La direction de CIBC Wood Gundy a mis en place dans la dernière année des mesures incitatives afin qu’un conseiller recommande aux banquiers de la CIBC leurs clients qui sont des dirigeants d’entreprises.
Par exemple, depuis juillet 2017, un banquier d’affaires travaille à la succursale de CIBC Wood Gundy de la Place-Ville Marie, à Montréal. De concert avec un conseiller, ce banquier peut choisir parmi sa liste de clients ceux qui sont les plus susceptibles de souhaiter obtenir du financement commercial.
Le conseiller devient par la suite l’entremetteur. « Quand je vais faire la révision de portefeuille de mon client, je vais présenter Richard, mon banquier commercial, qui est dans la famille de la CIBC », explique Charles Martel, premier vice-président et directeur de succursale chez CIBC Wood Gundy.
Changer les services bancaires d’affaire peut prendre de six à douze mois pour un client. En avril, Charles Martel espérait que les premiers fruits de cette nouvelle collaboration soient bientôt récoltés et servent d’exemple pour les conseillers réticents à ouvrir leurs livres.
Il détaille l’incitatif financier mis en place pour la première année afin de favoriser ce nouveau genre de collaboration. « Si un conseiller recommande à la banque un client, que cette transaction génère un revenu brut à la banque de 10 000 $ par exemple et qu’il reçoit 30 % de ce revenu [comme boni de recommandation], donc il collecte 3000 $. Ce montant va directement dans les poches du conseiller en placement et ne va pas sur la grille. »
Si ce montant passait par le filtre de la grille de commission, le représentant toucherait une fraction des 3000 $, laquelle correspondrait à son taux de commission (payout rate). Dans l’exemple précédent, si un conseiller avait un taux de commission de 50 %, il toucherait un revenu brut de 1500 $. En contournant la grille de cette façon, le conseiller en placement reçoit le double.
Évidemment, Charles Martel respecte le fait que certains conseillers en placement soient réticents à présenter leur client à un banquier d’affaires. Pour les convaincre, il souligne qu’ils ont avantage à le faire pour éviter d’être pris au dépourvu : «Si on ne le fait pas proactivement, le conseiller devra réagir et risquer de perdre le compte si un client lui dit : “Mon banking d’affaires est chez RBC, ils me présentent le conseiller de RBC Dominion valeurs mobilières. Est-ce qu’il y a quelque chose que tu peux faire? ”»
D’autres firmes de courtages encouragent également leurs conseillers à orienter leurs clients vers les différentes filiales de leur institution financière, dont BMO Nesbitt Burns. « Il y a une rémunération au moment du référencement. Ce n’est pas quelque chose qui va demeurer dans le temps », explique Sylvain Brisebois, premier vice-président, directeur général et directeur régional chez BMO Nesbitt Burns.
Actuellement, la Financière Banque Nationale (FBN) déploie aussi dans son réseau de succursales des banquiers privés et personnels qui ne servent que les clients de la FBN. «Ils ne font pas de produits financiers autres que du crédit, des comptes bancaires et des marges de crédit. Nos conseillers adorent cela», dit Denis Gauthier, premier vice-président, directeur national à la FBN.
«Ça adresse un besoin de client, ajoute-t-il. Si on sert notre client aussi du côté bancaire, on solidifie notre relation avec lui. Il est mieux de faire affaire avec la Banque Nationale pour son hypothèque qu’avec le Mouvement Desjardins.»
Bonification envisagée
Les mesures incitatives conçues pour inciter la recommandation de client semblent faire des envieux dans les réseaux qui n’en offrent pas. Par exemple, un conseiller en placement de Valeurs mobilières Desjardins (VMD), sondé anonymement dans le cadre du Top 8 des courtiers québécois de Finance et Investissement, souligne une dichotomie. Lorsqu’il recommande à une caisse un client pour le renouvellement de son prêt hypothécaire ou de son prêt commercial, il n’a pas de rémunération incitative alors que lorsqu’il reçoit une recommandation d’une caisse pour l’ouverture d’un compte de courtage de plein exercice, il doit partager sa rémunération avec cette caisse.
Luc Papineau, vice-président, courtage et gestion privée chez VMD, en est conscient : «Pour l’instant, il n’y a pas de rémunération dans l’autre sens (des caisses vers les conseillers). C’est quelque chose qu’on regarde. Comme conseiller, si je réfère un client pour une hypothèque à une caisse, je le fais de bonne foi et j’espère que les gens de cette caisse vont m’aimer plus, et j’espère qu’ils vont m’envoyer plus de références.»