Légalement, il n’y a pas de barrière à la vente de certains types de FNB par les représentants en épargne collective, confirment plusieurs sources. Cependant, sur le plan technique, il leur manquait un système leur donnant accès à une plateforme d’échange.
En 2014, le courtier ontarien Mandeville Wealth Services a mis en place pour ses propres conseillers une technologie en partenariat avec Fidelity Clearing Canada.
Au même moment, l’Association canadienne des FNB (ACFNB) cherchait à implanter une solution qui puisse s’appliquer à tous les courtiers. C’est désormais ce à quoi elle se consacre, avec le soutien de la Fédération des courtiers en fonds mutuels (FCFM).
L’ACFNB a proposé d’utiliser un courtier membre de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) qui serait aussi membre d’une Bourse afin de procéder à l’achat ou à la vente du fonds pour le compte du représentant en épargne collective.
Le système permet au représentant de passer une commande de FNB au courtier, tout comme il le fait pour les fonds communs, mais au lieu d’être envoyée à la firme de fonds par l’intermédiaire de FundSERV, cette commande serait transmise au courtier par l’intermédiaire de FundSERV, qui lui achèterait le FNB.
C’est la Banque Nationale, notamment par l’intermédiaire de son Réseau des correspondants (BNRC), un fournisseur de solutions de garde, de négociation et de courtage, qui rend cette avenue possible.
«Ce projet est en développement dans notre filiale BNRC. Notre objectif est d’offrir une solution qui convienne à tous les clients de la filiale qui en manifesteront le besoin. Nous souhaitons offrir le service dès que possible», commentait Jean-François Cadieux, conseiller principal, affaires publiques à la Banque Nationale, en février dernier.
Création de canaux
«Les courtiers pourront utiliser leur propre registre de transactions lié au système du Réseau des correspondants. Les fournisseurs principaux de logiciels de tenue de registres et d’activités d’arrière-guichet sont Univeris et RPM, et ils doivent créer une connexion avec la Banque Nationale», explique Howard Atkinson, président de l’ACFNB et président de Horizons Fonds négociés en Bourse.
L’association a également discuté du projet avec d’autres banques et d’autres firmes, cependant, selon la directrice générale de l’ACFNB Patricia Dunwoody, la Banque Nationale était la seule institution réellement prête à aller de l’avant.
«Grâce à son Réseau des correspondants, la banque entretient déjà plusieurs relations avec différents courtiers. Ils comprennent le concept des partenariats avec d’autres firmes», explique-t-elle.
D’après Patricia Dunwoody, Fidelity Clearing pourrait être ouverte à l’idée d’offrir à d’autres le service qu’elle a fourni à Mandeville.
«Essentiellement, Fidelity a pu facilement et rapidement installer un terminal dans leurs bureaux afin qu’ils puissent effectuer les transactions de FNB. Elle est ouverte à l’idée de le faire pour d’autres clients sans s’investir totalement, tandis que la Banque Nationale semble vraiment vouloir démarrer un nouveau secteur d’affaires», résume-t-elle.
Intérêt mitigé
En tout, 50,8 % des conseillers souhaiteraient offrir des FNB à leurs clients, selon un sondage en ligne mené par Finance et Investissement auprès de 403 lecteurs en juin et juillet 2014.
Plus précisément, 27 % des conseillers sondés ont répondu «oui», 23,7 %, «oui, mais seulement à certains clients», 24,05 %, «peut-être», 13,36 %, «non», et 11,83 %, «ne sais pas».
En Ontario, des firmes clientes des entreprises de logiciels voudraient offrir des FNB par l’intermédiaire de la nouvelle solution proposée, selon Patricia Dunwoody. Parmi les courtiers québécois interrogés par Finance et Investissement, certains disent s’être renseignés sur cette option, mais aucun d’entre eux n’a toutefois manifesté un réel intérêt pour celle-ci.
Lorsque Gino Savard, président de Mica Services financiers, a entendu parler du projet de Mandeville, il a immédiatement appelé son vice-président, affaires juridiques, pour lui demander quelles seraient les implications de la distribution des FNB si la technologie était à leur disposition.
«Il m’a expliqué qu’avec les permis que nous avions, ce ne serait pas si simple pour nous de distribuer des FNB au Québec», rapporte-t-il.
