Si certains prétendent que c’est une mode passagère et que seuls les écolos achètent ce genre de placement, quitte à sacrifier du rendement, les investisseurs institutionnels y voient plutôt une valeur ajoutée à la performance financière d’une entreprise. En bref, on reconnaît aujourd’hui l’importance des risques non financiers que prennent les entreprises et leurs conséquences sur leur réputation et leur succès en Bourse.
En 2018, l’investissement responsable est une notion élargie qui tient compte des grands enjeux environnementaux (E), sociaux (S) et de gouvernance (G), appelés communément facteurs ESG (voir le tableau). Ainsi, avant d’intégrer un placement dans le portefeuille, beaucoup d’investisseurs institutionnels analysent de manière systématique comment ces facteurs peuvent contribuer à diminuer les risques et à améliorer les rendements. Il existe des firmes, comme MSCI ESG Research et Bloomberg ESG Data, qui font de la recherche uniquement dans ce domaine et attribuent des cotes aux entreprises, comme le font les firmes de courtage pour les titres boursiers.
Des études à l’appui
Sans surprise, les recherches dans ce domaine se sont multipliées ces dernières années. En 2015, une méta-analyse menée conjointement par Deutsche Asset Management et l’Université de Hambourg confond les sceptiques en démontrant que ceux qui misent à long terme sur des entreprises socialement responsables peuvent réduire le risque de leur portefeuille de placements. Il s’agit ici d’enjeux liés aux compétences des dirigeants, aux impacts des changements climatiques sur la profitabilité des sociétés, à l’acceptabilité sociale d’un projet ou même au respect des droits des travailleurs.
Cette recherche examine 2 200 études menées depuis les années 1970 sur les effets des facteurs ESG sur les résultats financiers des entreprises. En résumé, dans 90 % des cas, la performance des entreprises qui ont de telles préoccupations est équivalente ou supérieure à celle des entreprises qui n’en ont pas. Dans plus du tiers des situations observées, le rendement est supérieur. Autre impact notable : les marchés émergents, le marché obligataire et l’immobilier dits responsables ont offert de bonnes performances dans environ deux tiers des cas.
Des particuliers peu familiarisés
Dans les faits, les actifs en investissement responsable gérés pour des individus demeurent marginaux. Selon l’Association pour l’investissement responsable (AIR) au Canada, cela représentait 118,5 G$ à la fin de 2015, soit moins de 10 % des actifs totaux sous gestion du marché des fonds communs de placement (FCP) au Canada.
Les sondages montrent que les particuliers sont peu familiarisés avec l’investissement responsable. «Cependant, lorsqu’on leur demande s’ils souhaiteraient que leurs placements prennent en considération les enjeux environnementaux, de société et de gouvernance, ce taux grimpe à 71 %, selon nos dernières mesures», souligne Rosalie Vendette, conseillère principale, Investissement responsable chez Desjardins.
BMO Nesbitt Burns a lancé en novembre son premier portefeuille modèle de placements mondiaux durables, qui contient une vingtaine de titres boursiers. «De nombreux conseillers en placement ne se rendent pas compte de l’intérêt de la clientèle. Ils ignorent les solutions d’investissement qui existent», remarque Stéphane Rochon, directeur de la recherche chez BMO Nesbitt Burns.
«L’offre de produits concurrentiels était jusqu’à récemment assez limitée pour les conseillers de plein exercice», ajoute pour sa part Sylvain Brisebois, directeur régional, division de l’Est chez BMO Nesbitt Burns. Autrement dit, le client de détail qui manifestait son désir d’avoir des investissements responsables devait se tourner vers des FCP souvent plus coûteux. Aujourd’hui, la gamme de produits en IR est un peu plus étendue et inclut des fonds négociés en Bourse (FNB), des actions individuelles et des titres à revenu fixe, comme les obligations vertes.
Soulignons enfin que la collecte et l’analyse d’informations liées aux facteurs ESG ne sont pas gratuites et peuvent aussi mener les intervenants des marchés financiers à se décourager de proposer des produits pour les investisseurs au détail. D’après un sondage mené l’an dernier par le CFA Institute auprès de ses membres, il existe également un certain scepticisme quant à la valeur ajoutée par ces analyses. On mentionne notamment le manque d’informations quantitatives et la difficulté à comparer les firmes.
Cependant, de nombreux efforts sont déployés ces dernières années afin de rehausser la qualité et la comparabilité des données en matière de développement durable que divulguent les entreprises aux investisseurs. Des groupes de travail, comme celui dirigé par Michael Bloomberg, du Sustainability Accounting Standards Board (SASB), incitent les entreprises à révéler au grand public les risques opérationnels et financiers auxquels elles sont exposées. «On souhaite également une plus grande standardisation dans la fréquence des publications afin de prendre de meilleures décisions de placement», indique Rosalie Vendette.
De multiples stratégies
Il existe une panoplie de produits d’IR qui déploient différentes stratégies. Certains sélectionnent des entreprises qui adoptent les meilleures pratiques environnementales, sociales ou de gouvernance dans un secteur d’activité. On peut aussi se concentrer sur les sociétés qui s’améliorent le plus. De même, il est possible d’exclure des acteurs qui ne respectent pas certaines conventions internationales (Droits de l’homme), ou encore des secteurs jugés nuisibles à la société : alcool, tabac, armement, pornographie, OGM, etc. Enfin, n’oublions pas les approches par thème qui permettent de trouver des solutions à des problématiques environnementales et sociales liées au développement durable.
Ainsi, avant de placer l’épargne de ses clients dans de tels produits, le représentant devra se préparer. «En s’intéressant aux questions de développement durable, on montre qu’on suit les nouvelles tendances en investissement. Les études mettent en évidence que les plus jeunes générations se sentent concernées par l’investissement responsable. Même si les enfants des clients des conseillers n’ont pas encore hérité de leurs parents, ils sont parfois impliqués dans la gestion du patrimoine familial et cela amène des conversations enrichissantes. Le conseiller doit donc s’informer et avoir accès à une offre de produits diversifiée en IR», remarque Rosalie Vendette.
Les spécialistes de l’investissement désireux d’en apprendre plus sur l’IR peuvent suivre différentes formations. L’AIR en propose déjà quelques-unes en ligne, notamment le cours «Fondements de l’IR canadien», d’une durée d’environ cinq heures, qui est admissible à des crédits de formation continue de l’OCRCVM et à des UFC de la Chambre de la sécurité financière. Plusieurs institutions financières offrent également à leurs représentants des séminaires et des webinaires sur ce sujet.