L’étude, menée conjointement par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO), l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (MFDA), se base sur 88 premières rencontres que des clients mystères ont eu avec des conseillers de la province voisine. Les représentants travaillaient dans quatre secteurs différents, soit le courtage de plein exercice, du marché dispensé, de fonds communs de placement et la gestion de portefeuille discrétionnaire.
Ainsi, dans 78 % et 89 % des cas respectivement, les conseillers ont parlé des produits de placement qu’ils pouvaient vendre et se sont assurés de s’enquérir des objectifs de placement du client-mystère.
Les frais associés aux produits (56 %), le rapport risque-rendement (52 %), les renseignements détaillés sur le client (32 %) ou la rémunération des conseillers (25 %) se retrouvaient cependant moins souvent au coeur des discussions entre le représentant et son client. Ce qui porte les trois régulateurs à conclure que les investisseurs pouvaient difficilement juger s’ils avaient reçu des conseils judicieux.
Selon eux, des recommandations sérieuses ne peuvent pas être formulées si un conseiller ne discute ni de frais ni de tolérance au risque avec son client.
Lorsque des recommandations étaient présentées lors de la rencontre initiale (24 des 88 évaluations retenues), 14 % d’entre elles étaient inobservables, compte tenu des objectifs de placement, de la tolérance au risque ou de la situation financière de l’investisseur.
INCOMPÉTENCE ?
Neil Gross, directeur général de la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada), se dit peu surpris de ces résultats : «Nous constatons tous les jours qu’il y a un problème en matière de compétence des représentants.»
Lorsqu’on lui demande si les résultats révèlent un problème qui se limite à l’Ontario, Neil Gross répond qu’il s’agit d’un problème pancanadien.
Neil Gross se dit heureux de cette initiative, et ce, même si sa méthodologie n’est pas inattaquable. «Malheureusement, aucune rencontre n’a été enregistrée. De sorte que les organismes ont dû se fier aux témoignages et aux impressions des évaluateurs après-coup, ce qui signifie qu’ils n’ont pas pu détecter de signe subtil d’incompétence ou de malhonnêteté que les clients mystères n’étaient peut-être pas en mesure de percevoir», peut-on lire sur le site Web de l’organisation de défense des investisseurs (http://bit.ly/1VQoiXh).
Du côté des organismes qui ont mené l’enquête, on soulignait toutefois dans le communiqué de presse émis lors de la publication des résultats «qu’aucun cas d’inconduite grave nécessitant des mesures réglementaires n’a été observé».
En réaction à ces révélations, les régulateurs entendent notamment développer des outils pour aider les clients à évaluer leur conseiller. Ils prévoient aussi mieux encadrer les courtiers afin qu’ils forment leurs représentants aux meilleures pratiques.
De plus, la CVMO tiendra compte de ces résultats dans son évaluation sur la pertinence d’abolir les frais intégrés et d’imposer le devoir fiduciaire aux représentants.
Selon Neil Gross, la solution serait d’imposer cette dernière obligation qui forcerait le représentant à agir dans le meilleur intérêt du client sans se contenter de lui fournir un produit approprié parmi tant d’autres.
Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction à la Chambre de la sécurité financière (CSF), ne partage pas l’entièreté de ces propos. Elle apporte un bémol aux résultats.
«L’étude porte sur la première rencontre entre le représentant et le client. Souvent, durant cette rencontre, on fait connaissance et le représentant recueille certaines informations. Il retourne par la suite à son bureau et il étudie le dossier de plus près, et ce n’est qu’à la deuxième ou à la troisième rencontre qu’il y va d’un plan plus élaboré», soutient l’avocate.
DIFFÉRENCES QUÉBÉCOISES
Quant au problème de l’obligation fiduciaire soulevé par FAIR, Marie Elaine Farley souligne que contrairement au reste du Canada, le Québec est une juridiction de droit civil et non de Common Law.
«Cette obligation fiduciaire, ou devoir statutaire ou fiduciaire, fait déjà partie des obligations prévues à la réglementation québécoise, au Code civil du Québec ou à la Loi sur les valeurs mobilières (LVM)», rappelle-t-elle.
En effet, l’article 160.1 de la LVM stipule que «la personne inscrite à titre de courtier, de conseiller ou de représentant est tenue d’apporter le soin que l’on peut attendre d’un professionnel avisé […]»
Même chose dans l’article 19 du Code de déontologie de la CSF ainsi que dans les articles 2, 3, 10, 14 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières. Ces dispositions rappellent notamment que l’intérêt du client doit être au centre des préoccupations du courtier.
Quant au Code civil du Québec, il impose dans ses articles 1309, 2100 et 2138 l’obligation d’agir dans les intérêts du client, avec honnêteté et loyauté.
Ces dispositions dans leur ensemble comprennent donc les caractéristiques de l’obligation fiduciaire de la Common Law. Ce point de vue a d’ailleurs été défendu par la CSF dans un mémoire déposé en 2013 (http://bit.ly/1Ov7K8c)