Gino Savard n’écarte pas les FNB, mais il n’est pas non plus très enthousiaste à l’idée d’en vendre. «Nous n’avons pas tellement de demande. Je persiste à croire que les FNB sont destinés à ceux qui considèrent ne pas avoir besoin du conseil financier. Celui qui veut par exemple acheter lui-même ses propres fonds indiciels auprès d’un courtier à escompte. Si nous constatons une véritable percée, nous considérerons peut-être la possibilité d’en distribuer», mentionne-t-il.
Daniel Bissonnette, président de Planifax, est encore plus catégorique. «Cela ne nous intéresse pas. Nous pouvons déjà offrir des fonds indiciels. De toute façon, il n’y a pas de marché pour ça, je crois que c’est une mode qui va disparaître. Il est faux de dire que seulement une infime partie des fonds gérés surpasse les indices. Un indice, c’est une moyenne fourre-tout. C’est certain que ça coûte moins cher, mais il faut tenir compte du rendement net», affirme-t-il.
Selon lui, le portefeuille géré aura toujours sa raison d’être. «Pour le moment, je ne vois pas nécessairement ce que ça m’apporterait de plus. Dès que les clients atteignent un certain niveau d’actif, c’est-à-dire à partir de 100 000 $, nous sommes en mesure de leur offrir des frais de gestion très peu élevés», ajoute, de son côté, Gino Savard.
Jean Carrier, vice-président conformité chez Groupe Financier Peak, rapporte que le cabinet se penche actuellement sur la question. «Nous prenons connaissance des enjeux opérationnels et de conformité. Nous sommes en période d’analyse. Avant de lancer un produit comme celui-là, nous allons nous assurer qu’il y a une demande», dit-il.
Il a l’impression que dans l’industrie l’intérêt a diminué depuis le moment, l’an dernier, où il a été annoncé pour la première fois que les représentants en épargne collective pourraient vendre des FNB. «Je n’ai pas encore tout examiné, mais ça ne semble pas important en ce moment pour les conseillers», dit Jean Carrier.
Régulateurs attentifs
Cela fait maintenant plus d’un an qu’un groupe de travail formé de l’ACFNB et de membres de la FCFM rencontre des courtiers, le TMX Group, la Caisse canadienne de dépôt de valeurs (CDS), la Banque Nationale, FundSERV, quelques fournisseurs de services d’arrière-guichet, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, l’OCRCVM et l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur le sujet.
Pour le moment, l’ACFNB note qu’aucun régulateur ne s’est opposé au projet. Certains, dont l’AMF, ont souligné que de la formation supplémentaire sur les produits devrait être suivie par les nouveaux vendeurs de FNB. L’ACFNB s’assure d’ailleurs que des informations seront mises à leur disposition.
«Comme les courtiers en épargne collective ont la capacité réglementaire d’offrir des FNB se qualifiant comme des organismes de placement collectif (OPC), nous n’envisageons pas d’émettre une publication officielle à ce sujet. Actuellement, aucun groupe de travail des ACVM ne se penche sur ce dossier», fait savoir Sylvain Théberge, directeur des relations médias et affaires publiques de l’AMF.
Le régulateur du Québec a demandé à voir le projet de l’ACFNB lorsqu’il serait achevé. Une rencontre devait avoir lieu au printemps 2015. Au moment de mettre sous presse, nous ne savions pas si elle avait eu lieu.
«Dépendamment de la façon dont il est structuré, un FNB peut être soit un OPC, soit un fonds d’investissement à capital fixe (FICF). Le courtier en épargne collective peut vendre des FNB qui sont considérés comme un OPC, selon la Loi sur les valeurs mobilières. Toutefois, il ne peut pas vendre des FNB considérés comme des FICF», avait expliqué Sylvain Théberge lors d’une entrevue précédente.
À titre de régulateurs des activités de valeurs mobilières, l’OCRCVM surveille aussi la situation. «Les commentaires de l’AMF sont importants. Je vous rappelle que certains FNB répliquent des indices, mais il y a aussi des FNB à effet de levier ou à effet de levier inversé. L’impact sur le client peut être très important. Il faut déterminer quelle sera la formation adéquate pour les représentants», soutient Carmen Crépin, vice-présidente, Québec, de l’OCRCVM.
Cette dernière n’est néanmoins pas surprise d’avoir à discuter de cette question aujourd’hui. «Quand les premiers FNB sont arrivés, j’ai dit : « Regardez bien ça aller ! Ça va se multiplier et devenir très populaire ! » Il n’y en avait qu’une quinzaine à l’époque», rapporte-t-elle.