L’homme de 58 ans fait partie du conseil des gouverneurs, un groupe de 80 leaders du monde des affaires qui ont donné 100 000 $ et plus à l’institution.
Au cours des 10 dernières années, il a contribué bénévolement et financièrement à près d’une vingtaine d’organismes, consacré plus de 10 heures par semaine à des activités caritatives et récolté pour près de 2 M$ auprès de grands et petits donateurs.
Voilà pourquoi Richard Lupien reçoit le prix du Conseiller le plus engagé dans sa communauté en 2015 de Finance et Investissement.
Un mélomane généreux
La musique est une cause qu’il chérit tout particulièrement. Pianiste à ses heures, il préside le conseil d’administration de la Fondation Jeunesses Musicales du Canada (FJMC) et celui de la Société Pro Musica. Il est aussi membre du conseil du Concours musical international de Montréal, qui décerne chaque année un prix d’improvisation qui porte son nom.
«La culture est souvent le parent pauvre des causes, parce qu’elle est vue comme un nice to have. C’est plus difficile de toucher le public avec la musique qu’avec le cancer, les sans-abris ou les enfants malades», dit-il.
Lui-même peut remercier la musique, car elle lui a permis de payer ses études en finance. «Au lieu de vendre des souliers sur la rue Saint-Hubert, je jouais du piano dans des mariages !»
Ses talents de pianiste ont servi une autre cause qui lui tient à coeur : la toxicomanie. Lors de la dernière Soirée des Grands Philanthropes de la Fondation Portage, il a accompagné au piano le ténor Marc Hervieux dans une interprétation de My Way. Cette soirée rendait hommage à l’un des grands donateurs, Jean-Guy Desjardins, président du conseil et chef de la direction de Fiera Capital.
Cependant, Richard Lupien fait plus que pousser la note pour Portage, il est aussi le président de ses campagnes de financement depuis deux ans. Tant en 2014 qu’en octobre 2015, la Soirée des Grands Philanthropes a permis d’amasser 1,4 M$ pour cet organisme qui vient en aide aux personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie.
Lorsqu’on lui demande ce qui l’a incité à s’engager avec cet organisme, son regard rieur s’assombrit. «Ça, c’est plus difficile… Près de moi, personne n’a souffert de toxicomanie, mais je le fais à titre de précaution, car nous sommes tous vulnérables. Dans la toxico, il y a aussi un volet santé mentale, et mes deux parents ont été victimes de problèmes de santé mentale», explique-t-il.
Pour lui, Portage embrasse donc une cause plus vaste, et il est fier de dire que la Soirée des Grands Philanthropes de 2014 a remporté le prix du meilleur événement de collecte de fonds au Canada. «Amasser 1 M$ pour un hôpital, c’est assez normal, mais pour un organisme comme Portage, c’est moins évident.»
«Richard Lupien est un grand rassembleur, et quand il s’engage, il ne le fait pas à moitié, remarque Colette M. Taylor, directrice principale, Développement, de Portage. Il nous fait profiter de son réseau et son engagement dépasse souvent le cadre officiel de ses fonctions.»
Un «quêteux» professionnel
Richard Lupien se décrit à la blague comme un «quêteux» professionnel. À la Banque Nationale, qui est déjà engagée dans plusieurs organismes, on lui réserve désormais un budget annuel ! «Je ne le fais pas pour surfer sur l’engagement de la Banque, mais lorsqu’elle peut m’appuyer, elle le fait.»
Par exemple, pour parrainer HEC Montréal, Richard Lupien a fait le tour des diplômés de l’école pour leur vendre pour 1 500 $ une dalle gravée à leur nom avec l’année de leur promotion, posée sur le sol du rez-de-chaussée de l’École. Le montant recueilli a permis de contribuer à l’installation de la Salle des marchés Financière Banque Nationale.
Ce père de quatre enfants a développé son goût pour la philanthropie entre 35 et 40 ans. «Au début, je faisais surtout des dons, car avec quatre enfants, on a peu de temps disponible pour s’engager. Maintenant que les enfants ont grandi, mon bénévolat a remplacé les devoirs, les bains et les lifts à l’aréna.»
