Les conseillers ont pu assister à une table ronde leur permettant d’en apprendre plus sur les rouages du blanchiment d’argent et sur les moyens de s’en prémunir.
«Les criminels, les terroristes doivent passer par vous pour mener à bien leur entreprise de destruction ou d’exploitation. Ce faisant… ils vous mettent à risque personnellement !» a dit Mario Grégoire, président du CDPSF dans son discours d’ouverture du Colloque.
Les lois sont claires à ce sujet, a ajouté le président du CDPSF. «Vous avez une responsabilité ! Si les criminels parviennent à tromper votre vigilance, c’est non seulement vous en tant que conseiller qui devrez payer les pots cassés, mais c’est également l’ensemble de la profession qui y perdra au change.»
Brouiller les pistes
À leur insu, les conseillers peuvent se retrouver du jour au lendemain partie prenante d’un système dont ils ne mesurent pas l’ampleur, a souligné de son côté Bernard Gagné, sous-dirigeant principal de la conformité, Relations et soutien à la conformité au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE).
«Il y a des cas d’exception, mais nous ne pensons pas que les conseillers sont complices, ils sont plutôt utilisés lorsque les criminels veulent brouiller les pistes en dispersant l’argent afin de le réintégrer ensuite dans le système», dit Bernard Gagné, ajoutant que les criminels souhaitent investir et ainsi tirer profit de leurs activités.
Il a ensuite rappelé le rôle du CANAFE dans la lutte au blanchiment d’argent en expliquant aux conseillers comment faire une Déclaration d’opération douteuse (DOD) efficace et utile. Souvent, ceux-ci hésitent, car ils ont peur d’accuser à tort un client.
Les conseillers doivent produire une DOD lorsqu’ils ont un motif raisonnable de croire qu’il s’agit d’argent obtenu illégalement. «Ils n’ont pas besoin de preuve, a dit Bernard Gagné. Si ce n’est pas fondé, le CANAFE ou la police ne donneront pas suite à la déclaration. Les conseillers n’ont pas à faire une enquête, juste à soulever des doutes raisonnables.»
Sur le site Web du CANAFE, les conseillers ont accès à des formulaires de déclaration. Depuis 2014, ils peuvent même consulter des questions posées par des parties déclarantes dont les noms ont été retirés pour préserver l’anonymat des firmes en cause. Selon Bernard Gagné, le CANAFE reçoit de 1 800 à 1 900 DOD par semaine.
De la bonne conformité
Les participants à cette table ronde ont aussi souligné l’apport de la conformité dans la lutte au blanchiment d’argent.
«Je rencontre souvent des clients qui considèrent ça comme deux choses séparées. Ils voient la lutte contre le blanchiment d’argent d’un côté et la conformité de l’autre, alors que les deux sont étroitement liées», a mentionné Jean-François Lefebvre, consultant expert en conformité pour la lutte au blanchiment d’argent.
Bref, pour pouvoir déceler des opérations douteuses, encore faut-il avoir évalué le niveau de risque de ses clients, ce qui ne se fait pas sans un bon système de conformité à la base. «Si on évalue qu’une portion de sa clientèle est plus à risque, à terme, on risque moins d’être utilisé à des fins de blanchiment», dit-il.
«On ne peut pas lutter contre le blanchiment si on n’a pas un bon programme de conformité» a renchéri Linda Caron, directrice principale, lutte contre le RPCFAT, à la Banque Nationale du Canada, qui a précisé aux participants du Colloque que les informations qu’ils déclarent au CANAFE ne peuvent pas être transmises à qui que ce soit d’autre en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Pour Franck Fingercwajg, président de IDEAL conseil, la conformité d’une entreprise se compare à celle d’une armée. Elle ne doit pas empêcher de partir à la conquête de nouveaux territoires, mais éviter les dérapages. «Imaginez la pérennité d’une entreprise sans conformité, ce serait comme partir à la guerre sans armes et sans munition en se disant que ça se passera bien.»