En octobre dernier, Investor Economics publiait une enquête, intitulée «Investor Economics Insight», qui passait au peigne fin les entrées et sorties nettes des fonds communs de placement au Canada entre juin 2016 et juin 2017.
Premier constat : parmi les fonds individuels (stand-alone), seuls les fonds cotés quatre ou cinq étoiles par Morningstar se situent en territoire positif. Les cinq étoiles génèrent 14,5 G$ d’entrées nettes, comparativement à 10,8 G$ pour les quatre étoiles.
Cependant, dès que l’éclat du ciel étoilé pâlit, les choses se gâtent rapidement. Les sorties nettes explosent à 10,4 G$ pour les fonds individuels de trois étoiles. Elles se déchaînent à 11,8 G$ pour les fonds de deux étoiles. Les fonds individuels d’une étoile écopent de sorties nettes de 3,6 G$. Cette somme relativement peu élevée découle des faibles parts de marché (3,1 %) des fonds d’une étoile.
En revanche, les fonds de fonds échappent à la force d’attraction de la galaxie Morningstar.
Ainsi, les fonds de fonds de cinq étoiles n’affichent que 1,3 G$ d’entrées nettes. Toutefois, les fonds de fonds de quatre et trois étoiles suscitent beaucoup d’appétit, avec des entrées nettes respectives de 8,7 G$ et 8,0 G$.
Fait remarquable, les fonds de fonds peu étoilés évitent le trou noir des sorties nettes massives. Au contraire. Les fonds de fonds de deux étoiles génèrent des entrées nettes de 0,8 G$ ! Les fonds de fonds d’une étoile pourraient même siffloter compte tenu de leurs négligeables sorties nettes de 0,3 G$. À cet égard, le contraste avec les fonds individuels est renversant.
À l’évidence, la galaxie Morningstar n’exerce pas la même force d’attraction sur les acheteurs de fonds de fonds que sur les acheteurs de fonds individuels.
Stratégie et processus
Selon Denise Davids, analyste de fonds chez iA Valeurs mobilières, «les acheteurs de fonds de fonds s’intéressent davantage à réduire le risque. Le rendement ou l’évaluation de Morningstar leur importe moins».
Le spécialiste Dan Hallett est du même avis. «La performance et le talent des gestionnaires sont les grands arguments de vente des fonds individuels. À l’opposé, les fonds de fonds sont plutôt vendus comme une solution mettant l’accent sur la construction du portefeuille plutôt que sur l’obtention de rendements nécessairement élevés», indique celui qui est également vice-président et responsable, gestion d’actifs au HighView Financial Group.
Vice-président, ventes, investissements et retraite au Groupe Cloutier, Robert Lachance est bien placé pour témoigner de l’importance de la demande des épargnants pour une gestion prudente du risque.
«Avant tout, les fonds de fonds gèrent le risque et la volatilité. Ils ont généralement de bonnes performances, leurs allocations d’actifs répondent à de grands besoins et leurs fonctionnalités de rééquilibrage automatique aident les conseillers à maintenir le cap», précise-t-il.
De plus, à l’heure où chaque style de gestion a son heure de gloire, «un fonds de fonds peut en couvrir la gamme», ajoute Jean Morissette, consultant et un des fondateurs de Partenaires Cartier.
Robert Lachance estime que les fonds de fonds constituent de «beaux outils» aux mains des conseillers généralistes. En effet, s’il y a une chose que son expérience professionnelle d’une trentaine d’années lui a apprise, c’est l’importance d’encourager les consommateurs à ne pas retirer leurs billes. «Grâce aux fonds de fonds, des clients n’iront pas se réfugier dans les certificats de placement garanti lors de coups durs», signale le vice-président du Groupe Cloutier.
Le planificateur financier André Martel souscrit pleinement à cette approche de gestion du risque.
«Il y a 12 ans, j’ai compris que l’avenir de la planification financière résidait dans la stratégie et le processus, non pas dans le produit. Aux yeux de bien des gens, les rendements à court terme font la spécificité des produits individuels. C’est un piège ! Mes clients veulent protéger leur capital et bénéficier d’une croissance méthodique de leurs avoirs. Voilà pourquoi j’ai choisi de travailler avec des fonds de fonds», dit le planificateur et président du Centre financier Chicoutimi.
André Martel compare la gestion des fonds de fonds à celle des caisses de retraite. «Des comités de gestion surveillent le travail des gestionnaires. Et le rééquilibrage automatique permet de maintenir les objectifs des clients. Avec des fonds individuels, il serait difficile, par exemple, de convaincre un client de diminuer la pondération d’un fonds ayant offert une surperformance en cours d’année. De plus, je peux me concentrer sur les objectifs de mes clients en maximisant leur situation fiscale, financière et successorale», précise-t-il.
Afin de faciliter le partage de sa vision d’investissement, le planificateur aime utiliser la métaphore du joueur de baseball. «On ne frappera pas de coups de circuit, mais sur un période d’au moins cinq ans, on marquera autant de points que les cogneurs tout en évitant leurs périodes de disette», dit-il.
En conséquence, les fonds de fonds de cinq étoiles ne sont pas souvent dans la ligne de mire du planificateur. «Quels risques les gestionnaires ont-ils pris afin de récolter leurs cinq étoiles ? Peut-être trop ! Quand on a mis en place la stratégie et le processus, les fonds de trois et quatre étoiles procurent généralement les rendements et la stabilité souhaités», dit André Martel.
Toutefois, faut-il conserver les fonds de fonds d’une ou deux étoiles ? Comment expliquer leur grande permanence, contrairement aux fonds individuels, où ils sont rapidement éliminés ?
«Un fonds de fonds d’une ou deux étoiles ne doit pas être un signal de vente. Ça peut même être un signal d’achat, selon la direction des marchés. Toutefois, certains de ces fonds de fonds peuvent être trop complaisants et manquer d’esprit critique. Bien souvent, il s’agira de fonds maison. On ne se met pas soi-même à la porte», signale Jean Morissette.
Et si les ventes de fonds de fonds fluctuent, c’est aussi en raison de la psychologie générale des investisseurs.
«Après une période baissière, les investisseurs privilégient les fonds de fonds. À l’heure actuelle, beaucoup tentent de capter les rendements élevés des vagues de produits comme les cryptomonnaies et la marijuana, ou encore des technologies. Lorsqu’ils se seront brûlé les doigts, plusieurs reviendront vers une approche fonds de fonds basée sur de meilleurs équilibres entre les styles et classes d’actif», affirme Dan Hallett.