Selon cette règle, à compter du 1er novembre 2015, tous les courtiers membres de l’OCRCVM qui distribuent des titres d’État devront déclarer leurs opérations sur les titres de créance. Il s’agit en fait de l’implantation d’un système de collecte de données. Une deuxième phase est aussi prévue pour le 1er novembre 2016 et s’étendra alors à l’ensemble des courtiers membres.

«Grâce à la mise en place du système SEROM 2.0, on transmettra aux autorités beaucoup plus de détails qu’avant, et dans un délai de T+1, soit au lendemain de la transaction. L’OCRCVM pourra ainsi mieux contrôler les intervenants en sachant les prix qui sont fixés par les différents courtiers sur ces titres», précise Radek Loudin, chef de la conformité chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD).

Cela comprendra les transactions d’achat et de vente des différents pupitres (détail, institutionnel) et des filiales des firmes de courtage.

«Cette nouvelle règle nous permettra de recenser la vaste majorité des transactions sur créances au Canada. Nous serons aussi mieux en mesure de surveiller et d’agir afin de faire respecter les règles liées à la protection des investisseurs en matière d’intégrité des marchés, en plus d’être cohérents avec le type de surveillance que nous exerçons déjà avec le marché des actions», explique Victoria Pinnington, vice-présidente à l’examen et à l’analyse des opérations pour l’OCRCVM.

Contrairement au marché des actions dont les titres se négocient sur des marchés boursiers, les titres à revenu fixe s’échangent sur un marché hors cote, soit par téléphone ou sur des systèmes électroniques.

Juste prix pour le détail

«Ce nouveau rapport de transactions nous permettra d’avoir de l’information sur le prix des transactions au détail, sur les commissions et les autres frais encourus par les clients, ainsi que sur les opérations menées par d’autres participants sur ce titre ou un titre similaire. Cela nous permettra de mieux surveiller la conformité aux règles de fixation du juste prix pour les titres négociés hors cote (règle 3300). Les nouvelles émissions seront également observées avec attention», ajoute Victoria Pinnington.

Le régulateur souhaite également surveiller d’autres abus potentiels, comme la manipulation de marché ou le délit d’initié.

«On pourra avoir une meilleure idée de la façon dont les clients de détail sont servis par les firmes de courtage. Dans le cas de certaines émissions primaires, il y a peut-être eu des manques et les titres ont été attribués en grande partie aux clients institutionnels, ne donnant pas toujours accès aussi facilement aux clients de détail», pense Radek Loudin.

«Il sera de même possible de surveiller et de détecter s’il y a des manipulations du marché en observant les transactions des clients initiés. Par exemple, de voir si certains courtiers exécutent des opérations en avance (front running) sur le marché», ajoute Radek Loudin. C’est-à-dire, s’ils utilisent l’information pour négocier avant les clients sur des transactions ou des émissions obligataires.

Qu’en pense la Banque Nationale, l’un des distributeurs de titres à revenu fixe d’État le plus important du pays ? Elle n’a pas voulu commenter ce dossier avec Finance et Investissement. «Nous serons prêts pour l’échéance du 1er novembre 2015. D’ailleurs, nous avions déjà pour pratique de déclarer les transactions sur ces titres, et ce, depuis plusieurs années», indique simplement Jean-François Cadieux, directeur, affaires publiques de l’institution financière.

Catégories et contreparties

Cette règle permettra également de déterminer si les catégories de volume sont bien attribuées. «On va ainsi s’assurer qu’une transaction repo (prise en pension de titres) demeure une transaction repo et n’est pas classée comme une transaction au comptant. C’était la zone grise auparavant. Les autorités de réglementation auront un meilleur portrait de la situation, elles pourront mieux juger des volumes entre les contreparties», affirme Michel C. Trudeau, président et chef de la direction de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

On saura aussi le type de contrepartie avec laquelle le courtier négocie : s’agit-il d’une transaction faite avec une autre firme de courtage, une banque, un client ou encore un courtier intermédiaire (Shorcan, Prebon) ou même un système de négociation alternatif comme CanDeal.

«Ces données plus granulaires vont permettre une plus grande transparence. Cela va promouvoir une meilleure exécution des transactions et une meilleure fixation de prix. Grâce à ce droit de regard, l’OCRCVM pourra poser des questions. L’investisseur institutionnel ou de détail en bénéficiera», croit Michel C. Trudeau.

«Avec les années, on verra s’il y a des abus ou si au contraire les choses se passaient bien. Je suis un peu puriste et je n’ai jamais perçu d’abus. Si c’est le cas, le nouveau système favorisera le nettoyage, ce qui est constructif pour l’industrie puisqu’on sera tous sur un même pied d’égalité», ajoute-t-il.

«L’ensemble du marché devrait bénéficier de cette plus grande transparence», confirme également Radek Loudin.