Le fait d’être soi-même un immigré peut être un avantage concurrentiel pour séduire cette clientèle, qui a besoin d’ouverture et d’empathie. Pour vous guider, voici quelques points où l’incompréhension se fait le plus sentir.
Accès ardu au crédit
«La plus grande surprise des nouveaux arrivants à Montréal, c’est qu’ils n’ont pas immédiatement accès au crédit (38 %)», apprend-on dans un sondage réalisé par TD Canada Trust en 2013.
Généralement, l’immigrant est considéré comme n’ayant pas d’historique financier. Il doit parfois attendre jusqu’à 18 mois avant de pouvoir présenter une demande de prêt hypothécaire, affirme Mo Belleus, directeur de succursale à TD Canada Trust dans un communiqué.
L’historique de crédit, «c’est le principal défi de tout nouvel arrivant», indique Christophe Berthet, directeur, développement des affaires – nouveaux arrivants, communautés culturelles, au Mouvement Desjardins.
Le meilleur moyen d’établir un tel historique est de commencer… à dépenser sur sa carte de crédit et de payer son solde dans les délais impartis afin de prouver son sérieux et celui de son répondant financier.
Or, les Français ignorent totalement le fonctionnement des cartes de crédit au Québec. Chez eux, ils avaient une carte à débit immédiat ou différé (qu’ils paient à la fin de chaque mois) et les dépenses étaient prélevées automatiquement de leur compte chèque, en intégralité à échéance fixe. Pas de «remboursement de carte» à effectuer, pas de minimum à payer avant une certaine date.
Chez les Chinois, c’est le concept même du crédit et du paiement virtuel qui est nouveau.
«En Chine, on paie tout comptant, et les Chinois n’aiment pas les dettes. Souvent, ils ne veulent même pas avoir de carte Visa en arrivant ici, mais il faut leur expliquer que c’est fondamental pour accumuler un historique de crédit», explique Peter Mao, planificateur financier à la succursale du centre-ville de la Banque Royale du Canada (RBC), à Montréal.
L’obligation d’avoir un historique de crédit est d’autant moins bien comprise par les immigrants qu’ils «ont souvent un niveau d’études supérieur à la moyenne québécoise, puisqu’il s’agit d’une immigration choisie, et qu’ils ne sont pas endettés», souligne Christophe Berthet.
CELI et REER
La plupart des nouveaux arrivants ne connaissent pas du tout nos instruments d’épargne. Seuls les Américains s’y retrouvent rapidement, car «l’IRA (Individual Retirement Arrangement) est l’équivalent de notre REER, et le Roth IRA, celui de notre CELI», explique Gaétan Veillette, Fellow administrateur agréé et planificateur financier à Brossard.
Les Américains peuvent d’ailleurs transférer leur régime de retraite à certaines conditions, précise Gaétan Veillette, qui est également coordonnateur du comité de conception du guide Gestion de patrimoine privé – Guide des meilleures pratiques, publié aux éditions CCH en partenariat avec l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (OAAQ) : «Faire le retrait lorsque le rentier est résident canadien, sinon un impôt de 30 % s’applique par défaut, contribuer au REER jusqu’à concurrence de la somme brute reçue, dans les 60 jours après la fin de l’année fiscale du retrait du régime américain, déclarer la somme brute au revenu imposable canadien du particulier, et réclamer le crédit d’impôt étranger.»
Pour les nouveaux arrivants d’autres pays, les choses sont plus complexes, et lorsque leur langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français, les difficultés de communication sont majorées.
Une cause défendue devant la Cour canadienne de l’impôt en 2012 a révélé les erreurs qui peuvent découler d’une telle situation. Jacob Friedlander, un immigrant dont la langue maternelle était l’espagnol, a versé des cotisations excédentaires à un REER ouvert par sa banque alors qu’il ne travaillait pas et qu’il n’avait donc aucun droit à cotisation accumulé.
Il a fini par recevoir une facture de 4 350 $ en impôt, intérêts et pénalités, alors qu’il avait déposé 11 450 $ dans son REER en quatre ans. Dans cette affaire, le juge B. Paris a conclu que Jacob Friedlander a commis «une erreur raisonnable», que «les pénalités doivent être annulées», et il l’a encouragé à demander une révision de sa situation.
Pour éviter ces faux pas très coûteux pour le client, il est fondamental que les conseillers connaissent les règles qui régissent les droits de cotisation pour les immigrants. Certes, depuis 2009, le CELI permet d’accumuler des droits de cotisation pour toute personne âgée de 18 ans et plus, mais à une condition : qu’elle soit un résident du Canada.
Le terme «résident» peut revêtir différentes définitions. En ce qui concerne le CELI, «c’est de la résidence fiscale qu’il s’agit : pour l’avoir, il faut avoir passé 183 jours d’affilée au Canada au cours d’une année», précise Christophe Berthet. Le client doit également avoir un numéro d’assurance sociale.
Les règles sont en fait multiples, et il faudra analyser la situation de vos clients au cas par cas pour déterminer s’ils peuvent être considérés comme résidents fiscaux (http://bit.ly/1K0JFk5).
À partir de l’année où il devient résident fiscal, un étranger peut ouvrir un CELI et y contribuer. Il aura même droit à l’intégralité de la cotisation annuelle, qui s’établit à 10 000 $ en 2015. Celle-ci n’est pas calculée au prorata du temps passé au Canada au cours de cette année-là.
En ce qui concerne le REER, le nouvel arrivant qui n’a jamais produit de déclaration de revenus au Canada dans le passé ne peut pas demander de déductions fiscales pour des contributions à un REER dans sa première déclaration de revenus. Seules ses sources de revenus de l’année précédente lui permettent d’accumuler des droits de cotisation déductibles.
Quant aux placements, les régimes avantageux sur le plan fiscal à l’étranger ne le sont pas forcément ici. Par exemple, «on sensibilise les Français quant au fait que certains produits fiscalement avantageux en France, comme l’assurance vie par exemple, sont imposables au Canada», explique Christophe Berthet. Comme ils doivent déclarer au Canada tous les biens dont ils sont propriétaires à l’étranger, s’ils décident de conserver ces produits, ils risquent d’avoir une mauvaise surprise à la réception de leur avis de cotisation.