Xiaoyi Mu a d’abord repéré un cycle prenant la forme d’une grande courbe en forme de «U» sur l’ensemble de la période allant de 1861 à 2010. La courbe se caractérise par un prix initial élevé en raison des difficultés d’extraction au début de l’ère pétrolière, puis par une chute progressive des prix à mesure que les technologies d’exploitation se sont améliorées.
La remontée s’explique notamment par le choc pétrolier des années 1973-1974, mais aussi parce que la raréfaction de la ressource a dépassé les effets des avancées technologiques.
En second lieu, il a repéré des cycles d’en moyenne 29 ans qui se sont succédé depuis les années 1860. Ces cycles sont le résultat de l’investissement par à-coups dans des projets pétroliers qui ont une période de gestation plus ou moins longue.
Enfin, le prix du pétrole est également soumis à un troisième cycle, de six ans environ, qui est le produit des aléas de la demande, qui elle-même dépend du cycle économique normal.
Encore cinq ou six ans
Selon Xiaoyi Mu, nous sommes au début (descendant) d’un cycle d’environ 29 ans qui aurait débuté en 2012-2013 (le 2e type de cycle). Nous sommes aussi dans la phase descendante d’un cycle économique normal (le 3e type de cycle, d’environ six ans).
«Les prix vont probablement rester bas encore cinq ou six ans», affirme-t-il en entrevue à Finance et Investissement. Cela signifie que les prix ne monteront «probablement pas» au-dessus de 80 $ US le baril «pour une période soutenue» (ils s’établissaient à environ 50 $ US à la mi-octobre).
La croissance de la production de pétrole de schiste aux États-Unis explique en partie la faiblesse des prix. «Les producteurs américains continueront à produire tant qu’ils pourront couvrir leur coût marginal de production», affirme-t-il.
Le probable retour de l’Iran et de la Libye sur le marché mondial et le ralentissement de la croissance économique dans les pays émergents expliquent aussi la chute du prix de l’or noir.
En baisse ou au plancher ?
A. Gary Shilling, président de A. Gary Shilling and Co, une firme-conseil en placement du New Jersey créée en 1978, voit un autre type de cycle à l’oeuvre sur le marché. «J’aime parler de cycles générationnels d’environ 30 ans. C’est à peu près le temps qu’il faut aux investisseurs pour oublier leur passage dans le tordeur et recommencer à faire des choses stupides», lance-t-il.
Selon lui, il n’y a «aucun doute» que nous sommes sur la pente descendante d’un de ces cycles.
«Quand la Chine est entrée à l’Organisation mondiale du commerce [en décembre 2001], il y a eu un bond des prix des matières premières l’année suivante.» Cette hausse, explique A. Gary Shilling, a entraîné des investissements importants dans des projets pétroliers, notamment les sables bitumineux, qui sont aujourd’hui mûrs, provoquant une hausse de l’offre et une baisse des prix.
En février dernier, le financier prédisait que le prix du baril de pétrole descendrait jusqu’à 10 $ US ou 20 $ US. Dans les portefeuilles qu’il gère, il dit encore miser sur une baisse des matières premières.
De son côté, Xiaoyi Mu est prudent et croit peu probable que le prix du baril descende aussi bas.
Le facteur OPEP
John Baffes, économiste principal à la Banque mondiale, est du même avis. En fait, il considère que nous avons atteint un plancher dans le marché du pétrole brut.
Ce spécialiste des matières premières repère d’ailleurs deux grands cycles depuis le choc pétrolier des années 1970 : un premier cycle de 1973 à 1985-1986, et un second, de 2004 à 2014.
Il voit des similitudes entre les deux épisodes. «Au milieu des années 1980, les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ont changé leur objectif. Ils sont passés d’un objectif de fixation des prix à un objectif de sécurisation des parts de marché», explique-t-il.
Selon lui, nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation assez semblable. L’OPEP, qui était revenue – après la crise financière asiatique de 1997-1998 et une chute à 10 $ US le baril -, à une politique de fixation des prix (à 25-35 $ US, puis graduellement jusqu’à 100-110 $ US), a de nouveau comme priorité de sécuriser ses parts de marché.
L’OPEP chercherait à s’assurer d’écouler 30 millions de barils par jour sur le marché, soit le tiers de la consommation mondiale quotidienne. Cette politique qui, selon John Baffes, exerce une pression à la baisse sur les prix, a mené le cours du baril sous les 40 $ US pendant près de deux décennies lorsqu’elle a été appliquée la dernière fois…