Selon ces régulateurs, une telle norme assurerait aux clients que leurs intérêts ont préséance sur ceux du courtier ou du conseiller. De même, elle répond aux ennuis qu’occasionne le faible niveau de littératie financière de nombreux clients.
D’après la CVMO et le FCNB, le rôle des responsables de la conformité serait également renforcé, ce qui leur permettrait de mettre en oeuvre les meilleures pratiques, au lieu d’accepter des normes minimales prévues.
À l’inverse, l’Autorité des marchés financiers (AMF), à l’instar de la British Columbia Securities Commission, de l’Alberta Securities Commission, de la Commission des valeurs mobilières du Manitoba et de la Nova Scotia Securities Commission, exprime plusieurs réserves.
Selon eux, «les clients pourraient s’attendre à ce que les personnes inscrites aient une obligation non limitée d’agir dans leur intérêt, sans comprendre que certains conflits seraient encore permis». Résultat : cette norme risque d’exacerber le décalage entre les attentes des clients et les obligations des personnes inscrites, en raison des catégories d’exercice restreint existantes et des modèles d’entreprise exclusifs autorisés au Canada.
D’après eux, il «serait impossible d’imposer aux modèles d’entreprise qui se rapprochent de celui du « vendeur » une norme règlementaire qui soit réellement une « norme d’agir au mieux des intérêts du client » et une telle norme ne pourrait empêcher certains conflits fondamentaux de se produire entre les personnes inscrites et leurs clients», et ils avancent que le projet de norme pourrait «pousser les clients à tomber dans la complaisance».
Les régulateurs dissidents croient aussi que ce projet sera source d’incertitude juridique, parce qu’il ne «crée pas de norme claire que les personnes inscrites doivent respecter et que les autorités de règlementation puissent appliquer».
La norme proposée «autorise la continuation de modèles d’entreprise et de structures de rémunération qui présentent des conflits d’intérêts», déplorent-elles.
Ces régulateurs ne voient pas comment les autorités de règlementation ou les tribunaux interprèteront une norme qui, d’une part, exige expressément de se conduire au mieux des intérêts du client et d’éviter les conflits importants, mais qui, d’autre part, autorise une conduite qui n’est pas au mieux des intérêts du client, pourvu qu’il y ait déclaration.
Une autre réserve découle des efforts effectués pour mettre en oeuvre les réformes propres à la deuxième phase du MRCC et l’information au moment de la souscription par le secteur et les autorités de règlementation concernées. On estime à cet effet qu’il serait pertinent d’en évaluer l’efficacité avant d’envisager la mise en oeuvre d’une norme d’agir au mieux des intérêts du client. Un projet des ACVM visant à mesurer l’incidence de ces réformes est en cours de planification et se poursuivra jusqu’en 2018.
Autre réserve exprimée : la perspective que le projet de norme influence l’interprétation des normes fiduciaires actuelles pour certaines personnes inscrites, par exemple les gestionnaires de portefeuille et les gestionnaires de fonds d’investissement.
On estime en effet que l’application du projet de norme à toutes les personnes inscrites comporte le risque «de réduire la portée de la norme actuellement prévue par la législation en valeurs mobilières de certains territoires qui oblige les gestionnaires de portefeuille et les courtiers qui disposent d’un mandat discrétionnaire ainsi que les gestionnaires de fonds d’investissement à agir dans l’intérêt de leurs clients».
La Chambre de la sécurité financière (CSF) a des réserves sur les avantages réels qu’il y a à introduire au Québec une norme de conduite réglementaire d’agir au mieux des intérêts du client, estimant que cette norme proposée existe déjà au Québec et qu’elle est appliquée au sein du cadre réglementaire.
«Le Code civil et les autres règles applicables aux personnes inscrites, dont le Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, requièrent déjà de ces personnes qu’elles agissent selon des principes de professionnalisme, d’honnêteté, de loyauté, de bonne foi et dans le meilleur intérêt de leurs clients», indique Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la CSF.
Pour la CSF, l’évolution dans l’application des principes déjà existants est beaucoup plus à même d’atteindre l’objectif de servir l’intérêt des clients et, ce faisant, de renforcer la protection du public, plutôt que d’imposer une nouvelle norme de conduite générale.
Selon l’Association canadienne du commerce en valeurs mobilières (ACCVM), la proposition des ACVM mènerait à une «confusion chez les clients et les conseillers», un accès réduit aux produits et services ainsi que des coûts juridiques plus importants.
À l’inverse, la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (Fair Canada) soutient que l’industrie devrait exiger la norme la plus élevée en ce qui touche le travail des conseillers avec leurs clients : «Il est difficile d’imaginer que ce service puisse être livré sans devoir fiduciaire».