Quelle sera leur réaction lorsqu’ils recevront un relevé – pour bon nombre dès 2017 – qui précise au dollar près la rémunération du courtier, comme le prévoit la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) ?
Ils se demanderont certainement si les services rendus par leur conseiller valent le montant figurant sur le relevé, remarque Michel Mailloux, président de Déontologie.ca.
«Un client détenant un portefeuille de 100 000 $ qui devra payer des frais de 2 000 $, mais qui aura rencontré son conseiller seulement une demi-heure au cours de la dernière année, va peut-être lui demander si, pour 2 000 $, il ne pourrait pas étirer la rencontre à une heure», dit-il sur un ton humoristique.
«Ce sont les investisseurs les mieux nantis qui réagiront le plus», prévoit Michel Mailloux. Par ailleurs, ajoute-t-il, dans le cas où un conseiller aura adopté une rémunération à honoraires, «ce sont les petits détenteurs de comptes qui risquent de souffrir davantage».
En effet, explique-t-il, le travail d’un conseiller est le même, qu’il s’agisse d’un actif de 5 000 $ ou de 500 000 $. Des frais intégrés de 2 % équivalent à 100 $ dans le premier cas, et à 10 000 $ dans le second. Avec des frais directs, un conseiller se contentera-t-il d’un honoraire de 100 $ ?
Fait à noter, 48 % des répondants disent qu’ils seraient peu susceptibles de poursuivre leur relation avec le conseiller s’il demandait des frais directs plus élevés que les frais actuellement intégrés aux FCP. La moitié des épargnants disent qu’ils seraient plutôt (32 %) ou très susceptibles (12 %) de la poursuivre.
Un contexte difficile
Difficile de prédire la réaction des investisseurs à la divulgation des frais. Rudy Luukko, rédacteur chez Morningstar Canada, rappelle que la recherche a montré que la majorité des épargnants préfèrent être conseillés.
Mais attention, prévient-il : les nouvelles règles de MRCC 2 entrent en vigueur dans un contexte de faibles rendements sur les marchés financiers et d’une pression croissante sur les frais. Et si les marchés chutent peu de temps avant que les épargnants reçoivent leur premier relevé de type MRCC 2, ces derniers pourraient critiquer vertement les frais qu’on leur demande.
Selon Rudy Luukko, la question essentielle n’est pas de savoir si les clients, confrontés à des frais qu’ils jugent trop élevés, choisiront de renoncer au conseil. Il faut plutôt se demander s’ils iront vers des conseillers qui proposent des frais moins élevés ou un service supérieur, ou vers d’autres types de services, comme les sites de conseillers-robots et la nouvelle plateforme de négociation de fonds communs à coûts réduits Aequitas PTF Connect.
D’autres changements ?
Par ailleurs, le sujet de la divulgation des frais tend à masquer une autre préoccupation, avance Rudy Luukko : «Une inquiétude très persistante chez les conseillers canadiens concerne la suite de MRCC 2 : les organismes de réglementation vont-ils abolir les commissions de suivi ou les restreindre sévèrement ?»
Depuis la publication d’une étude des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) en 2012, la question a été reprise dans de nombreux rapports et colloques, et «contamine» l’air. «Il est difficile de croire qu’on n’assistera pas à d’autres changements au chapitre des frais intégrés», soutient Rudy Luukko. Les ACVM entendent communiquer des orientations sur les frais des fonds communs d’ici le 1er juillet 2016.
L’anticipation de tels développements pousse de nombreux conseillers à songer à adopter un modèle de rémunération à honoraires. Toutefois, encore peu ont fait le saut. Seulement 16 % des répondants au sondage disent payer des frais directs pour les services touchant leurs placements dans des fonds communs.
Avis partagés chez les clients
Par ailleurs, on peut se demander si les frais directs qu’un conseiller adopterait seraient effectivement plus élevés que les frais intégrés des fonds communs. La perception courante veut «qu’un honoraire soit moins élevé que des frais intégrés», souligne Michel Mailloux.
Aux États-Unis, où les frais de gestion sont dégroupés plutôt qu’intégrés, «les frais de conseil sont plus élevés», souligne Jon Cockerline, directeur de la recherche à l’IFIC. «Et la différence est passablement remarquable, ajoute-t-il : les frais directs s’établissent entre 1 % et 1,5 % aux États-Unis.»
Il en résulte que chez nos voisins du Sud, le ratio des frais généraux (qui inclut les frais de gestion et les frais de distribution, dont les frais de conseil) s’établit entre 1,9 % et 2,4 %. Au Canada, il est de 2 %.
Pour leur part, les détenteurs de parts de FCP demeurent plutôt partagés quant à la façon dont ils aimeraient que leur conseiller soit rémunéré.
La moitié des répondants (51 %) préféreraient que leur conseiller soit payé à même les frais du fonds, ce qui réduit leur taux de rendement, alors que deux répondants sur cinq (37 %) aimeraient mieux payer des frais directement à leur conseiller pour ses services. Les autres répondants (12 %) n’ont pas de préférence.
L’étude de l’IFIC est basée sur 1 008 entrevues téléphoniques réalisées du 20 juillet au 10 août 2015 auprès de détenteurs de FCP. La marge d’erreur est d’environ 3,1 %.