Dans le milieu boursier, certains reprochent à la NHV certaines pratiques jugées nocives, comme l’émission d’ordres trompeurs et le bourrage d’ordres, des activités qui peuvent être jugées manipulatrices. Le bourrage d’ordres consiste à envoyer un nombre excessif d’ordres sur un titre, puis de les annuler immédiatement, dans le but d’inonder les systèmes de négociation et de créer des possibilités à son avantage.

En 2011, les courtiers à haute vitesse représentaient 11 % des participants sur les différentes Bourses canadiennes, mais comptaient pour 32 % des valeurs échangées, 42 % des opérations et 94 % des ordres.

Des investisseurs institutionnels se plaignent aussi de la «fausse liquidité» et accusent les courtiers à haute vitesse d’augmenter leurs coûts de transaction.

Les teneurs de marché traditionnels considèrent aussi que leur rôle est menacé par les courtiers à haute vitesse, qui se placent des deux côtés d’une transaction pour empocher le spread. À ces inquiétudes s’ajoute celle de la capacité des systèmes informatiques à soutenir ces activités à haute vitesse.

Aucune preuve

L’OCRCVM conclut pourtant que ces craintes sont plus ou moins fondées. Les courtiers à haute vitesse aideraient plutôt à rendre les marchés plus efficaces, en fournissant «généralement» plus de liquidité et en jouant «un rôle capital dans la formation des cours».

Par ailleurs, l’organisme n’a trouvé «presque aucune preuve» que les courtiers à haute vitesse profitent des investisseurs plus lents en effectuant avant eux des opérations, à leur détriment.

Jonathan Brogaard, professeur adjoint à la Foster School of Business de l’Université de Washington, a participé à l’étude de l’OCRCVM et est de ceux qui croient que la NHV peut avoir des effets positifs.

Avec ses collègues, il a établi que les courtiers à haute vitesse permettaient une formation plus efficace des cours (http://tinyurl.com/zwsqbnr). «La NHV aide à mieux fixer les prix. Cela permet une meilleure allocation du capital», affirme-t-il en entrevue.

Un autre collaborateur de l’étude de l’OCRCVM doute lui aussi de la pertinence d’imposer de nouvelles mesures réglementaires. «Je pense qu’il est un peu tôt pour juger à ce moment-ci. C’est difficile de penser en termes de réglementation parce qu’on ne sait jamais quelles seront les conséquences», dit Dermot Murphy, professeur adjoint de finance à l’Université de l’Illinois, à Chicago.

Le marché trouve ses solutions

Même Joe Schmitt, président et chef de la direction d’Aequitas Innovations, est plutôt d’accord avec les conclusions de l’OCRCVM.

En 2015, Aequitas a créé une nouvelle Bourse, la Neo Bourse Aequitas, qui utilise différentes techniques pour ralentir les transactions et impose des frais pour décourager certaines stratégies du courtage à haute vitesse jugées «prédatrices».

Selon Joe Schmitt, «les marchés ont apporté des solutions. C’est une meilleure approche que d’y aller avec encore plus de réglementation. Le marché est déjà trop réglementé.»

Les solutions de marché sont plus flexibles et risquent moins d’avoir des conséquences inattendues, juge-t-il. «La réglementation est normalement une mesure qui dépasse l’objectif. C’est très difficile d’arriver avec des mesures ciblées et pointues», explique-t-il à Finance et Investissement.

Il croit que de toute manière, la réglementation serait trop lente à s’adapter. «L’étude de l’OCRCVM a demandé quelques années. Ça ne prend que 24 heures à un courtier à haute vitesse pour changer de stratégie» illustre-t-il.

Joe Schmitt ne prétend pas que la NHV est sans reproche. «C’est une évolution logique découlant du développement des marchés électroniques. Je crois néanmoins qu’un certain nombre de stratégies utilisées par les NHV sont nocives à la qualité d’exécution et aux investisseurs à long terme.

«Ces stratégies sont prédatrices par nature, et nous avons compris comment les contrer. C’est maintenant à l’investisseur de décider sur quelle Bourse il voudra négocier», ajoute-t-il.

L’OCRCVM veille au grain

Par ailleurs, certains jugent qu’on manque encore de renseignements pour envisager de réglementer efficacement la NHV. «On ne sait pas vraiment ce qu’on doit réguler : les sociétés, les stratégies, les activés ?» souligne Katya Malinova, professeure agrégée en économie à l’Université de Toronto et collaboratrice de l’étude.

Dans le milieu universitaire, l’étude de l’OCRCVM est une première mondiale. Grâce aux données recueillies par l’organisme, les chercheurs ont eu accès pour la première fois à des données de négociation standardisées sur tous les marchés canadiens.

«C’est vraiment unique, affirme Katya Malinova. C’est la première fois qu’on a accès aux données de toutes les Bourses d’un pays, avec autant de précision.»

La professeure souhaiterait d’ailleurs que l’étude se fasse en continu afin de surveiller les changements sur les marchés.

En fait, l’OCRCVM dit surveiller les marchés en temps réel. «Nous avons un programme de surveillance très sophistiqué pour repérer différentes manières de négocier. Si nous détections des pratiques qui risquent de créer des conditions inéquitables sur les marchés, nous agirions», assure Victoria Pinnington, première vice-présidente à la réglementation des marchés de l’OCRCVM.

Au Canada, aucun courtier à haute vitesse n’a encore été pris en faute, selon ses informations.