Cela dit, une grande partie (au moins la moitié) de la réussite de la stratégie momentum est due à sa portion short, soit à la vente (à découvert, le plus souvent) d’actions «perdantes». Ainsi, les conseillers devraient bien expliquer à leurs clients que la stratégie peut être difficile à appliquer pour un épargnant moyen.

Mieux que le S&P 500

Bryan Foltice et Thomas Langer, de l’Université de Münster, en Allemagne, ont évalué le rendement de divers portefeuilles composés uniquement de titres «gagnants». Les résultats sont probants, comme ils l’expliquent dans un article publié récemment dans la revue Financial Markets and Portfolio Management (http://tinyurl.com/nu94kj8).

Parmi tous les titres inscrits à la Bourse de New York – soit plus ou moins 2 000 titres selon la période -, les auteurs ont construit des portefeuilles (allant de 1 à 50 titres de poids égal) composés des actions des sociétés qui avaient le mieux performé au cours des six mois précédents. Les actions étaient détenues pendant un an, puis vendues.

De 1991 à 2010, tous les portefeuilles, en moyenne, ont battu l’indice S&P 500 dans des proportions allant de 0,52 à 2,44 points de pourcentage, et ce, chaque mois. Les meilleurs résultats ont été obtenus par les portefeuilles qui comprenaient de cinq à huit titres différents, sept étant le nombre optimal.

Notons que pour ces portefeuilles, la chute boursière de 2007-2008 est tout de même venue rogner sérieusement ces rendements bruts (de 3 à 4 points de pourcentage).

La stratégie nécessite un investissement minimum de 5 000 $. Selon le montant investi (de 5 000 $ à 1 M$), la fréquence de la révision du portefeuille varie de un à six mois.

Par exemple, de 1991 à 2010, un portefeuille de 10 000 ou de 15 000 $ aurait dû être revu trois fois par an, tandis qu’un portefeuille de 250 000 $, de 500 000 $ ou de 1 M$ aurait profité d’une réévaluation mensuelle. L’objectif consiste toujours à repérer les titres qui ont affiché le meilleur rendement au cours des six mois précédents.

En ajoutant à l’équation les frais de transaction, dont les frais de rééquilibrage, le rendement net moyen de la quasi-totalité des portefeuilles continue de dépasser celui de l’indice S&P 500 de 0,01 à 2,33 points de pourcentage par mois. Les portefeuilles qui n’avaient qu’un seul titre ou ceux dont l’actif de 5 000 $ était réparti dans 30 titres ou plus ont le moins bien performé.

Le passé n’est pas garant de l’avenir

Thomas Langer hésite néanmoins à encourager un conseiller de recommander cette stratégie d’investissement à ses clients.

«Cela dépend, évidemment. Je ne recommande pas l’une de ces stratégies aux épargnants qui peinent à atteindre un niveau minimum de revenu pour la retraite», a-t-il indiqué à Finance et Investissement.

Même s’il considère que sa stratégie s’est avérée bonne pour la période étudiée, il rappelle que «vous ne savez jamais avec certitude si les stratégies qui ont été profitables dans le passé continueront à être rentables à l’avenir.»

«Mais cela vaut pour presque toutes les stratégies d’investissement», ajoute-t-il.

Trop risqué

Jacob Sagi, professeur de finance à la Kenan-Flagler Business School de l’Université de Caroline du Nord, s’intéresse aussi à la stratégie momentum. Ces résultats sont pour lui «très étonnants». Il se dit en fait plutôt sceptique. «Comme tous mes collègues, quand je me trouve devant des résultats comme ceux-là, je suis curieux», dit-il en entrevue.

Ces résultats ont d’autant plus piqué sa curiosité qu’il a lui-même testé des portefeuilles de type momentum sur la même période, mais avec un nombre beaucoup plus élevé de titres «gagnants» (environ 250). Le chercheur a obtenu des rendements nettement inférieurs, soit 1,7 point de pourcentage au-dessus de l’indice par trimestre (l’autre étude calculait les rendements sur une base mensuelle).

Jacob Sagi note d’ailleurs que la bonne performance boursière de 1999 a particulièrement influé sur ses résultats. Il juge donc qu’il faut appliquer cette stratégie sur une longue période afin de profiter de hausses parfois subites.

Cependant, il ajoute un sérieux bémol. Il croit que souvent, la stratégie momentum revient à investir dans des titres à petite capitalisation, plus volatils et moins liquides.

«Cela peut devenir problématique lorsque les marchés traversent une période difficile, dit-il. Je ne recommanderais pas de placer beaucoup d’argent dans cette stratégie. Ça me semble tout simplement trop risqué. Je n’en ferais pas la pièce maîtresse d’un portefeuille, à moins d’avoir beaucoup d’argent.»

Ne pas se fier au passé

Yuri Koroshilov, professeur à l’École de gestion Tefler de l’Université d’Ottawa, est lui aussi très sceptique quant aux résultats de l’étude des deux chercheurs allemands.

«Je ne suis pas sûr de croire à ces résultats», résume-t-il. Il pense que les auteurs n’ont pas fixé un seuil de capitalisation assez élevé pour sélectionner leurs titres. Ils ont décidé d’exclure les sociétés qui avaient une capitalisation de moins de 20 M$.

Selon Yuri Koroshilov, on aurait dû tout simplement utiliser les titres les plus négociés pour s’assurer de la liquidité du portefeuille.

La stratégie momentum le laisse perplexe. «Je ne vois aucune raison pour que cette stratégie fonctionne, affirme-t-il. Personnellement, je n’utiliserais jamais une stratégie d’investissement fondée sur des performances passées.»

Pourtant, les données boursières (qui remontent parfois très loin dans le temps) tendent à montrer que la stratégie fonctionne. L’année dernière, Clifford Asness, cofondateur de la firme de gestion américaine AQR Capital Management, défendait bec et ongles la stratégie momentum dans un article (http://tinyurl.com/pt25q9h).

«Je n’ai pas de mal à croire que des gens puissent faire de l’argent grâce à cette stratégie. Mais je n’ai pas de mal non plus à croire que des gens perdent de l’argent avec la même stratégie», conclut Yuri Koroshilov.