La CSF invoque elle aussi le cas Norbourg. «L’affaire Norbourg a démontré que les activités des gestionnaires de fonds d’investissement ne comportent pas nécessairement moins de risques que celles des courtiers en épargne collective. Ces gestionnaires étant un maillon important du processus de placement collectif, la CSF estime que par souci d’équité et pour une meilleure protection des épargnants, ils devraient eux aussi participer à un mécanisme d’indemnisation et être membres d’un OAR reconnu», peut-on lire dans le rapport du régulateur de proximité.

Rappelons qu’il y a 10 ans, ce qu’il est convenu d’appeler le «Scandale Norbourg» avait causé de fortes réactions dans le public, de nombreux investisseurs n’ayant pas été indemnisés puisque la faute avait été commise en partie par le gestionnaire de fonds, et non par le distributeur. Ce ne sont que 10 % environ des 9 200 investisseurs qui avaient alors reçu une indemnisation lors du règlement de cette fraude qui avait totalisé 130 M$.

Peu d’enthousiasme

À l’Autorité des marchés financiers (AMF), on est moins chaud à l’idée d’étendre la couverture aux gestionnaires de fonds. On fait remarquer que des mesures de renforcement de la réglementation ont été mises en place afin de baliser la pratique des gestionnaires de fonds. «Depuis 2009, les gestionnaires de fonds d’investissement sont tenus de s’inscrire auprès de l’Autorité. Cette nouvelle catégorie d’inscription vise à s’assurer que les gestionnaires de fonds respectent des normes de compétence, d’intégrité et de solvabilité», explique l’AMF dans son document d’orientation sur le FISF publié en septembre 2013 (http://bit.ly/1OBKrdi).

Coûts supplémentaires de 7,5 M$

L’AMF soutient également dans ce document que «Le gestionnaire de fonds est un « manufacturier » qui n’a pas de contact avec le public et n’agit pas comme conseiller auprès des consommateurs. Le Fonds d’indemnisation a pour mission d’indemniser les consommateurs floués dans le cadre de l’offre de produits, donc dans un contexte de distribution de produits et de services financiers, et non pas dans un contexte de « manufacture » de produits».

Le régulateur mentionne d’ailleurs que le fait d’étendre la juridiction du FISF aux 92 gestionnaires de fonds augmenterait les coûts annuels du Fonds de 7,5 M$. «Ce qui représente 81 500 $ par gestionnaire de fonds. L’augmentation des coûts risquerait d’être indirectement transférée aux consommateurs et d’avoir un effet négatif sur la rentabilité de leurs investissements», évalue l’AMF.

Le gendarme des marchés financiers précise de plus que les gestionnaires de fonds qui souhaitent vendre directement les parts de leurs fonds aux consommateurs doivent s’inscrire à titre de courtier et que ceux qui désirent donner des conseils doivent s’inscrire comme gestionnaire de portefeuille.

L’AMF compte sur des alliés. Ainsi, lors des consultations qu’elle a menées en 2012, Mérici Services Financiers se prononçait contre l’extension de la couverture offerte par le FISF aux gestionnaires de fonds.

Le cabinet craint que cela n’ait pour effet de hausser davantage les frais de gestion. «Dans le cas des gestionnaires de fonds, qui sont en majorité établis à Toronto et déjà soumis à certaines règles fiduciaires très strictes sans cumul de tâche possible comme dans l’affaire Norbourg, il est difficilement envisageable ou souhaitable qu’ils soient couverts par le FISF. Étendre la couverture aux gestionnaires de fonds risquerait d’engendrer une augmentation des frais de gestion sans pour autant répondre à un réel besoin de protection du consommateur», avançait le groupe de Sherbrooke dans son rapport déposé lors de ces consultations.

«Nous sommes d’avis que si l’AMF décidait malgré tout d’aller de l’avant avec la couverture des gestionnaires, elle devrait le faire à l’aide d’un fonds distinct du FISF, et la capitalisation de ce fonds devrait être assurée d’une autre manière», ajoutaient les porte-parole du groupe.

Pas de consensus dans l’industrie

La question ne fait toutefois pas l’unanimité dans l’industrie. Chez Mica Capital, on penchait plutôt du côté de ceux qui veulent étendre la couverture du Fonds. «Ainsi, le FISF devrait assurer une protection contre la fraude commise par les réseaux de distribution, les manufacturiers, les fiduciaires ainsi que les gestionnaires», mentionnait le rapport du cabinet.

Chez les défenseurs des épargnants, on se prononce également en faveur de l’inclusion des gestionnaires parmi les personnes ou les sociétés couvertes par le Fonds.

«La couverture du nouveau Fonds devrait être élargie à tous les inscrits à l’AMF, y compris les gestionnaires de fonds et les courtiers de placements. Ils sont tous distributeurs de produits et services financiers. Le consommateur, malgré les efforts de vérification qu’il peut faire, ne peut pas facilement s’y retrouver dans les produits qui lui sont offerts», clamait le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) dans son rapport présenté à l’AMF en 2012.

Une perception des choses qui se rapproche de celle de la Fondation pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada), qui abondait alors dans le sens du MEDAC.