Quel sera l’effet d’une hausse des taux d’intérêt sur les actions?
Les investisseurs qui connaissent en gros le concept de durée des obligations savent que la hausse des taux d’intérêt implique une baisse du prix des obligations. Toutes choses étant égale par ailleurs, les investisseurs peuvent raisonnablement s’attendre à une liquidation des obligations de qualité supérieure à durée plus longue lorsque la Banque du Canada augmente les taux d’intérêt.
Toutefois, les choses sont rarement, voire jamais, égales. Aussi, le marché obligataire ne réagit pas toujours à la hausse des taux d’intérêt de la même manière car elle se produit toujours dans des conjonctures différentes, ce qui peut faire toute la différence.
Donc, s’il est difficile de comprendre ce qui arrive aux obligations lorsque les taux d’intérêt augmentent, il est légitime de penser qu’il sera encore moins évident de comprendre ce qui se passe avec les actions lorsque les taux d’intérêt augmentent. Comme l’éditeur du bulletin Morningstar StockInvestor Matt Coffina l’a fait remarquer dans une entrevue en septembre, si tout se passe comme prévu, le cours des actions devrait chuter quand les taux d’intérêt augmentent. C’est parce qu’il faut considérer les effets directs comme la hausse des coûts en intérêt mais aussi des effets indirects importants comme la hausse du coût des capitaux propres. Cela veut dire que les investisseurs exigeront d’être compensés encore plus pour détenir des actions quand les obligations deviennent attrayantes.
Mais bien entendu ce n’est pas aussi simple que ça. D’une part, les banques centrales ont tendance à augmenter les taux durant des périodes où l’économie est suffisamment solide pour résister à une hausse des taux d’intérêt. Comme le fait remarquer M. Coffina, les flux de trésorerie augmentent durant les périodes de hausse des taux d’intérêt parce que l’économie a tendance à être robuste durant ces périodes. Donc, essentiellement, ce que nous avons observé est que les actions se comportent généralement mieux durant les périodes où les taux d’intérêt augmentent que dans les périodes où les taux d’intérêt diminuent.
Un aperçu de la performance de différents secteurs boursiers lors de la hausse des taux précédente
Nous avons examiné ce qui s’est produit avec les actions aux États-Unis lors de deux périodes différentes. La première était la période de mars 2004 à juin 2006, lorsque la Réserve fédérale américaine a augmenté ses taux de 4 % par 17 hausses progressives de 0,25 %. La deuxième période, qui n’a pas été marquée par un ajustement de la cible des fonds fédéraux par la Fed, était la période de désengagement progressif, allant du début du mois de mai à septembre 2013, pendant laquelle les taux d’intérêt ont augmenté après que le président de la Fed Ben Bernanke ait indiqué que la Fed pourrait ralentir le rythme des rachats d’obligations qui faisaient partie de son programme d’assouplissement quantitatif.
Examinons tout d’abord la performance de différents secteurs boursiers, représentés par les indices d’actions sectorielles Morningstar, pendant la période de désengagement progressif allant du 2 mai au 5 septembre 2013.
Cette période de désengagement progressif a été très courte (4 mois), et les investisseurs s’intéressaient plus aux rendements des obligations à ce moment-là. Durant cette période les secteurs boursiers ont affiché des rendements plus proches de ceux auxquels on aurait pu s’attendre : on s’attend en général à ce que, durant une hausse des taux, les secteurs plus défensifs qui se comportent davantage comme des obligations, ont tendance à verser des dividendes relativement élevés, affichent une croissance relativement plus lente et sont moins exposées au cycle économique, ont tendance à être les moins performants. D’un autre côté, les sociétés qui sont plus économiquement sensibles, comme la technologie, les matériaux de base et l’énergie, ont tendance à être plus performants durant les périodes de hausse des taux d’intérêt.
Maintenant, examinons l’autre période, une période de deux ans caractérisée par des hausses plus progressives, soit celle de mars 2004 à juin 2006.
Les secteurs boursiers ne se sont pas aussi bien comportés que ce à quoi on aurait pu s’attendre durant cette période. Par exemple, pourquoi les secteurs des services publics et des fiducies de placement immobilier (REIT), deux secteurs qui l’on penserait auraient du mal à retrouver leur équilibre lors d’une hausse des taux d’intérêt, ont été les plus performants. Cela s’explique en partie du fait des évaluations.
Durant la période de 2004 to 2006, il y avait de nombreux facteurs en jeu, notamment la santé générale de l’économie américaine et les perspectives de la croissance mondiale. L’économie américaine était assez robuste : le PIB a augmenté à un faible taux à un chiffre chaque année; le marché de l’habitation était solide, le prix du pétrole était volatil mais a presque doublé, et les profits des entreprises ont été relativement robustes.
De plus, durant la période de 2004 à 2006, les services publics et les fiducies de placement immobilier sortaient d’un marché baissier et étaient bien meilleur marché que d’habitude. Les FPI étaient relativement bon marché durant la bulle technologique, et elles ont été un peu plus performantes durant le marché baissier mais tout de même relativement bon marché. Au début de la période, les services publics étaient aussi confrontés à des conditions bon marché, car ils avaient perdu beaucoup de leur valeur après l’éclatement de la bulle technologique et ont également été pénalisés après le scandale d’Enron.
Difficile à dire qui sortira gagnant de la prochaine hausse des taux.
Il serait difficile de prévoir les gagnants de la prochaine période d’augmentation des taux d’intérêt, que ce soit en considérant les règles de la sagesse collective ou en extrapolant par rapport aux tendances passées. Par exemple, le secteur de l’énergie s’est démarqué lors de la période de hausse de taux d’intérêt précédente; mais à l’avenir, le secteur de l’énergie pourrait ne pas afficher les rendements robustes affichés par le passé. En fait, les analystes de Morningstar ont révisé leurs prévisions à la baisse quant au cours du pétrole en septembre, évoquant les incertitudes et la volatilité potentielle des cours des marchandises pour les prochains trimestres, ce qui a occasionné une baisse des estimations de la juste valeur de quelques sociétés énergétiques.
La performance des actions durant une hausse des taux d’intérêt dépendra de tellement de facteurs qu’il est difficile de faire des prédictions. Si les taux augmentent en raison d’une expansion économie, les actions de croissance réagiront plus rapidement que les actions de valeur à une accélération de la croissance économique, en théorie. Mais en pratique, le moment et le rythme de la hausse des taux d’intérêt ainsi que la santé de l’ensemble de l’économie et les préoccupations quant aux évaluations aux niveaux des secteurs et des titres seraient tous des facteurs.