Un nombre de plaintes grandissant a notamment incité la Commission valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) à signaler vendredi qu’elle recueillait des informations entourant les différentes plateformes d’échanges de monnaie virtuelle.
Au Québec, l’Autorité des marchés financiers (AMF) dit ne pas avoir constaté le même phénomène, ce qui ne l’empêche pas d’être « extrêmement active » en matière de cybersurveillance, a expliqué son porte-parole, Sylvain Théberge.
« Nous sommes très conscients que les cryptomonnaies se multiplient et que le public peut être sollicité », a-t-il expliqué au cours d’un entretien téléphonique.
Le gendarme boursier ontarien a estimé que les différentes plateformes, et les personnes et entités qui acceptent d’y transiger des cryptomonnaies, pourraient bien ne pas respecter les lois en vigueur.
Ce signal lancé par la CVMO survient alors que les échanges virtuels s’accélèrent, tout comme les premières émissions de cryptomonnaies (PEC). Bien que le Bitcoin ait vu le jour il y a environ une décennie, l’appétit des investisseurs pour des devises virtuelles incite de plus en plus les entreprises de démarrage à emprunter cette voie pour lever des capitaux.
« Beaucoup de projets présentent un niveau de risque très élevé, a rappelé M. Théberge. Les gens doivent être au fait de la volatilité extrême des devises et de la possibilité de perdre en totalité ou en partie l’investissement de départ. »
Pour bien comprendre, l’AMF a même décidé de mettre sur pied sa propre cryptomonnaie par l’entremise de son Laboratoire Fintech afin d’expérimenter cette technologie financière.
Très populaire
Selon le site Coinschedule, près de 5,9 G$ US ont été amassés dans le monde depuis le début de l’année par l’entremise de 166 PEC, ce qui dépasse déjà les 3,88 G$ US de l’an dernier. On compterait déjà plus de 1500 monnaies virtuelles.
M. Théberge n’a pas voulu dire s’il y avait des enquêtes actuellement en cours à l’AMF, mais a rappelé que le régulateur boursier n’hésitait pas avant d’agir s’il estime qu’il y a une menace pour le public.
À la fin mars, notamment, l’Autorité avait interdit à l’entreprise Usi-Tech, établie à Dubaï, ainsi qu’à deux personnes de solliciter les investisseurs au Québec parce qu’elle n’était pas inscrite à la Loi sur les valeurs mobilières.
L’an dernier, l’AMF avait également exigé que le créateur du PlexCoin, Dominic Lacroix, cesse d’effectuer des transactions entourant sa monnaie virtuelle, ce que ce dernier avait refusé de faire. Cela a mené à l’imposition, en décembre, d’une peine d’emprisonnement de deux mois et d’une amende de 100 000 $.
M. Lacroix et sa conjointe s’étaient également retrouvés dans la mire de la Securities and Exchange Commission (SEC) aux États-Unis, qui les accuse d’avoir floué des investisseurs à hauteur de 15 M$. Les autorités boursières américaines ont également décidé de se pencher davantage sur les échanges de devises virtuelles ainsi que les PEC pour tenter de freiner les manoeuvres frauduleuses.
Beaucoup de questions
Selon Christian Jacques, associé chez Fasken, coresponsable de l’équipe des technologies émergentes, il y a une certaine corrélation entre l’intérêt des régulateurs canadiens à l’endroit des plateformes d’échanges de cryptomonnaies et le nombre de devises en circulation.
« Plus le bassin de gens qui détiennent des devises virtuelles augmente, plus il va y avoir une demande grandissante pour différents types de plateformes », a-t-il expliqué au cours d’un entretien téléphonique.
M. Jacques a souligné que dans le domaine des cryptomonnaies, plusieurs s’y connaissaient très bien dans la chaîne de blocs. Cela n’a toutefois pas empêché plusieurs de procéder à des PEC sans se pencher sur tous les aspects juridiques, a-t-il ajouté.
À son avis, l’environnement actuel est encore en train de se transformer et les régulateurs boursiers, dont ceux du Canada, continuent à s’adapter.
Pour sa part, Louis Roy, associé en certification chez Raymond Chabot Grant Thornton et leader de la technologie de chaîne de blocs chez Catallaxy, filiale de la firme, ne s’est pas montré surpris de l’attention portée par les autorités réglementaires à l’endroit des cryptomonnaies.
« Dans les premières émissions, souvent, dans neuf dossiers sur 10, c’est n’importe quoi, a-t-il expliqué. Nous croyons beaucoup à la chaîne de blocs. Ce qui est dommage avec les PEC, c’est les scandales qui génèrent une attention négative. »
Autant du côté des investisseurs que des compagnies qui souhaitent procéder à une première émission, la prudence est de mise, a plaidé M. Roy.
(Avec des informations d’Ian Bickis)