«On nous demande souvent de reconnaître qu’il y a plus d’une façon d’appliquer les règles», relate Mark Gordon en entrevue.
Un des tout premiers employés de l’organisme d’autoréglementation des fonds communs au Canada, le nouveau président note que ses assujettis déplorent souvent que l’approche fondée sur les règles qui est préconisée par l’autorégulateur tient rarement compte du fait qu’il y a plusieurs manières de respecter l’esprit de la réglementation.
Souplesse
Les règles concernant les succursales et la convenance des placements notamment seront appliquées avec plus de souplesse. Ce sont les deux règles qui ont suscité le plus de mécontentement de la part du secteur de l’épargne collective au Québec.
Le concept de succursale en épargne collective et son corollaire, la nomination d’un directeur et responsable de la conformité pour tout établissement qui compte au moins quatre représentants, ne correspond pas aux modèles d’affaires en vigueur au Québec, où le concept de succursale n’existe pas en distribution.
«Nous reconnaissons que ce ne sont pas toutes les règles qui peuvent être appliquées uniformément à toutes les situations, et qu’il nous faut tenir compte du contexte commercial d’un cabinet», poursuit Mark Gordon, entré en fonction le 1er octobre dernier.
Mark Gordon fait également remarquer que le régime actuel de convenance des placements «ne produit pas toujours les résultats escomptés, à savoir un placement qui convient au client».
La règle RM-0069 qui concerne la convenance des placements, par exemple, et qui, d’après les experts, est contraire à la théorie des portefeuilles selon laquelle on ne peut évaluer le risque d’un portefeuille sur la base du risque de chacun des actifs, mais plutôt selon la corrélation entre les actifs, sera dorénavant appliquée de façon moins restrictive.
Depuis que les premiers jalons de la réforme de l’inscription 31-103 ont été posés, en 2007, plusieurs interrogations ont surgi quant à la place que tiendrait la réglementation de l’ACCFM au Québec.
Au cours des dernières années, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a d’ailleurs consulté ses assujettis sur la question à plusieurs reprises afin de déterminer quelles règles de l’ACCFM seront adoptées, et selon quelles modalités.
Sur l’adoption de ces règles dans le modèle québécois, Mark Gordon affirme que «la balle est dans le camp de l’AMF», qui est seule juge des règles qu’elle appliquera – ou pas – dans sa juridiction.
«Quoi qu’il arrive avec nos règles au Québec, nous continuerons à collaborer étroitement tant avec l’AMF qu’avec la Chambre de la sécurité financière.»
Avec 31-103, qui fait en sorte d’harmoniser les règles à travers le pays, le corpus réglementaire de l’ACCFM doit être adapté pour le Québec.
Certaines règles en vigueur ailleurs au Canada sont susceptibles d’avoir un impact sur les cabinets québécois. Au premier chef, l’obligation, nouvelle pour les représentants, d’effectuer toutes les transactions en valeurs mobilières par l’intermédiaire du cabinet auquel ils sont rattachés.
À l’heure actuelle, seules les transactions sur les fonds communs doivent se faire par le courtier. En outre, la rémunération doit également passer par le courtier avant d’être remise au représentant, ce qu’aucune règle québécoise n’exigeait spécifiquement jusqu’ici.
Au-delà des règles
Cela fait plus d’une décennie que l’accent est mis sur l’instauration de nouvelles règles, il est maintenant temps de se pencher sur une application qui tient davantage compte des réalités de l’industrie, estime celui qui a été premier vice-président depuis les débuts de l’ACCFM.
Sans compter que l’industrie, en général, a elle-même développé une culture de conformité.
Depuis quelques années, il dit constater des améliorations remarquables en ce qui concerne les formulaires de connaissance du client, les informations qui sont divulguées au client et la gestion et le traitement des plaintes.
Cela étant, Mark Gordon se dit «hypersensible» quant au poids que la réglementation fait peser sur ses assujettis et quant à l’escalade des coûts engendrés par cette lourdeur.
«Nous avons surtout voulu relever la barre de la conformité dans les cabinets. Aujourd’hui, nous comprenons qu’il ne s’agit plus seulement d’édicter de nouvelles règles, mais plutôt d’améliorer leur application.»
«Nous voulons également consulter nos membres, les accompagner dans leur démarche d’application des règles et déployer des outils d’éducation sur la réglementation, tant pour nos membres que pour le public investisseur», poursuit Mark Gordon. Il s’agit, pour l’essentiel, de relever l’efficacité de la conformité, et non de l’alourdir.
Alors que la réglementation atteint une certaine maturité, le régulateur doit évoluer, croit Mark Gordon. «Nous reconnaissons que notre travail ne s’arrête pas à l’application des règles. Il faut aussi faire en sorte que nos membres sachent comment les appliquer. C’est pourquoi nous allons travailler davantage avec l’industrie afin de l’aider à éviter les accrocs à la réglementation.»
Le rôle de l’ACCFM est donc de permettre à ses membres de trouver des moyens d’appliquer la réglementation qui soient à la fois efficaces, respectueux des exigences et moins coûteux.
En clair, il est temps pour l’ACCFM de voir dans quelle mesure son application de la réglementation est efficace, et de se doter d’indicateurs qui lui permettent d’évaluer le progrès réalisé à cet égard.