Bill Morneau, le ministre des Finances, a confirmé que le gouvernement renonçait à cette promesse après avoir consulté le milieu des affaires. «Les entreprises en démarrage nous ont indiqué qu’elle craignait qu’un changement ne nuise à leur capacité de retenir les talents, a répondu le ministre. Ces préoccupations sont légitimes. Nous avons décidé de ne pas adopter cette mesure.»
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Le renoncement des libéraux confirme que le changement promis aurait été nocif, croit Albert De Luca, associé fiscalité, de Deloitte. «C’est une bonne chose, car cet avantage permettait d’attirer les talents. Les entreprises auraient été obligées de compenser la perte de cet avantage en salaire et ça aurait été plus difficile de concurrencer les autres régimes fiscaux.»
En prévision du budget, le journal Les Affaires avait révélé qu’une trentaine de PDG d’un échantillon canadiens et québécois avaient réussi à épargner jusqu’à 53,3 M$ en impôt en 2015 grâce au traitement avantageux alloué aux options. Cela représentait une économie d’impôt de 1,7 M$ en moyenne par dirigeant.
Les options d’achat donnent le droit à un dirigeant d’entreprise d’acquérir une action à un prix déterminé dans le futur. Lorsque le prix de l’action sous-jacente monte au-delà du prix d’exercice, son détenteur réalise ainsi un gain en capital. Au fédéral, seulement 50% de ce gain est imposable. Le même traitement est en vigueur dans toutes les provinces canadiennes, sauf au Québec où 75% du gain est imposable.
Tous les experts ne s’entendent pas sur le bienfait des options d’achat. Certains experts en gouvernance affirment qu’elle encourage les dirigeants d’entreprises cotées en Bourse à prendre trop de risque. Le fait que les revenus tirés des options d’achat soient moins imposés que du salaire soulève aussi des questions sur l’équité fiscale envers les autres contribuables, selon les détracteurs.
En entrevue avant le budget, Jack Mintz, économiste de l’École de politique publique de l’Université de Calgary, avait mis en doute que le gouvernement puisse obtenir plus de revenus en imposant davantage les options d’achat. L’économiste se disait favorable en principe à l’idée d’imposer tous les revenus sur un même pied d’égalité, mais il croit que l’effet sera «neutre» sur les finances publiques.
En fait, les entreprises sont imposées sur la rémunération qu’elles versent sous forme d’options, contrairement aux primes et aux salaires qui sont uniquement imposés entre les mains des particuliers, rappelle l’économiste. En changeant les règles du jeu, le gouvernement n’aura pas eu le choix de laisser les entreprises déduire le coût de l’octroi d’options. Au bout du compte, le gouvernement aurait perdu d’une main, ce qu’elle gagne de l’autre, selon lui. «S’ils n’accommodent pas les entreprises, il n’y aura plus aucune entreprise qui voudra choisir une rémunération qui est doublement imposée. Ils choisiront d’autres formes de rémunération. Dans tous les cas, les recettes espérées ne seront pas au rendez-vous.»
Pour M. De Luca, l’absence de nouveaux revenus pour le gouvernement démontre que ça n’aurait pas valu la peine d’irriter le milieu des affaires sans avoir la certitude de récupérer l’argent visé.