pourrait atteindre 20 M$, a appris Finance-investissement.com.
Le règlement, qui doit être avalisé par la justice ontarienne, n’implique pas qu’Investia soit coupable de quelque fait que ce soit.
Selon les prétentions de la poursuite, autorisée en février 2012 par la justice ontarienne, la négligence du service de conformité de Investia aurait permis à deux représentants, James Stephenson et David Karas, de proposer des stratégies de prêts leviers allant à l’encontre des objectifs des clients, sans égard aux risques posés par ce type de stratégie financière.
Toujours selon la demande de recours collectif, les plaignants alléguaient que le stratagème consistait à souscrire un premier prêt levier pour acquérir des parts de fonds, et ensuite à utiliser l’actif ainsi acquis comme collatéral pour obtenir de nouveaux prêts leviers. Dans sa défense, Investia nie l’existence d’une telle stratégie.
Les stratagèmes reprochés aux représentants auraient été concoctés alors qu’ils étaient à l’emploi du courtier de fonds communs Money Concepts, la filiale d’Aegon rachetée en 2008 par Investia. Cependant, Karas et Stephenson auraient continué de proposer les stratégies à leurs clients jusqu’en 2009.
À l’époque de l’autorisation du recours collectif, Investia expliquait à Finance-Investissement.com qu’ « aucune allégation de faits pouvant être assimilés à une appropriation frauduleuse ou illégale de sommes appartenant aux clients par quiconque. Les clients remettent plutôt en question la convenance de la stratégie d’investissement faite par les représentants qui comportait l’utilisation de prêts leviers ».
Deux poursuites, French c. Investia et al, et Smith c. Investia et al, ont été regroupées en une seule requête en autorisation de recours collectif à l’endroit des conseillers Karas et Stephenson. Le recours fait toujours l’objet d’un appel logé par Industrielle Alliance. Si l’entente à l’amiable n’est pas ratifiée par la justice ontarienne, en juin prochain, le pourvoi en appel sera maintenu et les hostilités juridiques se poursuivront.
Pour l’instant, les avocats des deux parties négocient une entente qui serait en voie d’être acceptée par tous les clients qui font partie du recours. « À ce jour, aucun client n’a encore refusé de faire partie de l’entente », pas plus que les avocats de la poursuite n’ont enregistré d’objections aux modalités de l’entente, signale John Hollander, l’un des deux avocats du cabinet Doucet McBride, à Ottawa, qui pilote le recours.
L’Industrielle Alliance ne fera « pas de commentaires, sinon pour dire que nous sommes satisfaits » du règlement, selon le porte-parole Pierre Picard. Dans les résultats financiers consolidés de l’entreprise publiés le 15 février, la société énonce que « la direction ne croit pas que le dénouement de quelque question d’ordre réglementaire ou juridique, individuellement ou dans l’ensemble, aura une incidence défavorable sur la situation financière ou les résultats de la société ».
Les clients d’Investia à qui on avait proposé d’investir dans des produits financiers à l’aide de prêts leviers octroyés à l’encontre de la réglementation réclamaient 100 M$ en dommages, en plus des montants que chacun des clients soutenait avoir perdu.
Toujours selon nos sources, les sommes négociées dans le cadre du règlement n’auront vraisemblablement aucune incidence sur les résultats financiers de l’entreprise. Vérification faite, aucune déclaration de changement matériel n’a été soumise aux autorités boursières. Avec un chiffre d’affaires d’environ 2 G$ par trimestre, le montant d’environ 20 M$ avancé par une de nos sources représenterait moins de 1 % des recettes trimestrielles.
« Tout ce que je peux dire, c’est que les clients qui ont perdu 100 000 $ seront contents d’être partie au recours », explique John Hollander. L’avocat, qui refuse de dévoiler les montants négociés, ajoute que les sommes recouvrées sont beaucoup plus intéressantes que « 25 sous pour chaque dollar » perdu.
La négociation a porté sur une somme globale, de laquelle chaque client pourra réclamer un montant proportionnel à sa perte avérée. Le règlement est intervenu en novembre dernier, c’est à dire moins d’un an après que la cour eût autorisé la demande de la poursuite.
« C’est un processus particulièrement rapide par rapport aux procédures habituelles », fait remarquer John Hollander, qui signale que c’est tout à l’honneur d’IA d’avoir réglé si rapidement. « Vous ne m’entendrez pas dire autre chose qu’IA a été équitable dans tout le processus. »
Selon les données soumises par Investia, environ un millier de clients feraient partie du recours, « un nombre qui semble adéquat et que nous n’avons pas contesté », explique John Hollander en entrevue téléphonique avec Finance-Investissement.com.
ACCFM
Selon les plaignants, une inspection conduite par Investia lors de l’acquisition de Money Concepts, rachetée d’Aegon en 2008, a révélé «des manquements importants aux processus et aux normes [de l’industrie], incluant aux règles de l’ACCFM».
Investia n’aurait cependant pas avisé les clients ni les régulateurs, selon la poursuite, qui allègue en outre que la supervision déficiente d’Investia aurait permis aux deux représentants d’augmenter leurs commissions grâce à cette stratégie.
L’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels a d’ailleurs sévit contre Investia, en 2012, lui imposant des amendes de 115 000 $ pour des manquements observés par l’OAR lors d’inspections réalisées en 2009 dans les succursales du groupe à l’extérieur du Québec.
Selon l’ACCFM, Investia a négligé, entre autres, ses obligations de supervision quant à l’utilisation de prêts leviers par ses conseillers et la surveillance des transactions multiples (churning).
Dans une entrevue réalisée avec le président d’Investia Louis DeConinck, en 2012, celui-ci précisait que les faits sanctionnés remontent à la période allant de 2007 à 2009, et nuançait les reproches de l’OAR. « La conformité, ça évolue tous les jours, nous expliquait alors Louis DeConinck. Depuis 2001, nous avons eu trois visites [de l’ACCFM], comme tous les courtiers. »
Il plaide qu’il s’agit d’un processus évolutif, l’autorégulateur augmentant ses exigences d’année en année, tout en en ajoutant de nouvelles. D’où la difficulté pour un cabinet de se tirer indemne d’une inspection, dit-il.
Quant à la pratique de prêts leviers, l’autorégulateur « évalue les situations du passé avec les règles du présent », soutenait pour sa part Bruno Michaud, vice-président principal, Ventes et marketing, chez Industrielle Alliance. « Jusqu’à la règle RM 0069 sur la convenance des prêts leviers [appliquée depuis avril 2008], il n’y avait à peu près pas de balises concernant les prêts leviers. Depuis 2003, on avait [les nôtres]. Mais [depuis que] les nouvelles règles sont arrivées, on agit de façon rétroactive sur des situations qui sont survenues avant les règles », déplorait-t-il.
Le courtier de fonds communs invoque en outre l’intégration de trois systèmes de gestion liés aux services d’arrière-boutique pour expliquer la récidive que lui reproche l’autorégulateur au sujet des transactions multiples. De 2001 à 2009, date à laquelle l’intégration des activités de Money Concepts, filiale de fonds communs de Aegon Canada, et celle en épargne collective de Patrimoine Dundee, au Québec, étaient terminées, Investia a réalisé 18 acquisitions, dont 16 en gestion de patrimoine.
Dans l’entente du 27 janvier 2012, l’ACCFM stipule toutefois que les manquements observés «ne sont pas liés à l’acquisition de [Money Concepts]».
Photo Bloomberg