«Les bulles qui n’éclatent pas sont aussi importantes que celles qui éclatent», écrit-il.
Dans ses recherches, William Goetzmann teste deux définitions d’une bulle boursière, soit une croissance de 100 % d’un indice en un an ou en trois ans. Le krach, qui devrait suivre la bulle, doit atteindre 50 % dans l’année qui suit un boom.
Boom n’égale pas krach
L’échantillon de l’auteur comporte 72 cas où un indice a doublé (ou plus) en une seule année. Seulement trois ont été suivis par une chute de 50 %, tandis que, dans six cas, l’indice a doublé de nouveau l’année suivante.
Pour élargir la démonstration, William Goetzmann a inclus des bulles qui auraient pu se dégonfler (- 50 %) sur une période de cinq ans. Encore là, sur l’ensemble de ces montées annuelles de 100 % et plus, 15 % se sont dégonflées dans les cinq années suivantes, tandis que 27 % se sont poursuivies jusqu’à un autre doublement de valeur.
Pour un boom qui dure trois ans, les possibilités que l’indice recule de moitié dans l’année suivante sont seulement de 5 %. La possibilité d’un tel recul dans les cinq années suivantes est, quant à elle, de 10 %. Mais les possibilités que l’indice redouble l’année suivante sont de 4 % et, dans les cinq années suivantes, de 22 %. «Un boom rapide n’appelle donc pas nécessairement un krach», conclut William Goetzmann.
En entrevue, l’auteur dit que les bulles prennent peut-être trop de place dans l’imaginaire des investisseurs. «Chaque fois qu’une crise arrive, la presse nous ressort des histoires de bulles et de krach qui ont jalonné l’Histoire. Je crois que ça mène les investisseurs à croire que les bulles sont plus répandues qu’elles ne le sont en réalité», juge-t-il.
«Il est dangereux pour l’investisseur à long terme de mal comprendre la fréquence des krachs et de tenter d’éviter une bulle, parce qu’il renonce ainsi à la prime au risque», affirme William Goetzmann.
Raymond Kerzérho, directeur de la recherche chez PWL Capital, abonde dans le même sens.
«Les bulles sont faciles à prédire une fois qu’elles ont éclaté, dit-il en entrevue. En ce sens, l’obsession généralisée de certains à propos des bulles cause plus de mal que de bien, car elle mène à l’immobilisme. Obtenir des rendements plus élevés requiert d’accepter un certain degré de risque. C’est cette attitude que maîtrisent les investisseurs qui réussissent.»
Qu’est-ce qu’une bulle ?
Pour sa part, Olivier Mesly, professeur au département d’administration de l’Université du Québec en Outaouais et à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, n’est pas à l’aise avec la définition utilisée par William Goetzmann.
Il ne croit pas qu’une bulle puisse prendre cinq ans à se dégonfler. «Évidemment, tous les experts auront leur propre opinion, mais, habituellement, c’est en une année qu’une bulle devrait se dégonfler. C’est comme une aiguille sur un ballon, il éclate», illustre-t-il.
Olivier Mesly concourt par ailleurs aux conclusions de l’étude. «Il ne fait aucun doute qu’il y a une croissance des « élans boursiers », mais il faut bien différencier l’envolée et la bulle spéculative», prévient-il.
Il considère néanmoins qu’il est constructif de tenter de détecter les bulles, celles qui éclatent, puisqu’elles se construisent, croit-il, «sur la base d’un acte de prédation économique».
Selon Olivier Mesly, une bulle est souvent liée à un certain «laissez-faire» ou à un relâchement de la règlementation. «On ne crie pas toujours au loup. On a parfois raison de sonner l’alarme», juge-t-il.
Crever ou ne pas crever
Le laissez-faire reste la meilleure avenue, selon William Goetzmann, du moins quand vient le moment, pour les régulateurs, de crever ou non une bulle.
En effet, depuis longtemps, les banques centrales s’interrogent sur l’opportunité de tenter de dégonfler une bulle. Il semble que la non-intervention, qui est la politique plus ou moins officielle des autorités, soit la bonne avenue.
«Des actions de la part des régulateurs pourraient être malavisées, dit William Goetzmann. Les possibilités de krach ne sont après tout pas si grandes.»