Cet indice phare de la Bourse de Toronto, qu’on juge représentatif des 60 titres à plus grande capitalisation au Canada, comprenait à la mi-décembre huit titres dont le flottant était inférieur à 3 G$. (Le flottant est, en résumé, la somme des actions détenues par le grand public, autrement dit, la capitalisation boursière excluant la part des actions détenues par les dirigeants de la société et les investisseurs institutionnels.)
Ces huit entreprises avaient perdu plus de 20 % de leur valeur au cours de la dernière année, précise le Globe and Mail. Il s’agit de sociétés comme Bombardier (flottant de 2,24 G$ à ce moment), Teck Resources (2,25 G$) et Kinross Gold Corp. (2,66 G$).
Par ailleurs, l’indice excluait au même moment 14 titres affichant un flottant supérieur à 5 G$, dont des sociétés aussi importantes que Great-West Lifeco (flottant de 9,9 G$, capitalisation de 32,4 G$) et la Corporation financière Power (flottant de 7,9 G$, capitalisation totale de 21,3 G$).
«On peut s’interroger quant à la représentativité de l’indice, lance Jacques Maurice. On se retrouve avec un indice beaucoup plus axé sur les ressources naturelles, dont un acteur aussi important que Great-West est absent.»
Composition trop variable
Des lacunes apparentes de l’indice composé S&P/TSX, comme la grande variabilité du nombre de titres, tracassent certains.
Ainsi, l’indice regroupait 240 titres à la mi-janvier 2016. «Il comprenait 204 sociétés en 2009, 269 en 2007, 213 en 2005, 223 en 2003. Il y a un grand changement d’une période à l’autre», écrit George Christison sur le site ratesupermarket.ca, fondateur de Investing For Me Education, en Colombie-Britannique.
Selon lui, l’indice TSE 300 (l’ancêtre de l’indice actuel qui a prévalu jusqu’en mai 2002), avec son nombre fixe de 300 titres, s’avérait beaucoup plus fiable et représentatif.
De plus, George Christison note une grande variabilité du nombre de titres dans certains sous-secteurs de l’indice. Par exemple, le sous-secteur de l’énergie affichait 40 titres en 2005, puis ce nombre est monté à 74 en 2007, une hausse de 85 %. Il en comptait 44 à la mi-janvier dernier.
Ces variations, qui semblent indiquer une gestion active discrétionnaire de la part de Standard & Poor’s, amènent George Christison à dire de l’indice composé S&P/TSX qu’il s’agit d’un «fonds commun de placement qui ne dit pas son nom» (closet mutual fund) et qu’il fait preuve d’un «penchant pour le risque».
Si l’épargnant n’est pas prêt à reproduire la façon dont Standard & Poor’s gère la composition du S&P/TSX, il n’est peut-être pas approprié d’utiliser l’indice comme référence pour nos investissements, juge-t-il.
C’est également l’avis de Peter Hodson, directeur général de 5i Research, une firme de recherche en investissement. «Pour les investisseurs individuels, ce n’est peut-être pas la bonne mesure de référence à utiliser», écrivait-il dans un article du Financial Post (http://tinyurl.com/j7tjo2y).
Peter Hodson évoque diverses raisons pour cela, dont sa trop grande concentration dans trois secteurs (finance, énergie, denrées), la présence de plusieurs mauvaises sociétés et, à l’inverse, l’absence de nombreuses sociétés de qualité.
Besoin d’une référence
D’autres observateurs ne s’inquiètent pas outre mesure des imperfections apparentes des indices de la Bourse canadienne.
«Un indice parfait n’existe pas, on est toujours dans l’imperfection», affirme Aymen Karoui, professeur de finance à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM).
«Pour moi, le fait que la représentation des titres et secteurs au sein des indices change et se rééquilibre n’est pas dramatique. Ceux-ci donnent simplement un instantané sur la situation de l’économie à un moment», explique-t-il.
Pas de problème non plus pour Yanick Pagé, premier vice-président et gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale : «L’indice est peut-être imparfait, mais il faut un indice de référence. Sinon, comment fait-on pour évaluer son gestionnaire de portefeuille ?»
Aux nostalgiques du «bon vieux TSE 300», Yanick Pagé rappelle qu’au début des années 2000, le titre de Nortel en était venu à représenter plus de 30 % de la valeur totale de l’indice. «Peut-on dire que le TSE 300 était représentatif ?» demande-t-il.
Aujourd’hui, une telle aberration ne pourrait pas se produire, car au sein des nouveaux indices de la Bourse de Toronto, un titre comme celui de Nortel «serait plafonné à 10 % de l’ensemble», note-t-il.
Prétendre que l’indice composé S&P/TSX composite est géré comme un «closet mutual fund» est tout à fait faux, juge David Blitzer, directeur général et président du comité des indices chez Indices S&P Dow Jones, à New York. Il souligne que les deux indices phares de Toronto sont gérés rigoureusement à partir de règles affichées (voir l’encadré).
David Blitzer retourne plutôt l’accusation et dénonce les nombreux fonds communs qui, en collant de près à l’indice sans l’indiquer, se présentent plutôt «comme des fonds indiciels qui ne disent pas leur nom» (closet index funds).