Actuellement, les émetteurs dispensés dont les titres ne sont disponibles qu’aux investisseurs dits qualifiés ou sophistiqués, parce qu’ils disposent de revenus et d’un actif élevé, ne sont pas soumis aux mêmes normes de divulgation que les sociétés cotées en Bourse ou les fonds de placement.

Toutefois, ces émetteurs font face à d’autres écueils. Notamment, la publication d’une panoplie de renseignements qui varient d’une province ou d’un territoire à l’autre. De plus, la définition d’investisseur varie aussi selon la juridiction, d’où la confusion. Les modifications avancées par les autorités réduiraient le fardeau de la conformité des émetteurs.

Accueil favorable

C’est pourquoi Geoffrey Ritchie, directeur général du Private Capital Markets Association of Canada (PCMA), accueille favorablement les changements proposés le 13 août dernier par les ACVM, dont l’Autorité des marchés financiers (AMF) fait partie : «Le système, avec ces nombreuses déclarations différentes d’une juridiction à l’autre, crée son lot de complexité sans que ce soit véritablement justifié par la protection des investisseurs.»

De surcroît, ce dernier estime qu’on y gagnerait si les émissions dispensées étaient distribuées plus largement : «Je ne crois pas que l’investisseur moyen gagne à être limité aux certificats de dépôt ou aux fonds de placement», déplore-t-il.

Geoffrey Ritchie précise que son regroupement étudiera de près les modifications proposées. Dans l’ensemble, malgré l’ampleur des informations qui seraient exigées des émetteurs assujettis, il accueille favorablement la volonté d’harmonisation des règles concernant la divulgation des formulaires et la possibilité de déposer ces derniers par voie électronique qui semble s’en dégager. «Il s’agit d’un pas en avant», se réjouit-il.

Même son de cloche à l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP). «La réglementation actuelle impose la publication de prospectus qui coûtent une fortune en frais juridiques et comptables aux petites PME qui voudraient trouver du financement», considère Michel Nadeau, le directeur général de l’IGOPP.

Les nouvelles règles favoriseraient donc la formation de capital et l’investissement. «Avec le développement des nouvelles technologies, on pourrait facilement trouver un moyen de concilier l’allègement réglementaire et la protection des investisseurs.»

«Plusieurs informations importantes pourraient être publiées dans un langage simple sur les sites Web des émetteurs ou des distributeurs sans qu’on ait à publier des prospectus ou des notices d’offre en format papier qui sont trop coûteux à produire pour de nombreuses PME», poursuit Michel Nadeau.

Selon lui, il y a moyen de concilier les intérêts des trois groupes concernés par ce genre d’investissements, soit les émetteurs dispensés, les distributeurs et les investisseurs.

Voix discordante

Une voix discordante se fait toutefois entendre du côté de la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada). «Nous nous opposons fortement à ces propositions d’allégement réglementaire», clame Neil Gross, directeur général de l’organisme.

«Les commissions des valeurs mobilières n’ont pas effectué suffisamment de recherches pour déterminer si ces développements permettront réellement de lever plus de capital. Il y a également peu de données empiriques quant à savoir si l’investisseur type est en mesure de comprendre les risques qu’implique ce genre d’investissement», ajoute-t-il.

Sur le site Web de l’organisme, on peut lire que différentes analyses de conformité menées par des organismes de réglementation démontrent qu’il existe de nombreux écarts quant à la dispense de notice d’offre ou de prospectus. FAIR Canada conclut que les cas d’entorse à la conformité sont trop nombreux pour qu’on ouvre les vannes si généreusement aux dispenses de publier un prospectus ou une notice d’offre.

La décision d’une formation d’instruction de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) du 11 août dernier dans le dossier de Valeurs mobilières DWM fournit un exemple du genre d’entorse que craint FAIR.

Quelque 70 conseillers de DWM, société acquise par la suite par Scotia Capital, ont vendu des valeurs mobilières en vertu des dispenses de prospectus à 1 700 clients (sur un total d’environ 10 000), alors que ceux-ci ne correspondaient pas à la définition d’investisseurs qualifiés ou sophistiqués. Environ, 600 d’entre eux ont subi des pertes totales de 4,5 M$.

Pour sa part, quoiqu’elle se dise plutôt favorable à l’esprit des modifications, l’industrie est plutôt inquiète du volume de renseignements qui seraient exigés des émetteurs si les propositions des ACVM devaient être adoptées. On se préoccupe notamment des renseignements sur les dirigeants et les administrateurs des émetteurs, les activités des entreprises, la rémunération des divers intervenants à la distribution des titres, etc.

Du côté des ACVM, on croit que ces données permettront de mieux superviser l’industrie. Appelé à commenter le dossier, Sylvain Théberge, le responsable des relations avec les médias de l’AMF, s’en est tenu au texte des documents relatifs aux projets de modifications au Règlement 45-106 publiés sur le site Web du régulateur.

Dans ces derniers, on présente les deux objectifs des modifications proposées au Règlement 45-106, c’est-à-dire «de réduire le fardeau de conformité des émetteurs et des preneurs fermes en instaurant une déclaration de placement avec dispense harmonisée» et «de fournir aux autorités en valeurs mobilières l’information nécessaire pour faciliter une surveillance réglementaire plus efficace du marché dispensé et améliorer l’analyse aux fins de l’élaboration de la réglementation».

Geoffrey Ritchie ne s’oppose pas à ces objectifs, mais est plutôt réfractaire quant à la quantité d’informations requises par les autorités. «Au moins, l’élaboration des politiques publiques et de la réglementation en matière de marché dispensé et de capitaux privés se baseront sur les données empiriques adéquates», se console-t-il. Point de vue que ne partage toutefois pas FAIR Canada.

L’AMF recevra les commentaires des membres de l’industrie et du public jusqu’au 13 octobre prochain.