Parce que, selon elle et les spécialistes de finance comportementale, l’approche économique traditionnelle ne peut pas tout expliquer.
« On dit que les gens qui ont tous les renseignements en main font des choix éclairés et vont viser un bon équilibre entre le risque, le rendement et l’effort, mais, en réalité, ce ne sont pas ce que les gens font, indique-t-elle. Les clients arrivent avec leurs perceptions, leurs préoccupations, leurs peurs, leurs insécurités et leur entourage. Ils ont un certain bagage. »
Afin de mieux comprendre l’irrationalité des clients, tout conseiller gagnerait à mieux connaître dix principes de finance comportementale.
L’argent et sa valeur: les gens ne donnent pas la même valeur à une chose selon le contexte où elle se trouve. « Pensons à l’expérience menée par le violoniste Joshua Bell qui est allé jouer dans le métro de Washington, raconte Josée Blondin. Au bout de sa journée, il avait récolté 32,17 $ en jouant sur son violon, qui valait pourtant plusieurs millions de dollars. Pourtant, les gens étaient prêts à payer une centaine de dollars pour une soirée à l’écouter jouer les mêmes pièces dans une grande salle de spectacle.»
Dans le même ordre d’idées, un client dont les grands-parents auraient connu la crise de 1930 pourrait avoir été influencé par ces derniers et, encore aujourd’hui, conserver des petits montants dans une multitude de comptes en banque afin de ne pas se retrouver au dépourvu en cas de crash financier.
La préférence pour le statu quo: il est toujours plus facile, et plus tentant, de remettre les décisions importantes à plus tard. Cette tendance est encore plus accentuée si de nouvelles notions sont en cause puisque le client s’expose alors à de l’insécurité et est déstabilisé.
« En finance, quand je fais faire un choix à mon client, je lui fais vivre un sentiment de perte et il peut donc se réfugier dans le statu quo, note Josée Blondin. Pour l’aider, je peux lui suggérer différentes options qui l’aideront, comme, par exemple, l’épargne systématique. Je peux aussi lui imposer une échéance ou m’assurer de sa compréhension en vulgarisant l’information.»
L’aversion pour la perte: Les gens sont prêts à aller très loin pour éviter de perdre de l’argent. Il est important de savoir si son client est « risquophile » ou « risquophobe », recommande Josée Blondin.
« Les gens vont se préoccuper des gains, mais surtout des pertes, dit-elle. Ils vont mettre beaucoup d’énergie à éviter les pertes.»
La surcharge d’information: en matière de littératie financière, trop est l’équivalent de pas assez. « S’il y a trop d’information donnée à la fois et que les données sont trop complexes, ça ne fonctionnera pas. La surcharge d’information amène un retour vers le statu quo», souligne Josée Blondin.
L’optimisme: beaucoup de clients auront tendance à sous-estimer les risques auxquels ils font face. C’est le fameux phénomène du « ça ne m’arrivera pas à moi ». Pour le combattre, quelques techniques simples s’avèrent efficaces.
« Il faut présenter des images et des statistiques qui parleront au client comme, par exemple, des tables de mortalité, recommande Josée Blondin. Ce sont des techniques utilisées depuis longtemps dans les campagnes anti-tabac à la télévision.»
La visualisation: afin de mettre un client en mouvement, rien ne vaut une image qui lui parle. C’est pourquoi les institutions financières utilisent autant les témoignages dans leurs campagnes publicitaires. « Mais attention, il faut leur présenter une image qui soit adaptée à eux, rappelle Josée Blondin. Le témoignage d’un couple dans la cinquantaine ne résonnera pas aux oreilles de clients plus jeunes.»
Budget émotif: aussi connu sous son appellation de comptabilité mentale, c’est la façon dont les gens classent et évaluent une transaction. Elle regroupe deux concepts, soit la valeur d’acquisition, qui représente les sommes que la personne est prête à payer pour l’acquisition d’un bien, et la valeur de transaction, qui est la valeur que l’acheteur donne au fait de faire une bonne affaire.
« C’est pourquoi, lorsqu’on entre dans une pharmacie, on en sort avec beaucoup plus que ce qui avait été prévu initialement, rappelle Josée Blondin. Ce n’est pas pour rien que la section des cosmétiques est souvent à l’entrée de ces magasins.»
Si la valeur payée, soit la valeur d’acquisition, est égale au prix normal que nous attribuons à un objet ou un service, la valeur de transaction sera nulle et l’acheteur ne fera pas nécessairement l’acquisition du bien. Si la valeur d’acquisition est inférieure aux prix normalement attribués, la valeur de transaction sera positive et l’acheteur aura envie de faire l’acquisition du bien ou service.
Mimétisme: suivre le troupeau peut être une bonne ou une mauvaise chose. Un conseiller peut utiliser cette tendance avec des clients indécis qui ont besoin d’être rassurés sur l’achat d’un produit.
« Je pourrais, par exemple, dire à un client médecin que les gens dans sa catégorie ont choisi ce produit dans la majorité des cas, soutient Josée Blondin. Ce n’est pas de proposer des recettes toutes faites, mais plutôt de rassurer le client en lui démontrant que d’autres gens ont pris la même décision.»
Les trois grandes émotions: il existe trois émotions principales qui influencent le comportement en finance comportementale, soit la crainte, le regret et la peur. Or, il faut savoir déceler quand ce sont ces émotions qui motivent les décisions d’un client.
« Un divorce est un bon exemple, les gens sont prêts à se déchirer par amour, rappelle Josée Blondin. Au lieu de se dire qu’ils vivent un rejet et tenter de faire leur deuil, ils vont enligner les colonnes de chiffres et se donner pour objectif de « laver » leur ex-conjoint. Ça peut coûter très cher à tout le monde et empirer une situation déjà difficile. »