À titre de comparaison, aux États-Unis, la valeur des actifs des fonds communs américains équivalait à 70 % du PIB à la fin de 2014.

Cela dit, malgré la taille croissante de l’industrie, la Banque juge que les vulnérabilités associées aux fonds ne risquent pas de poser problème au système financier canadien.

Selon la Banque, les fonds géreraient bien leur «risque de liquidités» et les risques de décaissement massif seraient relativement limités, étant donné que la clientèle des fonds est surtout composée de «particuliers qui investissent essentiellement à long terme.»

Par ailleurs, le levier financier est plafonné au Canada pour les fonds communs, si bien que les emprunts (permis provisoirement pour des rachats de titres) ne doivent pas dépasser 5 % de la valeur liquidative du fonds.

Enfin, la taille des fonds canadiens ne serait pas assez importante pour en faire des «foyers de tension systémiques».

«Seuls six fonds canadiens (un fonds d’actions, deux fonds de titres à revenu fixe et trois fonds équilibrés) affichent des actifs supérieurs à 10 G$», notent les auteurs de l’étude. Non seulement ces fonds ne détiennent qu’une fraction des actions de la Bourse de Toronto (1 % pour quatre de ces fonds), mais chacun d’entre eux n’occupe pas une «position dominante» dans sa catégorie de fonds.

Obligations : risque potentiel

Les experts que Finance et Investissement a consultés partagent, en général, les conclusions de l’étude de la Banque du Canada.

Marcin Kacperczyk, professeur de finance à la Stern School of Business de l’Université de New York, affirme néanmoins avoir des «sentiments mitigés» quant aux risques qu’une ruée se produise sur un fonds.

S’il ne voit pas de problème concernant les fonds d’actions, les fonds d’obligations le préoccupent davantage parce qu’ils seraient moins liquides.

«Contrairement aux investisseurs dans les fonds d’actions, les investisseurs dans les fonds obligataires sont plus susceptibles de retirer leur argent si les rendements deviennent négatifs. Ça pourrait être un phénomène systémiquement important», croit-il.

Laurent Barras, professeur de finance à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, croit lui aussi que les fonds d’obligations sont ceux qui pourraient poser problème à l’avenir. «Il y a un problème potentiel avec les changements récents au chapitre de la liquidité obligataire.»

Selon Laurent Barras, les changements en matière de règlementation, notamment la règle Volcker aux États-Unis, expliquent la transformation qui empêcherait les banques de détenir d’importants portefeuilles obligataires. Le problème mériterait, selon lui, une «discussion plus approfondie».

Les auteurs de l’étude de la Banque du Canada considèrent pour leur part «peu probable que les fonds se livrent simultanément à une liquidation déstabilisante de titres à revenus fixes peu liquides».

Les auteurs notent que les réserves de liquidités sont en général plus importantes pour les fonds à revenus fixes. Pour les fonds canadiens, ces liquidités représentent quelque 9 %, par rapport à 11 % aux États-Unis. Comparativement, les fonds d’actions détiennent environ 6 % de liquidités, et un peu plus de 2 % aux États-Unis.

Effets limités

Que dire du risque que de nombreux épargnants perdent soudainement confiance et décident de retirer massivement leurs avoirs, en raison d’une fraude présumée ou parce qu’une équipe de gestion particulièrement performante quitte une société de fonds ?

Cette perspective était évoquée récemment par l’économiste en chef de la Banque d’Angleterre, Andrew Haldane.

Le professeur Marcin Kacperczyk doute que ce genre d’évènement puisse avoir des répercussions sur tout le système. Les effets seraient, selon lui, «localisés».

Même son de cloche chez Laurent Barras, qui donne en exemple le départ médiatisé de Bill Gross de Pacific Investment Management Co. (PIMCO) en septembre dernier, qui, somme toute, a eu des effets limités.

«Pour qu’il y ait une crise, il faut un ensemble de circonstances précises. On ne peut jamais dire jamais, mais je ne crois pas que la prochaine crise viendra des fonds communs», affirme Laurent Barras.

1 100 G$

La valeur des actifs à long terme des fonds communs de placement canadiens s’élevait à 1 100 G$

en décembre 2014, soit 54 % du PIB du pays.