Le portrait n’est cependant pas sans tache. Même si le taux de rendement des capitaux propres des banques canadiennes est le plus le plus élevé des pays comparés par le Conference Board (22,5 %, par rapport à 3 % aux États-Unis), le Canada se classe moins bien sur d’autres plans.
À la fin de 2014, les banques canadiennes disposaient de réserves de capitaux propres – calculées sur des actifs pondérés en fonction du risque – légèrement en deçà de 12 %. C’est plus que l’Australie (environ 11 %), mais moins que les États-Unis (13 %). L’Allemagne et la Suisse mènent, avec des réserves de quelque 15 %, selon le Conference Board.
Quant au ratio de couverture des banques canadiennes – qui mesure la liquidité par rapport à des obligations hypothétiques sur un mois -, il était de 50,5 % en 2014. L’accord international de Bâle impose un minimum de 60 % pour 2015 et exigera un ratio de 100 % en 2019.
Le Canada se classe mieux que l’Australie (environ 40 %), mais moins bien que l’Allemagne (plus de 140 %) et les États-Unis (environ 90 %).
Par contre, le Canada aurait un des plus bas taux de prêts non performants (0,5 %) dans le monde, selon l’étude.
Modèle de stabilité
Le Canada continue de prouver la supériorité de son système, selon Stephen Haber, professeur de sciences politiques à l’Université Stanford, en Californie, et coauteur de «Fragile by Design» une étude comparative des systèmes bancaires dans le monde.
«À long terme, dans le monde, trois systèmes bancaires sortent du lot parce qu’ils fournissent des niveaux élevés de crédit et de stabilité : ceux du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Les autres ne sont pas de taille, et ce rapport vient appuyer cette conclusion», affirme-t-il en entrevue à Finance et Investissement.
Pour Stephen Haber, l’avantage canadien repose essentiellement sur la révision périodique (tous les cinq ans) de la Loi sur les banques par le Parlement. «Cela permet aux représentants de la population de revoir ce que les banques font. Les banques le savent et agissent en conséquence.»
Michael Burt, directeur du Groupe des tendances économiques sectorielles au Conference Board et auteur de l’étude, juge que le secteur financier canadien est une «success story». «Les banques canadiennes ont profité des occasions créées par la crise [de 2008] pour implanter leur modèle d’entreprise à l’extérieur du Canada», dit-il en entrevue.
Des bémols
Andrew Smith, conférencier à l’Université de Liverpool et spécialiste de l’histoire des systèmes bancaires canadien et américain, nuance toutefois le message de réussite transmis par l’étude du Conference Board. «Il n’est pas sûr que l’expansion des entreprises financières se traduise toujours par une augmentation de la prospérité», prévient-il.
Selon le Conference Board, le secteur financier canadien a généré 9,6 % des revenus du secteur privé au pays en 2014, mais a enregistré plus de 26 % du bénéfice net.
Andrew Smith souligne cependant que le rapport fait état d’un manque de productivité du secteur financier en général (0,5 % entre 2007 et 2014, par rapport à 1 % dans les autres secteurs).
L’expert s’interroge aussi sur l’évaluation de l’effort réalisé par le secteur bancaire en matière d’innovation.
Le rapport utilise une enquête de Statistique Canada pour évaluer l’innovation au Canada, mais cette étude repose sur une évaluation subjective des entreprises elles-mêmes.
Près de trois quarts des entreprises du secteur financier ont affirmé avoir mis en place une innovation durant l’année, par rapport à une moyenne de 63,5 % pour l’ensemble des secteurs. Les innovations les plus communes touchent les domaines de l’organisation et du marketing.
Selon Andrew Smith, il serait plus intéressant de savoir si le Canada est un exportateur de nouvelles technologies financières. «Une banque canadienne a-t-elle créé une technologie qu’elle a brevetée et vendue à une banque étrangère ?» demande-t-il.
L’expert souligne l’importance croissante de ces technologies qui concurrencent les banques traditionnelles, notamment grâce à de nouveaux systèmes de paiement.
«Il n’y a dans ce rapport aucune mention de la possibilité qu’une vague d’innovations vienne faire aux banques ce qu’Uber a fait à l’industrie du taxi et ce que Netflix a fait à Blockbuster [le géant de la location de vidéos]. Je trouve consternant qu’on ne discute pas de ces sujets», conclut Andrew Smith.