Il donne l’exemple d’une cliente qui a été trompée par des produits dont les promesses dépassaient les performances. Elle disposait d’un actif de plus d’un million de dollars réparti entre plusieurs fonds à revenu.

Tout d’abord, les distributions qu’elle recevait, de l’ordre de 4 446 $ par mois, étaient de 25 % supérieures à un niveau que Dan Hallett jugeait soutenable à long terme.

Un des fonds du portefeuille avait versé des distributions de 8 % en moyenne par année, ce taux s’élevant à 8,5 % au moment où la dame a communiqué avec Dan Hallett, à la fin de 2015. Or, le rendement moyen du fonds sur 10 ans jusqu’au 31 octobre 2015 n’avait été que de 6,3 %.

Cela veut dire que pour un capital de 100 000 $ investi dans ce fonds en octobre 2005, les distributions totales s’étaient élevées à environ 69 000 $ à la fin d’octobre 2015, ce qui a mené la valeur originale de 100 000 $ à tomber à environ 82 400 $, soit une réduction de 18 % du capital initial.

Là ne s’arrête pas la liste des irrégularités. Les frais de gestion pour l’ensemble du portefeuille s’élevaient à 2,4 %, «des frais d’au moins 70 points de base plus élevés que ce qu’elle aurait dû payer pour un portefeuille de sa taille», relève Dan Hallett, dans son article. De plus, la proportion de 75 % en actions était beaucoup trop haute pour son niveau de tolérance au risque.

Trois pièges

Plusieurs pièges guettent l’investisseur qui s’oriente vers ces produits à revenu mensuel. Le plus redoutable est le danger de gruger le capital. Pour la plupart des investisseurs, l’érosion du capital à force de distributions trop élevées peut entraîner des déboires à un âge plus avancé.

Certains clients répugnent à regarder si loin en avant. Ils veulent jouir d’un revenu élevé immédiat. Il appartient au conseiller de tempérer une telle imprévoyance, juge Maxime Gauthier, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici services financiers, à Sherbrooke.

Un deuxième piège était plus courant quand les marchés financiers rugissaient avant la crise financière. On incitait l’investisseur à emprunter pour investir dans un fonds à revenu élevé, par exemple de 8 %, en lui laissant croire qu’un rendement élevé dans un marché effervescent permettrait de réduire rapidement l’endettement.

Malheureusement, certains pratiquent encore cette manoeuvre. «Il y a des courtiers qui se targuent d’être des spécialistes de la chose, affirme Maxime Gauthier. Je me méfie quand un conseiller dit à son client : « Ne vous inquiétez pas, vous allez avoir votre argent ». Puis, surprise !»

Le recours à un fonds à revenu élevé peut être tout à fait indiqué pour certains clients, reconnaît Yvan Morin, vice-président affaires juridiques et chef de la conformité chez Mica Services financiers.

Par exemple, un client pourrait choisir de confier une partie de son portefeuille à de tels fonds dans le dessein délibéré de jouir d’un revenu élevé dès maintenant et de laisser plus tard un capital diminué à ses héritiers. Ce client pourrait également vouloir le donner à un organisme de bienfaisance. «Si le fonds est bien vendu et qu’on l’explique bien au départ, c’est tout à fait correct», tranche Yvan Morin.

Enfin, troisième piège : le client qui souscrit à un taux de revenu trop élevé risque de recevoir la nouvelle désagréable que le gestionnaire de son fonds réduit radicalement la distribution.

C’est ce qui est arrivé avec un fonds de Sentry Investments, indique Dan Hallett, dont le gestionnaire a diminué le revenu mensuel de plus de moitié à partir de janvier 2016, le faisant passer de 0,067 $ par unité à 0,032 $. «C’est une chute de 52 % !» écrit Dan Hallett, qui ajoute : «La douleur va être intensifiée pour ceux qui ont investi dans le fonds avec de l’argent emprunté – une pratique trop fréquente avec les fonds à revenu élevé».

Dan Hallett signale qu’il avait repéré ce fonds dès le printemps 2015, estimant à ce moment-là que la distribution devait être réduite de 46 %. «Mais retarder la décision pendant les derniers mois – au cours desquels le prix unitaire a baissé de 10 % – n’a fait qu’exacerber le niveau de distribution nettement insoutenable», soutient Dan Hallett.

Tous les intervenants à qui Finance et Investissement a parlé conviennent que des taux de revenu de 7 % et 8 % ne sont pas indiqués pour la majorité des investisseurs. Dans le contexte actuel des marchés financiers et des bas taux d’intérêt, 4 % et 5 % semblent plus raisonnablement soutenables.

Offrant une alternative, deux compagnies d’assurance viennent de remettre à l’honneur des fonds à revenu minimum garanti, une approche qui retient l’attention de Stéphane Beaulieu, vice-président, investissement, chez Mica services financiers. De tels fonds jouissaient d’une grande popularité, jusqu’à ce que la crise financière de 2007-2008 entraîne leur disparition. Or, la Financière Sun Life et iA Groupe financier en ont récemment lancés de nouveaux, mais cette fois, avec une formule où «la firme et le client partagent le risque du revenu qui sera payé au moment de la retraite», note Stéphane Beaulieu.

Prudence et doigté

L’investisseur aussi doit tenir compte du traitement fiscal d’un fonds de série T. La plus grande part du revenu est considérée comme du remboursement de capital, précise Peter Bowen, vice-président, recherche en fiscalité et retraite, chez Fidelity Investments, à Toronto. Cela implique qu’elle est libre d’impôt jusqu’à ce que l’addition mensuelle de revenus atteigne la somme du capital initial investi. Tout revenu à partir de ce moment est imposé à titre de gain en capital.

Les pièges des fonds de série T imposent au conseiller de les traiter avec soin, car un client dont le capital s’amenuise ou dont les distributions chutent subitement peut causer bien des soucis. «Le conseiller doit expliquer clairement et en termes accessibles au client que son capital peut être grugé et que les distributions ne sont pas garanties», insiste Stéphane Beaulieu.

Conserver une trace des échanges avec le client et envoyer un courriel confirmant la teneur de ces échanges s’avère donc crucial. Yvan Morin propose d’utiliser l’aperçu du fonds comme outil de travail pour accroître l’efficacité. Le représentant y encercle les aspects clés du fonds, demande au client d’initialiser ces passages, remet une copie de l’aperçu au client et en garde une pour ses dossiers.