Les Bourses, à la hausse, ont salué la sagesse des législateurs américains. À la suite de l’annonce, le 2 janvier, le Dow Jones Industrial Average a grimpé de 308,41 points ou 2,35 %, pour clôturer à 13 412,55, son meilleur jour depuis plus d’un an, rapporte The Wall Street Journal du 3 janvier 2013.
Il serait donc de bon ton de conclure que «tout est bien qui finit bien».
Certes, l’accord trouvé in extremis qui permet d’éviter le précipice budgétaire (fiscal cliff) a bien été signé. Pourtant, de nombreux nuages se forment à l’horizon pour l’année 2013.
Déjà, l’agence de notation Moody a déclaré que si le Congrès ne faisait pas davantage au cours des prochains mois, elle pourrait suivre Standard & Poor’s dans le déclassement de la dette américaine.
Du côté des observateurs économiques et financiers, le constat est cinglant. «Le compromis politique fait peu pour affronter les vents contraires qui ralentissent la croissance et freinent l’investissement des entreprises et la création d’emplois», écrivait Mohamed El-Erian, le chef de la direction de Pimco, dans le magazine Fortune du 2 janvier.
Deux mois de plus
En effet, l’examen des compressions dans les dépenses budgétaires n’est pas encore réglé, mais est repoussé au début du mois de mars.
«Comme les nombreux sommets organisés pour régler les crises en Europe ont permis d’éviter le désastre complet, il y aura maintenant un resserrement budgétaire plus facile à gérer, d’un peu plus de 1 % du PIB en 2013, plutôt que des compressions de 5 % de l’économie (comme le précipice budgétaire le sous-entendait)», lit-on dans l’édition du 5 janvier de The Economist.
«C’est assez déprimant», déclare Rudolph Penner, économiste du groupe de réflexion Urban Institute à Washington et ancien directeur du Congressional Budget Office. «La bonne chose, c’est que nous avons évité de fortes augmentations d’impôts. La pire, c’est que nous pourrions nous retrouver face à un précipice budgétaire dans deux mois», confie-t-il au quotidien torontois The Globe and Mail (3 janvier 2013).
Le chef de la direction de Pimco estime, quant à lui, que le montant de cette composante fiscale (par l’intermédiaire du Joint Committee on Taxation / Congressional Budget Office) ajoutera probablement des milliards à l’encre rouge dans les prévisions budgétaires de dix ans.
Dans un bulletin envoyé à ses clients le 2 janvier 2013, Russ Koesterich, stratège mondial de BlackRock, qualifie l’accord de «mesure d’urgence, et non une solution». Il fait valoir que «l’accord de portée limitée et la nécessité de négociations supplémentaires se traduiront probablement par une volatilité accrue des marchés financiers. Les investisseurs devraient s’attendre à des moments difficiles en 2013, du moins jusqu’à ce que Washington parvienne à un accord plus solide à long terme.»
Sean West, analyste des politiques à la division États-Unis d’Eurasia Group, une des firmes de consultation en risques politiques les plus importantes du monde, semble partager ce point de vue.
Le 3 janvier, il écrivait dans Bloomberg : «Il est trop tôt pour dire si les négociations du relèvement du plafond de la dette seront une catastrophe ferroviaire, mais les événements des dernières semaines donnent peu de raisons d’être trop optimiste sur le fait que la politique changera bientôt pour le mieux. Obama pourrait bouleverser la dynamique politique en adoptant une approche différente lors de son second mandat […] et secouer la stratégie des règlements de dernière minute qui s’est instaurée.»
La dette
Autre enjeu de taille : le relèvement du plafond de la dette d’ici la fin du premier trimestre de 2013 paraît plus que nécessaire et devrait donner lieu à des négociations ardues. Cette dette s’élève aujourd’hui à 16,4 billions de dollars.
Le quotidien français Le Monde du 2 janvier 2013 rapporte : «La Maison Blanche et le Congrès n’ont toujours pas de carnet de route crédible pour enrayer dans les cinq à dix ans l’inexorable montée de la dette du pays. Elle devrait vite atteindre les 100 % du produit intérieur brut pour flirter avec les 300 % d’ici au milieu du siècle. Intenable, même avec un dollar qui reste, plus que jamais, la grande monnaie de réserve mondiale.»
Si rien n’est fait, l’État fédéral américain pourrait être déclaré insolvable et ne sera pas en mesure de rembourser sa dette. Il serait alors forcé de prendre des mesures immédiates pour réduire des dépenses et pour résorber son endettement de façon très rapide.
Récemment, les analystes ont averti que le tour de force du relèvement du plafond de la dette pourrait créer de la volatilité dans les marchés et faire augmenter le prix du carburant. Un écho de la situation d’août 2011.
De son côté, le Département du Trésor prend des mesures pour gagner du temps, notamment l’arrêt des cotisations aux caisses de retraite du gouvernement fédéral. Cependant, les analystes disent qu’il pourrait perdre sa liberté d’action dès février.
Officiellement, depuis le début de janvier, le plafond a été atteint. Cependant, le Trésor a annoncé qu’il avait mis en place des mesures de secours qui permettaient d’emprunter encore pendant au moins deux mois.
Le débat reste donc entier.