Différents transferts, différents impacts
Au dernier congrès de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), l’Agence du revenu du Canada (ARC) a confirmé qu’aucune imposition ne résulterait de la disposition d’une police contre les maladies graves au profit d’une autre personne. On parle ici du cédant, celui qui cède la police.
Cet avis de l’ARC est particulièrement important lorsqu’un actionnaire veut transférer sa police au profit de sa société par actions. Comme dans le cas d’une assurance vie, l’actionnaire pourra sortir de sa société un montant équivalant à la juste valeur marchande (JVM) de sa police. À la différence d’une assurance vie, toutefois, l’actionnaire n’aura certainement aucun impôt à payer.
Le problème est l’évaluation de la JVM de ce type de contrat. En effet, les résultats peuvent être extrêmement sensibles aux hypothèses utilisées. Comme aucune norme n’existe pour faire une telle évaluation, les actuaires peuvent arriver à des résultats très différents. Cela implique aussi que les autorités ont plus de latitude pour contester la valeur d’une police.
Dans le cas d’un transfert d’un actionnaire à sa société, il existe donc un risque que les autorités attribuent une valeur inférieure à la police, privant ainsi la société d’une sortie de fonds libre d’impôt à l’actionnaire. Dans le pire des cas, la valeur attribuée pourrait être nulle. Décevant, mais pas catastrophique.
Dans le cas du transfert d’une police d’une société au profit de son actionnaire, les conséquences pourraient cependant être tout autres. En effet, même si l’ARC nous assure maintenant qu’aucune imposition pour la société par actions ne résultera de la transaction, le principe général voulant qu’on ne puisse appauvrir une société sans payer d’impôt s’applique.
La JVM devra alors constituer un dividende en nature à l’actionnaire cessionnaire de la police. Sinon, un avantage conféré à l’actionnaire en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) s’appliquera. Un tel revenu est imposé comme un revenu régulier. Si la police a une valeur élevée, ou si les autorités la considèrent comme telle, un montant d’impôt considérable pourrait devoir être payé par l’actionnaire lors de cette transaction.
Donc, on suivra le même conseil que dans le cas d’une assurance vie, soit de ne pas transférer une police maladies graves au profit d’une société s’il existe une probabilité que la police doive en sortir un jour, par exemple lors d’une vente de ses actions à un tiers.
Oppositions quant au remboursement de primes
Il est intéressant de constater à quel point les points de vue divergent quant à la nécessité d’ajouter ou non une clause de remboursement de primes à la couverture de base, autrement dit, la garantie de remboursement de primes (GRP). L’accès à cette option coûte souvent le double de la prime de base.
Dans le coin bleu : les anti-remboursement (AR). Les tenants de cette position affirment qu’il est simplement préférable de ne souscrire que la police de base et d’investir les sommes épargnées – par rapport à la prime requise avec un remboursement de primes – dans un compte quelconque. Ainsi, le client serait plus riche que s’il utilisait l’autre option.
La question des besoins est également soulevée par les AR. Pourquoi faire payer un client plus cher pour couvrir un besoin qui n’«existe pas» ? En fait, le titulaire prend une «deuxième» assurance au cas où il ne réclame pas, afin de générer un remboursement des primes qu’il a payées.
Dans le coin rouge : les pro-remboursement (PR).
Pour les PR, il est rentable de payer plus cher, afin d’avoir la possibilité que la police ne coûte rien du tout… ou même, qu’elle rapporte. Comment est-ce possible de générer un rendement positif alors que les primes sont simplement remboursées (sans intérêt) ?
Ça l’est dans le cas d’une copropriété entre un actionnaire et une société. La société paie la prime afférente au risque de réclamation, et l’actionnaire paie l’excédent, soit la prime afférente à la GRP.
Lorsque les primes sont remboursées, elles le sont entre les mains de l’actionnaire seulement, y compris les primes payées par la société. Cela résulte en une sortie de fonds de la société libre d’impôt, grâce à la garantie souscrite.
Justement, parlant de cette garantie, le contrat doit être bien libellé et faire état d’une «prestation» en cas de bonne santé, et non d’un simple remboursement de primes, auquel cas, les autorités fiscales pourraient considérer les primes remboursées provenant de la société comme un revenu imposable. À ma connaissance, très peu d’assureurs ont un contrat correctement rédigé sur ce plan.
Certaines illustrations de conseillers «cherchant la vérité» font état à l’occasion d’un faible rendement à l’utilisation de cette stratégie. Ils sont des «PR mous» en ce sens… et ils s’interrogent encore.
Dans le centre du ring : le compromis
Je ne crois pas aveuglément en une stratégie ou l’autre. J’aime m’appuyer sur des chiffres. Non seulement des chiffres, mais des chiffres dans un contexte global. Cela implique que je préfère illustrer des concepts à l’intérieur des scénarios de flux monétaires totaux du client plutôt que des concepts isolés.
Une chose est certaine : en l’absence d’une société, le rendement de la prime afférente à la GRP est nul. Voilà un fait. Dans ce contexte, on peut difficilement justifier un GRP plutôt qu’une prime plus basse et un investissement de la différence.
Dans le cas de primes partagées entre un actionnaire et sa société, en comparant deux scénarios, l’un illustrant une police avec GRP et l’autre sans aucune police, on peut voir dans quelle mesure la GRP est rentable, de combien le client s’enrichit ou non avec l’ensemble des autres hypothèses utilisées. Une fois de plus, il s’agit de cas par cas, cependant, la GRP dégage souvent un certain niveau de rentabilité, plus élevé qu’une portion «revenu fixe» d’un portefeuille de placement standard.
Il reste un point, soulevé par les AR : s’il y a une réclamation, le client aura payé deux fois trop cher pour sa protection et il aura perdu sa GRP. C’est vrai. Toutefois, quel est le problème, dans la mesure où il est au courant ? Pourquoi ne pas présenter au client les probabilités qu’il soit l’objet d’un diagnostic de maladie grave avant le remboursement de la prime ?
De cette façon, le client saura que s’il réclame (X % des chances), il aura fait un mauvais choix. Par contre, s’il ne réclame pas, il se sera enrichi d’un montant Y. À lui de choisir de façon éclairée ! (Lire le texte en page 15.)