D’ici la fin mars, Martin Thibodeau, président de la direction du Québec pour la Banque Royale du Canada (RBC), quittera Montréal pour Vancouver, où il occupera le poste de président de la direction de la Colombie-Britannique pour la banque.
«C’est un marché très différent, mais similaire [à celui du Québec] dans ses différences», dit-il, soulignant le caractère multiculturel asiatique unique de la province, où les minorités culturelles et linguistiques sont un marché très important pour RBC.
Dans ses nouvelles fonctions, il devra chausser les bottes de Graham MacLachlan, qui occupait la présidence régionale depuis plus de 15 ans, et trouver une manière de tisser de bonnes relations avec les communautés d’affaires et les employés sur place.
Prendre sa place
En 2012, à son arrivée à la tête de la direction régionale du Québec, Martin Thibodeau s’était donné pour objectif d’atteindre 100 G$ en actif sous gestion (ASG) au Québec en cinq ans. RBC avait 67 G$ en ASG à l’époque.
La banque a atteint, et même dépassé, cet objectif en octobre 2017, avec 100,3 G$ en ASG.
Le patron attribue cette réussite à trois grands facteurs, soit le développement du talent à l’interne, l’augmentation de la spécialisation de la force de vente et la mobilisation des employés.
Martin Thibodeau passait d’ailleurs une journée par mois à faire de la gestion de talent. «Développer des talents, c’est ce qui permet de gagner.»
Il juge que le développement des futurs leaders d’une société passe par plusieurs aspects, dont celui qui consiste à leur donner des buts à atteindre à l’extérieur des objectifs habituels de vente.
«Si on veut voir des leaders à l’oeuvre, il faut leur donner la chance de faire quelque chose qui sera bien en dehors de leur champ d’action immédiat, explique-t-il. Je peux vous dire que ça fonctionne.»
Le développement des conseillers faisait également partie de la stratégie de Martin Thibodeau durant son mandat au Québec. À preuve, le nombre de conseillers possédant le titre de planificateur financier est passé de 200 à 325 au cours des cinq dernières années, et celui de conseillers hypothécaires a augmenté de 70 durant la même période, atteignant désormais 190.
«Je crois beaucoup dans nos planificateurs financiers et leur accréditation», souligne Martin Thibodeau en précisant que c’est la banque qui débourse les frais de leur éducation.
Par ailleurs, les deux tiers des employés du Québec se disent «très mobilisés», selon le sondage indépendant de Towers Watson. Ce taux de mobilisation a certainement été un élément favorable à l’atteinte de l’objectif de 100 G$, selon Martin Thibodeau, qui soutient que «quand on a de forts taux de mobilisation, les gens donnent leur 110 %».
Sur papier, pratiquement tous les employés venant du Québec participent au sondage annuel, qui compte 85 questions. Fait à noter, toutes les divisions de la banque, excepté les personnes travaillant pour RBC Dominion, peuvent y participer.
«Pour moi, des employés mobilisés et des clients contents et satisfaits, ce sont de bons indicateurs», ajoute le président de la région du Québec, où le taux de fidélisation de la clientèle est de 62 %.
Pour l’ensemble du réseau bancaire, en comprenant les relations avec les partenaires et la gestion de patrimoine, RBC chiffre présentement sa part de marché à 18 %.
Pour Martin Thibodeau, atteindre une telle part de marché au Québec est une réussite, particulièrement parce que la banque est confrontée à des acteurs régionaux puissants, comme le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale du Canada.
«Si nous ne prenons pas la place, eux vont la prendre», dit-il.
Vers les 150 G$
Martin Thibodeau propose à sa successeure, Nadine Renaud-Tinker, le défi d’arriver à ajouter 50 % en ASG d’ici 2023, pour parvenir à 150 G$ : «Ce chiffre-là n’est pas impossible à atteindre, soutient-il, si le rythme d’investissement, la mobilisation des employés et la satisfaction de la clientèle se poursuivent.»
Bien que l’objectif soit ambitieux, il croit que les occasions au Québec «sont immenses». D’après lui, la clé pour l’atteindre réside dans la poursuite des stratégies déjà mises en place.
«[Elle ne doit] pas essayer de tout changer et y perdre deux ans, surtout si les affaires vont bien, dit-il. Elle va apporter bien des choses avec le temps, des choses qu’elle va assurément mieux faire.»
Le Québec aura toujours une place dans le coeur de Martin Thibodeau. Il est d’ailleurs prêt à offrir des conseils à Nadine Renaud-Tinker si elle le désire.
«Je reste un collègue de travail. Je suis là si elle a besoin de quoi que ce soit», ajoute-t-il.
Enjeu technologique
Le président pour le Québec considère la transformation technologique des services financiers comme l’un des plus gros obstacles auxquels il a dû faire face durant son mandat.
«Pendant que j’investis et que j’embauche du monde, mes succursales se vident tranquillement», note Martin Thibodeau.
Durant son mandat, l’achalandage en succursale a diminué de 5 à 7 % par année. Pour répondre à cette baisse et continuer de servir la clientèle, la stratégie de la banque a été, tout comme celle de ses concurrents, d’investir dans des applications en ligne et sur appareils mobiles.
À preuve, en un an, RBC Canada a consacré plus de 3 G$ à l’investissement technologique et a développé plus de 20 applications.
«Quand on se bat contre Amazon, Google, Uber, c’est ça qu’il faut faire», dit-il.