C’est ce que se demandent certains intervenants de l’industrie, à commencer par les conseillers eux-mêmes. Certains déplorent la multiplication de ce genre de cours qui permettent d’accumuler des UFC sans lien direct avec les exigences de plus en plus élevées du métier. On craint entre autres que les obligations en matière de formation continue ne poussent les représentants à magasiner leur formation en fonction de la quantité d’UFC qu’ils procurent plutôt qu’en fonction de la qualité et de la pertinence des formations.
«C’est devenu une véritable industrie, commente Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF). Plusieurs offrent de bonnes formations, mais d’autres se servent de l’accréditation UFC pour faire le marketing de leurs produits ou services», déplore-t-il.
Dans un mémoire déposé dans le cadre de la révision de la LDPSF, l’APCSF recommande la dissolution de la Chambre de la sécurité financière (CSF), l’une des instances chargées d’accréditer les formateurs et de comptabiliser les UFC des représentants, pour la remplacer par un ordre professionnel qui serait responsable de la gestion de la formation des représentants.
«Le problème est qu’il n’y a aucune structure et aucun suivi sur la qualité des cours offerts», dit Flavio Vani.
Avec le ministère de l’Éducation du Québec, l’éventuel ordre professionnel récupérerait le droit d’accréditer des formations en services financiers au niveau collégial, universitaire et dans des institutions privées. L’APCSF croit que tous les conseillers devraient recevoir la même formation de base. La formation continue devrait ensuite être arrimée aux tendances de l’industrie.
«Regardez les avocats ! Dès qu’il y a un changement dans la loi, le Barreau les oblige à suivre un cours pour se mettre à jour. Ça devrait être pareil pour les services financiers. Quand les règles de conformité ou de fiscalité changent, la formation devrait être obligatoire pour tous, et non au choix», dit Flavio Vani.
Magasinage de dernière minute
La formation continue pour les représentants est obligatoire pour maintenir un droit d’exercice délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Qu’ils vendent de l’assurance, de la planification financière, des produits d’épargne ou des plans de bourses d’études, les représentants doivent suivre des activités de formation reconnues auprès de la Chambre de la sécurité financière, de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) ou de la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) dont ils sont membres.
Ces activités permettent au représentant d’accumuler des unités de formation continue qui sont comptabilisées dans son dossier UFC. La règle est simple. Pour chaque période de deux ans prenant fin le 1er décembre, le représentant doit prouver qu’il a suivi 10 UFC en matière de conformité, 10 UFC générales et 10 UFC spécifiques à chacune des disciplines pour lesquelles il est autorisé à exercer. «Quand on détient plusieurs permis, ça commence à faire beaucoup d’UFC à accumuler», constate le président de l’APCSF.
Au 16 septembre 2015, moins du tiers (31 %) des membres avaient obtenu les UFC obligatoires pour le maintien de leur permis, selon un mémoire déposé par le Mouvement Desjardins dans le cadre de la révision de la LDPSF.
«Ce modèle fait en sorte que des représentants magasinent de la formation en fonction du nombre d’UFC, de leur catégorie et du lieu de diffusion, laissant trop souvent en plan la pertinence du sujet, pour satisfaire les exigences quantitatives du régime», peut-on lire dans le mémoire de Desjardins, qui dénonce cette «course aux UFC».
Desjardins souhaiterait que les courtiers aient leur mot à dire dans le choix de formation de leurs représentants, afin de s’assurer de leur conformité. Actuellement, les courtiers n’ont pas accès à l’état des UFC cumulées par leurs représentants, car la CSF et la ChAD n’ont pas à les divulguer.
Même constat au CDPSF
«Je ne commenterai pas spécifiquement le cas de la formation continue proposée par la CSF. Cependant, de manière générale, je dois dire que l’offre de formation tarde souvent à s’adapter aux défis modernes de notre industrie», dit de son côté Mario Grégoire, président du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF).
S’il partage l’opinion de l’APCSF quant à l’importance de mieux arrimer la formation aux besoins concrets de l’industrie, il ne prône pas les mêmes moyens pour y parvenir. Il croit que le CDPSF devrait jouer un rôle accru en la matière.
«Historiquement, le Conseil a toujours été bien placé pour prendre le pouls des besoins et des enjeux propres aux conseillers en matière de formation continue. À cet égard, l’enracinement régional que nous procurent nos 20 délégations régionales est un atout considérable. Cette antenne du CDPSF nous permet de voir venir les tendances», dit-il.
Jointe par Finance et Investissement, la CSF a précisé par courriel qu’au 18 décembre 2015 (les membres ont jusqu’au 5 janvier 2016 pour saisir leurs attestations de présence), 94,5 % des membres étaient conformes, toutes matières confondues, pour la période de référence 2013-2015 qui s’est terminée le 30 novembre dernier.
Quant au cours obligatoire en conformité de la CSF, qui était offert pour la première fois, plus de 97 % des membres l’ont suivi. Selon la Chambre, «les données sur les activités de formation suivies par les membres démontrent que ces derniers choisissent leurs formations en fonction de la pertinence du sujet et afin d’être bien soutenus dans leur pratique».