Avec la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), les conseillers doivent désormais obligatoirement dévoiler à leurs clients les détails de la rémunération qu’ils reçoivent lors de la vente d’un fonds d’investissement ou d’une valeur mobilière.
En assurance collective, les assureurs dévoileront à compter de janvier 2019 la rémunération des conseillers aux titulaires de nouveaux contrats de régimes collectifs d’assurance et de retraite, conformément à la ligne directrice LD19 de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP). En janvier 2020, ce sera au tour des titulaires de contrats renouvelés d’accéder à cette information.
Les produits bancaires, comme les certificats de placement garanti ou les prêts hypothécaires, ne sont toujours pas touchés par ces obligations de divulgation. Or, après le scandale des révélations dévoilé par l’émission Go Public de la CBC sur les pratiques de vente de la Banque TD l’an dernier, le gouvernement fédéral a cru bon de s’intéresser un peu aux méthodes des six grandes banques canadiennes, et ce, par l’entremise d’enquêtes faites par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), le Comité permanent des finances de la Chambre des communes et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC).
On attend toujours les résultats des travaux du BSIF et du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, mais l’ACFC a déposé le mois dernier les résultats de son enquête, dans laquelle elle a mené 500 entrevues, examiné plus de 100 000 documents et analysé 4 500 plaintes.
Une des conclusions de l’ACFC est que de 90 à 95 % des plaintes des consommateurs sont réglées au premier point de contact, ce qui veut dire qu’elles ne sont donc pas comptabilisées dans une base de données centrale. «C’est ce qui explique que les banques n’ont qu’un portrait partiel de la situation à l’égard des plaintes et des problèmes des consommateurs et sont moins à même de déceler les tendances», écrit l’agence fédérale dans son rapport.
De plus, elle dénonce la culture des services bancaires de détail, qui «augmente le risque que les intérêts des consommateurs ne se voient pas toujours accorder la priorité qui leur revient», que les incitatifs pécuniaires et non pécuniaires puissent accroître les risques de vente abusive et que les contrôles visant à atténuer les risques liés aux pratiques de vente soient insuffisants.
L’ACFC fait également six recommandations aux banques afin d’améliorer leur gestion des risques liés aux pratiques de vente. Entre autres, l’agence fédérale demande aux banques d’améliorer leur surveillance et leur gestion des plaintes des consommateurs, de s’assurer que leurs stratégies en matière de rémunération pécuniaire et non pécuniaire incitent les employés à travailler dans l’intérêt des consommateurs ainsi que de veiller à ce que les contrôles internes tiennent dûment compte des risques liés aux pratiques de vente.
Elle s’engage pour sa part à adopter un cadre de surveillance modernisé qui lui permettra de s’assurer que les banques ont mis en place les cadres, les politiques, les procédures et les processus qui s’imposent pour atténuer efficacement les risques de vente abusive et de manquements aux obligations en matière de pratiques commerciales.
Voilà qui est une bonne nouvelle. Rappelons que l’ACFC n’est pas un régulateur, mais plutôt un chien de garde qui sonne l’alarme lorsque le consommateur est à risque. Les banques sont soumises à la législation fédérale par la Loi sur les banques, qui désigne le Bureau du surintendant des institutions financières comme superviseur de plus de 400 institutions financières au pays.
Or, le BSIF n’a pas les dents très longues. En effet, bien qu’il «joue un rôle de surveillance important, il n’encadre pas la gestion des activités des institutions ou des régimes de retraite. Ce sont les hauts dirigeants, les conseils d’administration et les fiduciaires qui sont responsables de leur réussite ou de leur échec», peut-on lire sur le site de l’organisme. «[Le BSIF] doit permettre aux institutions financières de prendre des risques raisonnables et de soutenir la concurrence, tant au Canada qu’à l’étranger, tout en protégeant les intérêts des déposants, des souscripteurs, des participants et des bénéficiaires des régimes de retraite. Il a pour objectif de concilier concurrence et stabilité financière, règles internationales et réalités du marché canadien.»
On est loin d’un régulateur encadrant les banques qui a des pouvoirs coercitifs analogues à ceux que détient l’Autorité des marchés financiers, par exemple. C’est clair, il manque un gendarme qui aurait les moyens de ses ambitions.
Un organisme sérieux et doté de pouvoirs coercitifs devrait mieux encadrer la distribution des produits bancaires. Il en va de la protection des clients, mais aussi de la préservation de la confiance qu’ils ont envers leur conseiller, leur institution financière et l’industrie dans son ensemble.
C’est aux députés et sénateurs fédéraux de prendre la balle au bond et de montrer qu’ils s’intéressent à l’alignement des pratiques des banques sur l’intérêt supérieur des citoyens qui utilisent les services bancaires à un moment ou à un autre. Si on ne met pas en place un gendarme crédible pour le secteur bancaire, on devrait minimalement viser davantage de transparence dans les pratiques problématiques qu’a relevées l’ACFC.
L’équipe de Finance et Investissement