Plusieurs sondages confirment que les individus nés entre 1980 et 2000 sont particulièrement sensibles aux stratégies d’investissement dotées d’objectifs environnementaux et sociaux.
Par exemple, un sondage de Morgan Stanley indique que les milléniaux sont deux fois plus portés que la moyenne à investir dans des entreprises soucieuses de l’environnement ainsi que du bien-être des employés et de leurs collectivités. Une autre enquête, cette fois de Schroders Investment Management, signale qu’ils constituent la génération qui s’intéresse le plus à l’investissement à finalité sociale et environnementale, alors que les plus de 65 ans ne s’en soucieraient que très peu.
Professeur adjoint au Département de finance de l’Université Concordia et consultant chez Moore Wealth Management (Alabama), Amr Addas prévoit de gros changements à l’horizon.
«Les prochains transferts de richesse intergénérationnels feront des milléniaux une génération financièrement choyée. Leurs façons de voir les choses s’imposeront d’elles-mêmes», dit-il.
De la consommation à l’investissement
Jusqu’à présent, les milléniaux se sont illustrés sur le terrain de la consommation, comme l’indique la popularité grandissante des produits écologiques et socialement responsables. Plus discrets sur le terrain de la gestion d’actif, les milléniaux pourraient peut-être se faire entendre avec l’émergence de l’investissement d’impact.
Cette approche vise à favoriser la croissance d’entreprises ayant une action positive et mesurable tout en générant de bons rendements pour les investisseurs. Par exemple, l’investissement d’impact pourrait financer des entreprises qui accélèrent leur transition énergétique ou qui mettent en place des stratégies de gouvernance plus inclusives que la moyenne.
Impak Finance est l’un des fruits de cette nouvelle économie. En juillet dernier, cette jeune pousse montréalaise a lancé une cryptomonnaie destinée à stimuler les achats auprès des commerces et des entreprises participant à l’économie d’impact. Disposant d’une licence d’exercice comme courtier sur les marchés dispensés, Impak Finance est également en train de mettre sur pied un fonds de dettes qui accordera des prêts aux PME d’impact. «Et nous préparons le lancement d’une banque qui financera des projets de plus grande envergure», ajoute François Le Bel.
Autre rejeton de l’économie d’impact, la firme d’investissement montréalo-torontoise CoPower émet des obligations vertes afin de financer des projets d’énergie renouvelable. Son président-directeur général, David Berliner, veut que ses obligations «deviennent une partie du portefeuille responsable type».
À l’instar des jeunes pousses de l’investissement d’impact, CoPower et Impak Finance s’adressent à des investisseurs particulièrement motivés.
Ainsi, CoPower vend ses obligations par l’intermédiaire de sa plateforme en ligne à titre de courtier sur le marché dispensé. «Par notre plateforme, nous avons vendu des obligations auprès d’environ 300 investisseurs pour une somme moyenne de 20 000 $», dit David Berliner. En revanche, étant donné l’absence d’un marché secondaire, ces obligations ne peuvent pas être revendues et doivent être conservées pendant la totalité des échéances choisies (trois ou cinq ans).
Depuis décembre, les investisseurs qui s’intéressent aux entreprises d’impact non cotées peuvent faire des achats par l’intermédiaire de la plateforme torontoise en ligne, Social Venture Connexion (SVX). Agissant comme courtier sur les marchés dispensés, SVX comprend les produits d’une douzaine d’émetteurs d’impact, dont CoPower.
Cela dit, le potentiel de l’investissement d’impact n’échappe pas aux manufacturiers de fonds.
Des manufacturiers entrent en scène
Vive comme l’éclair, Mackenzie a lancé en octobre dernier deux fonds communs de placement dits d’impact. Aux États-Unis, BlackRock avait déjà ouvert le bal, notamment avec les U.S. Impact Equity Fund et iShares MSCI Global Impact ETF.
«C’est au niveau des manufacturiers de fonds que l’on peut constater que l’économie d’impact touche déjà Monsieur et Madame Tout-le-monde», dit Amr Addas.
En revanche, bien des questions se posent. Peut-on créer des fonds d’investissement d’impact basés sur de grandes entreprises ? Par exemple, les 10 premiers titres du U.S. Impact Equity Fund sont Apple, Microsoft, Alphabet, Pfizer, Amazon, Facebook, Cisco, Johnson & Johnson, Pepsico et Texas Instruments. Il convient de se demander s’il s’agit vraiment d’entreprises d’impact. Les produits offerts sur le marché diffèrent et doivent être examinés à la pièce afin de déterminer s’ils conviennent vraiment aux objectifs des clients.
Et finalement, la question probablement la plus importante de toutes : les milléniaux en sont-ils rendus à se procurer de tels produits ? Spécialiste des jeunes couples, le conseiller Michel-Olivier Marcoux met l’accent sur la nécessité d’allier rendements et conviction.
«Les jeunes dans la vingtaine et la trentaine sont préoccupés par l’environnement. Ils souhaitent avoir un impact positif, même avec leurs investissements. Par contre, certains quittent le navire dès qu’ils remarquent que leurs placements verts ou éthiques ont sous-performé. Ils veulent des placements responsables, mais avec de bons rendements. C’est la priorité de la majorité de mes clients», dit le président de Gestion de Patrimoine ASF.
Aux yeux de François Le Bel, l’investissement d’impact a un bel avenir, car la plupart des épargnants ne savent pas que leur argent peut avoir de l’impact.
«Le besoin d’agir des milléniaux est implicite. S’ils voient des produits financiers qui correspondent à leurs aspirations, ils les reconnaîtront. Notre tâche, c’est d’aller les chercher, de leur parler de nous et de les convaincre par les faits que leurs rendements seront satisfaisants», dit le vice-président d’Impak Finance.