Sa toute première cause a été la sclérose en plaques, en soutien à un grand ami d’adolescence décédé des suites de cette maladie dégénérative. Richard Lupien a pris part aux premières éditions du Vélotour SP Croix Bleue Médavie, une randonnée cycliste organisée chaque année depuis 26 ans par la Société canadienne de la sclérose en plaques.
Puis, les causes se sont succédé comme une suite de coups de coeur. Richard Lupien a une petite histoire pour chacune d’entre elles. Il pédale aussi pour amasser des fonds pour la Fondation de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. En 2014, il a été l’instigateur du premier «Cyclodéfi : pédalez un peu, beaucoup, à la folie».
«Il y a des sujets qui m’attirent plus que d’autres. Mais je dois dire que c’est plus facile d’accepter que de refuser», souligne Richard Lupien.
Créer une dépendance au don
Son engagement auprès de l’Institut universitaire en santé mentale, une cause également soutenue par la Banque Nationale, est venu à la suite d’un sondage réalisé auprès des employés de l’institution financière.
«On leur a donné une liste de causes en leur demandant celles que la Banque devrait appuyer. À ma grande surprise, la santé mentale est arrivée en deuxième place. Je me suis dit que c’était le créneau qu’il fallait choisir.»
Peu d’institutions s’engagent dans le domaine de la santé mentale, car le sujet reste tabou. Mais Richard Lupien aime les défis. Il a réussi à sensibiliser le président et chef de la direction de la Banque Nationale, Louis Vachon, qui a été président de la campagne majeure 2006-2011 de l’Institut.
Richard Lupien mesure sa réussite au nombre de personnes qu’il réussit à «contaminer» et non au montant accumulé. «Je ne travaille pas tant pour l’argent que pour les personnes. Je veux créer une dépendance au don», dit-il.
À ceux qui veulent donner un coup de pouce, il conseille d’y aller avec un pourcentage du revenu avec lequel on se sent à l’aise. «Les gens disent souvent qu’ils sont fatigués de se faire solliciter. Moi, je pars avec un budget donné et je souhaite me faire achaler !»
Au Québec, souligne-t-il, la culture du don est moins populaire que dans le reste du Canada, où les gens donnent en moyenne 3 % de leur revenu disponible. «Je me sers souvent de cet argument pour solliciter. Je demande aux gens de se comparer à la moyenne et de voir où ils se situent.»
Sa plus grande source de fierté ? «La reconnaissance des gens qu’on aide. Quand on fait quelque chose, ça nous revient toujours, et pas nécessairement par le même chemin. Donner permet aussi de se sentir bien, tout simplement.»
Aider le client à réaliser ses rêves
Il retrouve cette philosophie dans son métier, qu’il exerce maintenant depuis 37 ans. Son groupe, l’Équipe Lupien, Dallaire, Sincennes, Paquet, gère un actif de 650 M$ et conseille 250 familles.
Richard Lupien a aussi marqué l’industrie financière en introduisant le concept du «panier», qui permet aux conseillers d’offrir un service de gestion discrétionnaire à leurs clients. Il a également contribué à la réussite de Croesus grâce à son apport important à l’évolution du logiciel de gestion de portefeuille de cette firme au début des années 1990.
Il a réussi, dit-il, si son client est capable de payer les études de ses enfants ou de s’acheter la résidence secondaire de ses rêves. «On a travaillé ensemble pendant des années pour qu’il en arrive là, alors ne venez pas me dire que le bonheur, c’est le portefeuille qui grossit ! L’argent, il faut que ça serve. C’est ça, le bonheur !»
Ces temps-ci, il fait la tournée de sa clientèle pour les prévenir des changements dans les règles d’imposition des fiducies testamentaires. Il se réjouit de voir que de plus en plus de personnes veulent léguer une partie de leur héritage à des oeuvres caritatives. «Ça se voyait moins il y a 20 ou 30 ans. Les mentalités changent.»
Avec l’exemple de personnes comme Jean Coutu et André Chagnon, Richard Lupien croit que le Québec pourrait rattraper son retard en matière de philanthropie.
«Quand on reçoit beaucoup, il faut redonner», affirme-t-il. Cependant, il ne s’étonnerait pas que ce soit les personnes à revenu modeste qui donnent le plus, en proportion de leur salaire.
«Pour ma part, j’ai été choyé, et je me dis qu’il faut que ça s’équilibre, sinon, je ne finirai pas ma vie even ! C’est comme un bilan !»