Certaines firmes vont même jusqu’à poser des questions sur l’état de santé du client. «Lorsque la santé est précaire, l’horizon de placement ne sera pas le même. Il pourrait également influer sur le degré de tolérance au risque», dit Sylvain B. Tremblay, planificateur financier et vice-président, gestion privée, chez Optimum Gestion de Placements.
D’autres outils permettent d’en savoir plus sur le client. «On peut établir par écrit un inventaire de sa situation financière et budgétaire. Cela dit, on doit bien comprendre les motivations du client afin de l’aider à mieux se connaître», souligne le chef de la conformité chez Mérici Services financiers, l’avocat Maxime Gauthier.
Évaluer l’expérience de placement
«Il faut poser des questions ouvertes au client afin de susciter une discussion qui nous permettra d’évaluer son expérience des placements. Par exemple, quelles ont été les stratégies d’investissement suivies dans le passé ? On essaie ainsi de comprendre sa définition du risque, qui ne sera pas la même pour chacun», explique Marie-Josée Turcotte, gestionnaire de portefeuille associée chez BMO Nesbitt Burns.
«On voudra déterminer si le plus grand risque pour le client est la fluctuation du rendement à la baisse de son portefeuille, ou encore, celui de ne pas atteindre ses objectifs de retraite parce que l’argent ne fructifie pas assez pour pallier l’inflation, l’impôt, etc.», précise Marie-Josée Turcotte.
Un épargnant qui a accumulé un actif de plusieurs millions, mais qui ne dépense que quelques milliers de dollars par an, ressent possiblement de l’insécurité. «Même si c’est fiscalement idéal, on ne pourra pas lui proposer un portefeuille composé à 100 % en actions. Il faut tenir compte de l’aspect psychologique», dit Sylvain B. Tremblay.
Éduquer le client
La capacité à subir une perte est donc une notion bien différente de l’aversion au risque elle-même. Lorsque le client ne comprend pas bien les conséquences d’un profil trop prudent ou trop agressif, le conseiller doit jouer un rôle de guide et d’éducateur.
«Il pourra démystifier certaines notions financières telles que l’érosion du pouvoir d’achat. Mais en fin de compte, c’est le client qui déterminera sa définition du risque et sa capacité de le subir», rappelle Marie-Josée Turcotte.
«Le conseiller a aussi la responsabilité d’expliquer aux clients les risques inhérents à chacune des catégories d’actif», dit-elle. Dans la catégorie des placements à revenu fixe, le conseiller pourrait ainsi expliquer les effets de la fluctuation des taux d’intérêt sur une obligation à long terme, ou encore l’impact d’une détérioration du crédit d’un secteur ou d’une entreprise.
Certains clients exprimeront leur désir de s’exposer à un plus grand risque, parce que le marché des actions a baissé, par exemple. «Je leur demande alors s’ils comprennent comment on évalue le prix d’une action ou ce que signifie le ratio cours/valeur comptable», illustre Sylvain B. Tremblay.
Parfois, le client pensera que le prix des actions s’évalue en prix absolu, l’une par rapport à l’autre… «On ne peut présumer de rien, et la fortune d’une personne ne signifie pas qu’elle a un niveau élevé de connaissances financières», ajoute-t-il.
En raison de la complexité croissante des produits financiers, le conseiller ne doit pas non plus supposer que ses clients comprendront tout le menu détail. «C’est aussi une question de communication et de confiance à l’égard de son conseiller», croit Sylvain B. Tremblay.
Tenir compte du contexte boursier
Par ailleurs, la bonne tenue des marchés boursiers au cours des dernières années a changé la perception de la tolérance au risque de la clientèle, selon Marie-Josée Turcotte.
Les gens se sont habitués à l’idée d’une faible volatilité. Résultat : «La volatilité du mois d’août dernier a suscité des questions de la part de la clientèle, et c’était alors important de revenir au mandat initial du portefeuille. Il fallait rappeler aux clients que ces fluctuations du marché boursier n’étaient pas anormales. C’était également l’occasion de réévaluer leur tolérance au risque», explique-t-elle.
Chaque firme a son propre modèle de gestion des risques. Chez Mérici, on considère le portefeuille dans son ensemble. «On a une marge de manoeuvre qui permet de tenir compte des conditions des marchés et du moment dans le cycle économique. Dans le contexte actuel, un profil équilibré dont la partie obligataire contient des titres avec une longue duration sera jugé plus risqué», précise Maxime Gauthier.
BMO Nesbitt Burns a récemment mis à jour son document d’ouverture de compte qui spécifie maintenant le pourcentage de risque pris par le client. «Dans le cas d’un profil équilibré, 5 % de l’actif sera sans risque (liquidités), 35 % sera d’un risque faible à moyen (obligations), et les 60 % restants seront investis dans des instruments un peu plus risqués (actions)», précise Marie-Josée Turcotte.
«Mais il n’y a pas un questionnaire qui puisse remplacer une conversation avec des exemples concrets. On s’assure ainsi de limiter les mauvaises interprétations de ces questionnaires d’évaluation», ajoute-t-elle.
Assurer un suivi
Par ailleurs, le conseiller doit documenter sa relation afin de se protéger lui-même et de protéger son client. Une bonne façon de le faire sera de prendre des notes pendant les discussions et les rencontres avec les clients. Il ne faut pas oublier aussi de sauvegarder ses échanges de courriels.
«Un peu comme le fait un médecin, nous notons toutes les conversations avec les clients grâce à un logiciel. En cas de mésentente entre le conseiller et le client, on aura accès à toute l’information», explique Sylvain B. Tremblay.
Chez Mérici, un nouveau questionnaire de profil est soumis au client au moins tous les cinq ans ou dès qu’un événement clé survient dans sa vie. Il peut s’agir de la naissance d’un enfant, d’un mariage, d’une séparation, d’une perte d’emploi, d’un décès, etc.
En gestion privée, on se déplace souvent chez les clients. «Cela nous permet de faire une mise à jour de leur situation, mais aussi de voir comment ils sont installés, de poser des questions afin de déterminer leur train de vie, leurs loisirs et leurs passions», dit Sylvain B. Tremblay.