Les promoteurs de RPD d’entreprises publiques n’ont pas tellement le choix. Les normes comptables les obligent à calculer la valeur courante de leurs actifs à une date donnée, en faisant un escompte des engagements du régime de retraite au taux d’intérêt en vigueur à cette date.

«Cela fait en sorte que le régime de retraite a un impact important sur les états financiers des entreprises. Ça ajoute énormément de volatilité ou de fluctuations dans les résultats», dit Michel Jalbert.

Les règles de solvabilité, qui exigent que les régimes soient capitalisés en fonction des taux d’intérêt courants et de la valeur courante des rentes, forcent aussi les employeurs à adopter une vision à court terme dans l’investissement de l’actif.

«La baisse des taux fait augmenter la valeur des engagements, ce qui crée des déficits importants dans les régimes. Les employeurs sont obligés de combler ces déficits à l’intérieur d’une période de cinq ans. Ils doivent mettre beaucoup d’argent dans les caisses à un moment souvent difficile pour l’entreprise», remarque le premier vice-président d’Addenda.

Selon lui, ces règles font que les employeurs se désintéressent peu à peu des régimes à prestations déterminées depuis quelques années. «L’impact sur leurs états financiers et sur leur flux de trésorerie est trop important, et pour qu’il y ait régime de retraite, il faut que l’employeur survive !»

Bien sûr, la ruée des promoteurs de régimes de retraite vers les obligations n’est pas la seule cause de la baisse des taux d’intérêt. Les décisions des banques centrales et les achats par des étrangers y sont aussi pour beaucoup. Or, la demande des caisses de retraite aux États-Unis et au Canada a eu un impact important.

Un peu d’air

«Des employeurs prennent des décisions à court terme, parce qu’ils sont forcés de le faire pour protéger les participants et satisfaire les investisseurs, mais on a jeté le bébé avec l’eau du bain en y allant un peu fort sur la réglementation de ces régimes», ajoute Michel Jalbert.

D’ailleurs, l’état de santé des régimes de retraite à prestations déterminées a décliné en 2015, selon la dernière enquête d’Aon. La solvabilité médiane des régimes à la fin de 2015 était de 87,6 % par rapport à 90,6 % en 2014. Ce ratio mesure la santé financière d’un RPD dans l’éventualité de sa terminaison.

«En 2016, la solvabilité des régimes sera encore plus exposée à la volatilité des marchés boursiers et à la faiblesse des marchés obligataires, commente Claude Lockhead, associé exécutif de la pratique Retraite chez Aon Hewitt, dans un communiqué. Les promoteurs devront diversifier leurs actifs et faire une meilleure gestion des risques.»

La Loi 57, entrée en vigueur au Québec en janvier dernier, leur donnera un coup de main. «La solvabilité ne sera plus ce qu’on examinera pour financer les régimes, explique Michel St-Germain, associé au cabinet Mercer. Elle sera remplacée par une mesure plus stable en terme de contributions.»

Le financement selon l’approche de solvabilité, actuellement en vigueur, sera remplacé par un financement axé sur la capitalisation, donc sur une base de continuité, incluant une provision de stabilisation.

La Loi éliminera donc l’obligation pour les employeurs de renflouer les déficits. «Ma lecture de tout ça, c’est que les promoteurs de régimes vont peut-être être plus prêts à prendre des risques pour améliorer le rendement des caisses», ajoute Michel St-Germain, qui ne prévoit pas une recrudescence des régimes à prestations déterminés, même avec un assouplissement des règles. «Ceux qui restent vont toutefois avoir la vie un peu plus facile», dit-il.

Pour Michel Jalbert, la gestion du risque de taux d’intérêt a détourné le regard des vrais enjeux pour les régimes de retraite : la survie de l’employeur, qui doit rester concurrentiel, des liquidités suffisantes (ce qui n’est pas le cas avec des obligations), et des rendements assez élevés pour que les coûts du régime demeurent abordables et que sa pérennité soit assurée.

«En général, quand les taux sont bas, le taux à l’échéance sera l’équivalent du taux du portefeuille initial, alors si j’ai 60 % de mon portefeuille en obligations à un taux de 2 % et que je ne fais pas une gestion active de mes placements, j’aurai juste du 2 % pour les 15 ou 20 prochaines années. Ça ne couvre même pas l’inflation», dit Michel Jalbert, qui croit qu’il serait même souhaitable pour les gestionnaires de RPD d’augmenter le niveau de risque des portefeuilles.