Cet élargissement de la couverture répond à la principale critique à l’égard de la version actuelle du FISF : les nombreuses demandes d’indemnisation rejetées parce que le représentant n’avait pas agi dans les limites autorisées par son certificat.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit un autre élargissement de la couverture du FISF aux fraudes commises après la suspension d’un représentant. Selon le projet de loi 141, la suspension ou la révocation du droit de pratique du représentant responsable de la fraude n’a pas pour effet de priver la victime du droit à l’indemnité, à condition que la victime ait fait affaire avec le représentant avant la suspension ou la révocation et que la fraude ait été commise dans les deux ans suivant la révocation ou le début de la suspension.
«Il est possible que les cotisations augmentent, mais ça m’étonnerait que ce soit à court terme», tempère pour sa part l’avocat Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques et chef de la conformité chez MICA Cabinets de services financiers.
«Le Fonds est très bien capitalisé, donc je ne prévois pas d’augmentation de la cotisation à brève échéance», croit également Yvan-Pierre Grimard, directeur, Relations gouvernementales – Québec au Mouvement Desjardins.
L’Autorité des marchés financiers (AMF) a confirmé à Finance et Investissement que la capitalisation du Fonds se chiffre actuellement à près de 60 M$.
Maxime Gauthier, avocat et chef de la conformité chez Mérici Services Financiers, craint que si l’AMF indemnise plus largement les clients, ces derniers pourraient baisser leur garde. Il rappelle que, depuis des années, l’industrie recommande au client de vérifier si le représentant avec lequel il fait affaire est enregistré auprès de l’AMF et dans quelle discipline.
«Les consommateurs de services financiers doivent être mieux informés, non pas pour devenir des spécialistes, mais pour être plus vigilants, dit Maxime Gauthier. Avec la bonification du Fonds, on leur envoie exactement le message contraire.»
«Je suis d’accord que le Fonds soit élargi, mais il faudra mettre en place des mesures de prévention pour que la probabilité d’accidents comme l’affaire Vincent Lacroix diminue», considère de son côté Philippe Grégoire, professeur titulaire à l’Université Laval et directeur de la Chaire d’assurance et de services financiers L’Industrielle Alliance.
Gouvernance du FISF
Deuxièmement, la gestion totale du Fonds par l’AMF semble problématique aux yeux de Maxime Gauthier. «Nous n’avons aucune façon d’assurer la bonne gouvernance du Fonds, déplore-t-il. Les cotisants n’y sont absolument pas représentés. Nous ne pouvons pas avoir de chiffres précis sur la capitalisation du Fonds et sur les évaluations. Nous n’avons aucune donnée substantielle.»
Rappelons que dans ses recommandations, le «Rapport sur l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers», publié en mai 2015 par le ministère des Finances du Québec, proposait d’élargir la portée du FISF et de mettre à contribution des représentants de l’industrie dans le processus décisionnel du Fonds.
Dans son rapport annuel 2017-2018, déposé au printemps 2017, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, signalait pour sa part d’importantes lacunes dans la gestion du FISF. Pour l’année 2015-2016, précise-t-elle, «une seule personne a reçu une indemnité, pour un montant de 50 000 dollars».
De plus, Guylaine Leclerc notait que les frais d’administration annuels se sont élevés à plus de 1 M$ et les délais de traitement des plaintes ont été nettement trop longs.
hausse du coût de l’assurance responsabilité ?
Un élargissement de la couverture du FISF pourrait peut-être avoir un effet indirect à la hausse sur les primes d’assurance responsabilité des cabinets et des conseillers. Cet effet découle d’une procédure judiciaire, appelée recours subrogatoire, qui permet à l’AMF d’indemniser un client victime de fraude par l’intermédiaire du FISF qu’elle administre et de réclamer le remboursement des indemnités versées aux clients lésés.
Généralement, les polices d’assurance responsabilité ne couvrent pas les fraudes et manoeuvres dolosives, lesquelles sont visées par le FISF. Or, la jurisprudence contient un jugement, confirmé par la Cour d’appel, où le magistrat a condamné entre autres l’assureur responsabilité d’un représentant et de son cabinet à payer 624 000 $ à l’AMF alors que le FISF a indemnisé 17 victimes d’une «fraude». Le juge n’a pas tenu compte de l’avis du FISF concernant l’aspect frauduleux de la distribution du produit dommageable faite par l’ex-représentant William Wishnousky. Il a estimé que ses actes étaient couverts par l’assurance responsabilité du cabinet, parce que celui-ci a autorisé Wishnousky à distribuer le produit dommageable et n’a fait aucune intervention auprès des clients après avoir changé sa perception du produit et en avoir avisé tous ses représentants.
Il reste à savoir si ce cas où un juge n’est pas du même avis que le FISF par rapport à l’aspect frauduleux des mêmes gestes risque de se reproduire souvent.
Pour le moment, la plupart des observateurs interrogés peuvent difficilement prévoir un bond important de la prime d’assurance responsabilité professionnelle à la suite de la bonification du FISF, mais ils n’en rejettent pas l’éventualité.
«J’aurais tendance à dire que le risque est à peu près le même, parce que les contrats d’assurance continueront à comprendre des exclusions, par exemple quant aux fautes lourdes ou aux erreurs graves. Je ne suis pas prêt à dire que le risque sera amplifié. Cela dépendra de la façon dont les assureurs vont considérer ce risque», estime Yvan Morin.
Pour sa part, Maxime Gauthier qualifie le risque lié à la subrogation de théorique, c’est-à-dire qu’il est difficile, pour le moment, de prévoir s’il sera important ou pas. Si les assureurs évaluent qu’il y a un risque accru de cette subrogation sur le marché des services financiers, il y aura à coup sûr augmentation de la prime d’assurance responsabilité professionnelle, selon Maxime Gauthier. La possibilité de majoration de la prime est bien réelle, croit-il.